Conseil de Sécurité des Nations Unies: Evaluation du Climat Politico-Sécuritaire en RDC aux Avancées Mineures ?

La délégation du Conseil de Sécurité de Nations Unies est en visite de 72 heures en République Démocratique du Congo depuis hier 11.11.2016. La délégation, avec son agenda trop chargé, a rencontré ce matin le Premier Ministre sortant Matata Ponyo ainsi que le Chef de l’Etat Joseph Kabila. Elle a aussi eu d’entretien avec l’opposition qui a participé aux assises de la Cité de l’Union Africaine ainsi que celle dite « radicale », le rassemblement de Forces Vives Acquises au Changement du charismatique Etienne Tshisekedi. Au même moment, la délégation s’est entretenue avec le Mouvement de Libération du Congo ainsi que les organisations de la Société Civile, dont la LUCHA. La délégation a pour mission d’évaluer le contexte socio-sécuritaire de la RDC en rapport avec sa Résolution 2277 dans le cadre d’une diplomatie préventive.

Pour rappel, la Résolution 2277 a été adoptée par le Conseil de sécurité de Nations Unies à sa 7659e séance, en date du 30 Mars 2016. Considérant le contexte politique de l’heure, la résolution s’inscrit dans la suite de longue listes des Résolutions et déclarations de cet organe clé de nations Unies, dont notamment en particulier ses résolutions 2211 (2015), 2198 (2015), 2147 (2014), 2136 (2014) et 2098 (2013). La résolution dont les politiques Congolaises interprètent comme se limitant sur l’organisation des élections, elle couvre plutôt plusieurs domaines de la vie socio-politique et sécuritaire de la RDC ainsi que ses implications sur la région de grands lacs. L’article retrace quelques aspects clés de cette résolution pour enfin se demander si cette délégation fera quelle constatation par rapport à l’évolution du contexte politico-sécuritaire de la RDC?

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Membres de la delegation du CSNU

Volet Sécuritaire, Humanitaire & Groupes Armés  

Tout en affirmant l’intégrité territoriale, l’indépendance ainsi que la souveraineté de la RDC, la résolution exprime la préoccupation des Nations Unies en rapport avec la recrudescence de conflits entre communautés et l’exploitation illégale de ressources naturelles à l’Est du pays. Ces conflits qui, maintes fois, tournent autour du contrôle de zones potentiellement riches en ressources naturelles ont déjà occasionné plus de 1,6 million de déplacés internes, 170.000 réfugiés sur le sol Congolais ainsi que des plus de 450.000 réfugiés ayant fui l’est du pays. Pour ce faire, la résolution demande au Gouvernement de la RDC de ne ménager aucun effort afin de consolider l’autorité de l’Etat, mettre en place les mécanismes visant la réconciliation, la tolérance ainsi que la démocratie comme le prévoit les engagements de l’Accord Cadre d’Addis-Abeba dont la RDC est signataire. Elle insiste sur le rôle de l’administration civile responsable, le renforcement et la reforme de services de sécurité, mais aussi du système judiciaire ; domaines qui constituent le socle de la promotion de l’état de droit et protection de droits humains.

D’une manière particulière, la résolution s’insurgerait contre la « lenteur des progrès dans les domaines essentiels de la stabilisation de la République démocratique du Congo, et demande de nouveau au Gouvernement de la République démocratique du Congo de prendre de nouvelles mesures pour réformer le secteur de la sécurité, comme il s’y est engagé, notamment en appuyant une force de réaction rapide efficace et pérenne, et pour mettre en œuvre sans délai l’ensemble du programme national de désarmement, de démobilisation et de réintégration ». La résolution n’hésite pas de mentionner que les Nations Unies détiennent d’information accusant les FARDC, la Garde Républicaine (GR), la Police Nationale Congolaise (PNC) ainsi que l’Agence Nationale de Renseignement (ANR) d’abus de droits de l’homme et enfin rappellent que la lutte contre l’impunité est d’une nécessite primordiale.

L’insécurité et la crise humanitaire en RDC sont aussi une émanation de la présence de groupes armés multiples sur son sol. A cet effet, le Conseil de Sécurité de nations Unies exige un démantèlement de miliciens FDLR, ADF, LRA et les autres groupes armés locaux. La résolution somme ces groupes armés de cesser l’exploitation des ressources naturelles et de s’inscrire plutôt dans le programme Désarmement, Démobilisation et Réinsertion (DDR). La résolution condamne fermement les massacres de Beni qui visent la population civile innocente ; atrocités qui ont déjà fait plus de 1200 tués, de blessés et de dégâts collatéraux innombrables causés par des présumés terroristes ADF. Ensuite, elle rappelle la nécessite du rapatriement de ex-combattants du M23 ainsi que la collaboration entre la RDC, le Rwanda et l’Uganda en vue de trouver une issue à cette question. La RDC devrait disponibiliser tous les moyens pour accélérer le rapatriement ; mais aussi, leur DDR.

Le lecteur et observateur indépendant réaliserait que quelques avancées ont été accomplies dans ces domaines sécuritaire, humanitaire et groupes armés ci-haut cités. Alors que les massacres de Beni continuent `à se perpétrer, la délégation du Conseil de Sécurité des nations Unies qui visitera Goma et Beni ne sera pas satisfaite de réalisations de protection de civils bien qu’elle ne pourra non plus pas dire que rien n’a été fait. Devant une menace du possible « Jihadisme » en gestation et tenant compte du contexte socio-politique et économique de ce grand pays, le Conseil de Sécurité de Nations Unies aurait à exiger une réponse régionale—internationale, passant par une enquête indépendante, pour clairement déterminer les voies par lesquelles ces citoyens innocents sont égorgés. Pour une question de confiance entre partenaires, l’enquête indépendante comprenant les experts des Nations Unies faciliterait à mettre en place de mécanismes adéquates pour contenir ce fléau terroriste qui endeuille le monde entier.

Les conflits intercommunautaires tendent à ressurgir encore pour ne pas dire qu’ils existent depuis la belle lurette. Ces conflits sont parmi les facteurs qui occasionnent de déplacement interne de population ainsi qu’accentuer les réfugiés en dehors du pays. A cela s’ajoute la présence de miliciens et « groupes armés étrangers » sur le sol congolais qui, de fois, prétexte l’invasion de la RDC par les armés de pays voisins. Le rapatriement de ces miliciens et groupes armés étrangers a connu d’avancées au point que la délégation du Conseil aurait à les constater et à appeler la communauté internationale d’appuyer la RDC en vue d’en finir avec cette présence qui nuit plus aux populations locales que ces voisins. Dans le même ordre d’idée, le rapatriement des ex-combattants du M23 cantonnés au Rwanda et Uganda devrait constituer une priorité à laquelle moins de progrès auraient été réalisés. Nonobstant leurs responsabilités qui exigeraient qu’ils répondent aux accusations et abus de droits humains, la présence de ces ex-combattants ne serait-elle pas un motif pour déstabiliser encore une fois la RDC ? La délégation réalisera-t-elle les raisons qui avaient été derrière la possible disparition de Sultani Makenga et les implications que cela aurait sur la stabilité de l’Est du Congo et celle de la région en général?

La question des ex-combattants M23 n’est pas la seule qui n’a pas trouvé de solutions appropriées. De nombreux abus de droits humains ainsi que les crimes commis dans ce pays n’ont encore pas trouvé de réponses satisfaisantes. La délégation du Conseil de Sécurité de Nations Unies ferait mieux s’il contribuerait au renforcement du système judiciaire, gage de l’état de droit et de la stabilité. La mise en place d’un tribunal mixte pouvant juger tous les crimes commis en RDC serait une solution adéquate pour la durabilité de sa stabilité. Ce tribunal tiendrait compte du souci de réconciliation ainsi que la réhabilitation des victimes.

En ce qui concerne le désarmement, le bloggeur croit que les mécanismes entourant le DDR connaissent de failles au point qu’ils ne satisfont pas seulement les démobilisés ; mais ils « démobilisent » ceux, actifs encore dans les groupes armés locaux, qui auraient voulu entreprendre cette voie. De ce fait, il y a une nécessite de revoir le fonctionnement de ce processus DDR au point qu’une expertise, si nécessaire, soit apportée par les Nations Unies. En plus de cela, les causes lointaines en rapport avec les griefs qui opposent les communautés doivent trouver de réponses et l’état Congolais ferait mieux en reconnaissant ses limites pour que l’Est du pays s’aligne sur une voie de stabilité durable. Rien n’indique pas que les questions politiques restent les seules qui détériorent le climat de cohabitation. La redistribution équitable de la richesse nationale serait déterminante et moins d’avancées dans ce domaine y ont été réalisées.

Volet Situation Politique, Elections & Droits Humains

En fin  Mars 2016, la résolution 2277 avait déjà constaté le retard dans les préparatifs des élections présidentielles et législatives selon les dispositions de la constitution RD Congolaise. Toutefois, le Conseil de Sécurité des Nations Unies reste toujours soucieux du fait que ces élections soient justes, crédibles, pacifiques et transparentes. Cette exigence pacifique-crédible, combinée de la nécessite de respecter la constitution aurait fait que la résolution exige un dialogue inclusif entre acteurs politiques. La résolution se rangeait avec fermeté derrière les efforts de « l’Union Africaine d’engager des consultations sur ce dialogue ». Au même instant, la résolution demandait « instamment à toutes les parties prenantes nationales de coopérer avec l’Union Africaine à cet égard, et prie [priait] le Secrétaire général de fournir un appui politique à ces efforts en conformité avec la présente résolution, notamment en usant de ses bons offices ».

Comme le contexte politique actuel est émaillé de tensions, la résolution s’insurge sur le rétrécissement de  l’espace politique en RDC avec les corolaires qui sont les arrestations des opposants ainsi que la fermeture des medias. Elle exige que les auteurs de atteintes et abus, lorsque ceux-ci peuvent constituer des crimes de guerre ou contre l’humanité et spécifiquement en rapport avec les élections, soient poursuivis en justice. La résolution demande au Gouvernement de la RDC de ne pas laisser impunis les auteurs de crimes commis contre les enfants et les femmes en périodes de conflits. Il s’agit des auteurs de violences sexuelles qu’ils soient membres de forces nationales de sécurité, de groupes armés ou auteurs individuels. Il incombe au gouvernement de protéger, assister et réhabiliter les victimes.

A ces questions pertinentes comme tiennent à les souligner les politiques, la délégation pourra constater quelques avancées, moins satisfaisantes soient-elles, mais allant dans la bonne direction. En premier lieu, des assises du dialogue ont organisées et l’accord a été signé le 18 Octobre 2016. L’accord qui laisse une fenêtre aux opposants qui n’y ont pas pris part connait encore de complications en termes de faire adhérer l’ensemble d’acteurs politiques de la capitale ; mais surtout Etienne Tshisekedi et le groupe dit de « Limete ». La délégation a constaté qu’au moins l’accord a abouti au compromis d’organiser les élections en Avril 2018 et que la gestion de la période transitoire se fera en collaboration entre la majorité présidentielle et l’opposition. Avec un premier Ministre qui sera issu de l’opposition signataire de l’accord de la Cité de l’Union Africaine, ce pas réalisé serait appréciable comparativement au fait que ne rien n’avait été trouvé sur terrain. En plus de cela, la délégation du Conseil de Sécurité tiendra à s’assurer que les efforts de la CENCO, tout en les soutenant,  pourront aboutir à une inclusivité. Ces efforts visent à embarquer les acteurs du Rassemblement-MLC dans la logique de trouver une issue pacifique de la crise actuelle.

La délégation doit constater que la CENI a tout de même entrepris la révision du fichier électoral comme étape de rendre crédible les élections à venir. Il s’agit d’un pas important qui nécessite les efforts et la main de la communauté internationale, particulièrement ceux du Conseil de Sécurité de Nations Unies. Toutefois, autour de ces élections qui s’annoncent dans une année et demie, des questions en suspens de « spéculation » sont multiples. Rien ne garantit que les moyens techniques et financiers seront disponibles pour qu’en Avril 2018 se tiennent ces élections. La crise connait aussi un « mystère » autour du troisième mandat du président Joseph Kabila dont l’actuelle constitution l’interdit de briguer un autre mandat. La question à laquelle l’intéressé ne s’est encore pas prononcé reste le « mystère » qui ouvre de fenêtres de spéculations. Une lumière tend à se dessiner et pourra de plus en plus compliquer le climat qui avait été tendu depuis plus de trois ans. Le lecteur se souvient de la campagne qui date de 2013 et qui insiste sur « ne touche pas à mon 220 »

Quelques avancées sur la décrispation du climat politique se sont annoncées quelques semaines avant les travaux du dialogue. Des prisonniers politiques ont été libérés ainsi que quelques medias appartenant aux opposants. Bien que la Radio France Internationale(RFI) connait de complication d’émettre, la délégation aurait réalisé tout de même que ces medias qui avaient été fermés depuis quelques années ont été autorisés à émettre. Il s’agit d’un pas à encourager pour aller dans le sens de libertés de medias. La libération des prisonniers politiques a été aussi un pas que la délégation a pu constater bien que des demandes persistent en vue de libérer d’autres prisonniers d’opinion en vue d’aller vers l’apaisement. Cette question aurait été discutée en coulisses car contribuant à la décrispation du climat politique.

La délégation, face aux possibles confrontations liées aux élections, elle me semble avoir insisté  sur la nécessite de rendre ce climat politique propice et ouvert à tous les acteurs. Elle doit avoir  insisté sur une nécessite de ne pas plonger ce pays dans le chao pour une crise qui peut se résoudre pacifiquement. Certaines sources affirment que les membres de cette délégation s’en sont réjouis car ayant trouvé d’interlocuteurs soucieux de la résolution pacifique de la crise.  En matière de violences sexuelles, la résolution trouvera que quelques avancées ont été réalisées par la Conseillère du Chef de l’Etat en la matière. Des procès ont été organisés en vue de punir les auteurs de ces crimes au sein de forces de sécurité. Malgré tout, il y a encore beaucoup à faire dans ce domaine qui est lié à la stabilité de l’Est du Congo, à la professionnalisation de forces de sécurité ainsi qu’à l’existence du système judiciaire digne de son nom. Toutefois, il est à souligner que les tensions autour de la crise électorale aurait peut-être fait que la délégation, bien qu’étant  dans la logique d’évaluer toute la résolution 2277, elle se verrait submerger par les questions politiques et sécuritaires principalement liées aux élections.

Volet Mandat de la MONUSCO

Le Conseil de Sécurité des Nations Unies, dans la résolution 2277 a décidé de proroger le mandat de la MONUSCO jusqu’au 31 Mars 2017.  La résolution stipule que l’effectif de cette grande force de Nations Unies en charge de stabilisation du Congo soit constituée de 19.815 militaires, 760 observateurs militaires et officiers d’état-major, 391 policiers et 1 050 membres d’unités de police constituées. Elle aura pour mission de protéger les civils contre tous les abus et violences dont ils sont victimes en réduisant les menaces que présentent les groupes armés sur les civils.

La MONUSCO doit contribuer à promouvoir et consolider la paix au travers son appui en matière de démocratisation, protection de libertés fondamentales ainsi que la réconciliation. Elle doit fournir son expertise et appui logistique en vue de faciliter la CENI dans sa mission de réviser le fichier électoral. Elle doit apporter son appui dans la reforme de services de sécurité, la PNC et les FARDC. Dans la résolution, le retrait de la MONUSCO est encadré de cette manière : « le retrait de la MONUSCO doit s’opérer par étapes et de manière progressive, au fur et à mesure que seront atteints des objectifs spécifiques… ». Et à la Brigade d’Intervention qui pourra se retirer en ayant réalisé  « des progrès durables dans l’élimination de la menace que constituent les groupes armés et en mettant en œuvre une réforme du secteur de la sécurité qui soit viable et qui prévoie éventuellement la mise en place d’une force congolaise d’intervention rapide ».

A ce volet, les signaux tendent à confirmer que la présence et la mission de la MONUSCO restent encore nécessiteuses. Au vu du contexte politique actuel lié à la crise électorale et toutes ses implications, les menaces que présentent toujours les groupes armés à l’Est du pays, la présence des ADF-NALU qui seraient liés au terrorisme international ainsi que les massacres commis à Beni, la délégation ne pourrait que proposer que le mandat de la MONUSCO soit encore une fois prolongé sans que ses effectifs soient revus à la baisse. Il me parait plutôt que ce contexte actuel ainsi la possible militarisation du territoire congolais, une fois qu’un compromis entre acteurs n’est pas trouvé, il y aurait une obligation de renforcer le mandat de cette force des Nations unies ; mais aussi une possibilité d’envisager l’augmentation de ses effectifs, surtout ceux de la Brigade d’intervention.

Voilà en bref ce que la délégation du  Conseil de Sécurité de nations Unies aura à  réaliser dans sa mission d’évaluation de la résolution 2277. La fragilité et la position du pays font que l’Afrique et les Nations Unies se soucient de la stabilité de ce grand pays. Le Conseil devait-il comprendre que le peuple ordinaire est plutôt soucieux de comment subvenir aux besoins primaires ? Cette délégation a pu réaliser que les tensions de Kinshasa ne sont pas celles qui préoccupent la population dans le milieu rural de ce pays ?  Quelqu’un peut apporter à cette délégation ce message comme quoi il y a un grand nombre de la population congolaise qui demandent l’établissement des écoles, hôpitaux, routes et électricité qui ne seront que possible si la gestion du denier public connait une rigueur? Pensez-vous autrement ?

NTANYOMA R. Delphin                              

Secrétaire Exécutif & Coordonnateur

Appui au Développement Intégré &

à la Gouvernance (ADIG)

Twitter : https://twitter.com/Delphino12

Blog: www.edrcrdf.wordpress.com

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PhD & Visiting researcher @POLISatLeeds. Interest: Microeconomic Analysis of Violent Conflict, Genocide Studies and violence targeting minority groups. Congolese, blogger advocating for Equitable Redistribution of Ressources & national wealth as well as & #Justice4All #DRC. On top of that, I'm proud of being a "villageois"

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