Kilembwe- Misisi-Salamabila: Foyer de Tensions Inter-Ethniques ou Nouveau Triangle de Mort en Perspective?

L’axe Kilembwe-Misisi-Salamabila lie la Province du Sud-Kivu, l’ancien Katanga (Province de Tanganyika en passant par Force Bendela) et la Province de Maniema. Cet axe relie principalement le territoire de Fizi au Sud-Kivu ainsi que celui de Kabambare au Maniema. En termes communautaires, ces territoires de Fizi-Kabambare sont principalement composés par Babembe, Banyamulenge, Bafuliro, Babuyu, Babangubangu, Bazimba etc. Le territoire de Kabambare reste relativement calme en comparaison de Fizi. Par contre le territoire de Fizi a toujours été un foyer de tensions entre groupe communautaires mais aussi de groupes armés, miliciens etc. D’une manière spécifique, les tensions en zone de Fizi opposent souvent les communautés Babembe et Banyamulenge.

Loin des questions politiques et identitaires, la gestion d’espaces de pâturages constituent un enjeu majeur dans le territoire de Fizi. La politique de gestion de terres entre les agriculteurs et éleveurs n’est pas assez claire pour mieux délimiter les espaces réservés à ces deux activités, probablement exclusives. La manipulation et l’exploitation d’antécédents antérieurs entre communautés restent une monnaie courante dans ces contrées. L’usage de la force, des armes et influence politique dominent maintes fois tous les débats. Le contexte socio-politique lié aux élections s’ajoute à une situation fragile datant de longtemps. L’exécution des politiques du gouvernement central tendent à confirmer que l’autorité de l’Etat n’est pas encore mieux implantée. A cela s’ajoute la question de l’efficacité de forces de sécurité face aux défis que connaît le pays ainsi que ceux de cette zone.

L’axe Kilembwe-Misisi-Salamabila est aujourd’hui un théâtre de confrontation entre les éleveurs et habitants du territoire de Kabambare. Le centre de Salamabila dans le territoire de Kabambare en particulier est aussi un centre de commerce et d’exploitation minière. De la part cette position économique, Salamabila connait un afflux des commerçants amenant de vaches pour la consommation des viandes. De Minembwe en passant par le Lulenge jusqu’à Kilembwe, cette région est longtemps restée l’entité servant aux pâturages, souvent pendant la période de transhumance. Ces eleveurs ont, durant cette décennie, foncés vers Salamabila centre et ses environs. Ces éleveurs et commerçants de vaches sont souvent des Banyamulenge. Ils font actuellement face à une forme de manipulation inter-ethnique des habitants de la communauté Bangubangu, habitant le territoire de Kabambare. Ces populations Bangubangu croient ces Banyamulenge, comme on leur peint, sont des étrangers. On les appelle des « rwandais » comme cela fut le cas dans le temps en territoire de Fizi.

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Installation de la compagnie Banro a Salamabila

La situation actuelle s’oriente dans un sens peut plus dégénérer à cause de la volatilité du contexte social et politique. Ce climat a déjà fait plus de 6 morts et quelques blessés. En date du 16/03/2016, les éleveurs Banyamulenge sont attaqués par les hommes en armes, avec de fusil Kalachnikov. Durant cette attaque, deux personne sont décédées et trois autres blessées. En date du 08/05/2016, une autre personne Munyamulenge est morte durant une attaque en fusil automatique qui s’est produite pendant la nuit. La nuit du 17/05/2016, une famille Bangubangu d’un ancien directeur de l’école primaire vivant à côte de ces éleveurs est attaquée par les hommes en armes blanches. Le directeur ainsi que 2 enfants succombent et sa maison est brulée. Son épouse et son fils s’échappent par justesse. Lors de leur fuite, ces survivants accusent ces éleveurs comme des commanditaires de cette dernière attaque. La dernière attaque qui tua le directeur avait été précédée par une réunion qui a eu lieu à Salamabila centre. Sans que les éleveurs n’y soient conviés, la réunion s’est tenue autour du chef de Secteur ainsi quelques notables, de 8h-16h. On se demanderait la coïncidence entre cette réunion et la mort de ce directeur retraité.

Le matin du 18/05/2016 à 6h, un grand nombre de la population Bangubangu recourt à la vengeance, avec des armes blanches, machettes, lances et armes à calibre de chasses. Alors que l’attaque est survenue la nuit, les habitants de Salamabila ont envahi les éleveurs en grand nombre, sous une mobilisation sans précédent. Dans le sauve qui peut, une dizaine d’éleveurs avait disparu la journée du 18/05 pour revenir tard la nuit après l’intervention des militaires FARDC, qui n’a semblé que s’interposer avec retard. Les traces de 3 éleveurs sont encore incertaines au point qu’ils auraient été tués durant cet assaut. En plus de ces dégâts en vies humaines à l’aide des machettes plus de 100 vaches sont égorgées d’autres sont toujours prises en otage par la population locale. Depuis le mois de Janvier jusqu’en Mai, cette situation qui n’assurait pas l’observateur averti, a semblé n’avoir pas attiré l’attention des gouvernants, provinciaux et ceux du gouvernement central. Même devant ces incidents macabres où il y a eu des morts, les enquêtes n’ont pas abouties pour déterminer les responsabilités de ces tueurs.

La situation est volatile au point que d’autres dégâts peuvent avoir lieu dans les jours qui viennent. Les mobiles et motivations derrière ces événements amènent à croire que nous sommes devant une situation qui peut bientôt opposer les communautés. Les événements similaires opposant les communautés se sont fait voir dans les provinces limitrophes du Sud-Kivu. Pour bien comprendre cette inquiétude, en voici quelques éléments de l’évolution qui conduisit à cette escalade :

Sikatenda
General Sikatende
  • En Janvier 2016, un meeting populaire a été organisé à Salamabila par le Général Sikatenda (en retraite possiblement) sur la place dit Monument. Durant ce meeting, il a annoncé que les Banyamulenge sont des ennemis à attaquer premièrement avant tout processus à entreprendre. Selon certaines indiscrétions, ce processus à entreprendre s’aligne dans une logique de guerre contre les envahisseurs. Une opération dénommée « Operations Congo Renouveau » serait l’objectif ultime. Il a bien précisé qu’il s’agit de ces « rwandais » avec des vaches ici à Salamabila auxquels il faut s’en prendre. La conséquence a été que le climat qui était bon entre ces éleveurs et Bangubangu, les habitants de Salamabila a commencé à se détériorer ;
  • En Février 2016, une lettre de Chefs de groupements dans le Territoire de Kabambare avait été envoyée aux éleveurs Banyamulenge leur sommant de quitter leur territoire endéans 48 heures;
  • En Mars 2016, une lettre du Ministère de l’Intérieur Provincial de Maniema avait été envoyée à ces éleveurs comme quoi ils doivent quitter ce territoire le plus tôt possible. Les discussions avait donnée lieu au compromis que ces éleveurs quitteront cette partie de la République durant la période sèche. Il était question d’attendre la période sèche pour mieux déplacer leurs troupeaux;
  • Fin Mars 2016, la lettre du Chef de Secteur de Salamabila, allant dans le même sens d’expulsion d’éleveurs, avait encore une fois été adressée à ces derniers. La suite a été que les relations entre la population Bangubangu et Banyamulenge, éleveurs ou commerçants continuant à se détériorer davantage. Selon les informations en notre disposition, les copies de ces lettres se trouvaient dans les mains de ces éleveurs ;
  • Un rassemblement aurait été organisé en date du 26/03/2016 par un député national honoraire à Kilembwe. Dans ce meeting, il a appelé aux efforts de tout un chacun afin de libérer le pays dans l’emprise des « envahisseurs ». Il s’en est même pris à certains drapeaux de partis politiques du fait que la zone de Kilembwe appartiendrait au PRM (Parti de Résistants Mayimayi). Le meeting a eu lieu au marché de Kilembwe, en face de la mission Catholique. Durant ce rassemblement, ces envahisseurs ont été dénommés ouvertement;
  • Une réunion s’est tenue autour de ce même Général en retraite résidant à Kilembwe en fin Mars 2016 et en date du 08/04/2016 aux environs du village de Tulonge vers Force Bendela. Durant ces deux réunions, les discussions ont tourné autour de la même question des éleveurs qu’il fallait chasser dans ces territoires afin d’arriver à leur projet;
  • Il y a une possibilité que miliciens se réorganisent et s’attaqueraient à des communautés ethniques qui ne s’inscrivent pas dans cette logique d’attaquer les éleveurs. Les compagnies minières de la région seraient aussi dans le collimateur de ces miliciens en gestation pour de raisons d’y trouver plus de moyens financiers et médicaux.

Bref, se basant sur ces informations qui sont en grande partie vérifiables; au vu du contexte actuel politique, ainsi que la « présence » du Général Sikatenda à Salamabila depuis hier soir, la situation reste préoccupante et volatile. S’il s’avérait que le Général Shikatende est impliqué dans cette escalade, on se poserait la question de comprendre ses motivations d’entretenir le chaos et même les milices alors qu’il est supposé être proche du pouvoir. Depuis 1997, son rattachement aux efforts de Hewabora le plaçait parmi les personnalités clés autour du pouvoir. De surcroit, bien qu’un compromis avait été trouvé par rapport au retour de ces éleveurs vers Lulenge-Minembwe, la situation s’est empirée alors qu’une solution pacifique était toujours possible. Toutefois, on se demanderait pourquoi ces éleveurs, leurs vaches ainsi que ces commerçants n’ont-ils pas droit de vivre, alors que citoyens de ce pays, sur un territoire appartenant à la RDC ?

Les décideurs politiques ont besoin de s’atteler à cette question avant qu’elle ne devienne plus incontrôlée. En période cruciale combinant les antécédents communautaires ainsi que l’incertitude autour des élections, le bloggeur estime qu’une attention particulière est nécessaire de la part de forces de sécurité pour déterminer avec impartialité les responsabilités de tout un chacun. La protection des personnes et de leurs biens reste une obligation à exécuter. Les failles dans la protection des personnes et leurs biens sont aussi condamnables. Les manipulateurs et tireurs de ficelles, où qu’ils se trouvent, doivent aussi se ressaisir et répondre de leurs actes. Une issue politique est aussi à engager pour la bonne cohabitation entre communautés ethniques. La stabilité du pays n’est pas à confondre avec intérêts particuliers.

NTANYOMA R. Delphin

Secrétaire Exécutif & Coordonnateur

Appui au Développement Intégré &

à la Gouvernance

Compte Twitter @delphino12

Blog: www.edrcrdf.wordpress.com

About admin 430 Articles
PhD & Visiting researcher @POLISatLeeds. Interest: Microeconomic Analysis of Violent Conflict, Genocide Studies and violence targeting minority groups. Congolese, blogger advocating for Equitable Redistribution of Ressources & national wealth as well as & #Justice4All #DRC. On top of that, I'm proud of being a "villageois"

1 Comment

  1. Herdsmen vs Farmers: An old white professor (in on of my classes) once told us that the conflict between herdsmen and farmers is as old as Cain and Abel in the bible. Nibuka imuhira and I got afraid that may be the conflicts up there will never end ! Your response will be much appreciated.

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