M23-Governement : Signature d’une « Déclaration-Accord » Compensatoire de la Défaite Militaire

Bisimwa

C’est en marge du 50e anniversaire de l’indépendance du Kenya que cette compensation a été signée. Il s’agit de la signature d’une Déclaration-Accord sanctionnant les pourparlers entre le M23 et le gouvernement congolais. Ces assises se sont tenues à Kampala depuis décembre 2012. Le document signé à Nairobi soulève en quelque sorte de controverses au sujet de son titre et son contenu. Pour les uns, il s’agit d’un accord ; alors que pour les autres, elle est une déclaration mettant fin à l’existence du M23 comme mouvement insurrectionnel.

Loin de convaincre le lecteur sur cette appellation controversée « Déclaration-Accord », l’article essaie de relier le document avec la résolution de causes profondes qui ont endeuillé l’Est du Congo durant les deux dernières décennies.

En guise de rappel, il sied de souligner qu’il ne s’agit pas d’une première signature pour qu’elle soit appelée historique. Ces types d’accord l’ont été en 1999, 2002, …2009 et encore en 2013. Les medias et les caméras ont toujours assistés à ces événements rehaussés par les hommes forts applaudissant les réalisations. Toutefois, ces signatures n’ont pas fait que des guerres et conflits cessent à l’Est spécifiquement. Quoi de neuf s’est alors passé à Nairobi en date du 12/2/2013 ?

La déclaration-accord contient 11 points importants. Parmi ces points, 7 ne concernent en grande partie que le M23 comme mouvement politico-militaire et ses combattants. Ces points couvrent l’amnistie, démobilisation – désarmement – réintégration, la libération des prisonniers de guerre, le changement du M23 en parti politique, les responsabilités en rapport avec la réinsertion sociale des combattants (article 1-5). L’article 8 parle des biens spoliés, extorqués, volés, détruits, pillés et la mise en place des mécanismes de rétrocession aux propriétaires. Et l’article 10 revient sur la revue des accords du 23 Mars 2009 et la mise en application des points qui ne l’ont pas été ou l’ont été en partie.

En mon entendement, les articles restant sont ceux qui touchent les problèmes socio-économiques et politiques que connait le pays. Il s’agit de l’article 6 intitulé « Retour et réinstallation des refugies et des déplacés internes ». L’article repose sur l’engagement du gouvernement à mettre rapidement en œuvre les accords tripartites entre Etats et le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les Refugies (HCR). Il est stipule clairement que le gouvernement travaillera avec la MONUSCO pour des questions sécuritaires et assurer la protection des civils contre les forces négatives. De la sécurisation de zones qui accueilleront les refugies et déplacés, la police de proximité, la mise en place des projets de développement et au plan détaillé de retour des réfugiés ; tout dépendra de la volonté et de l’engagement du gouvernement. Le M23 a été promu d’être inclus dans la structure nationale chargée des questions des refugies.

L’article 8 concerne la réconciliation nationale et la justice. L’article prévoit la mise en place d’une commission de réconciliation nationale qui sera chargée de résoudre pacifiquement les conflits ; recommander la législation contre la discrimination ethnique et l’incitation à la haine. En plus, la commission se verra aussi charger de promouvoir les valeurs citoyennes et régler les conflits fonciers. La commission nationale, cette fois-là, sera composée des personnes ‘intègres’ dans le respect de l’inclusion et de l’équité – égalité ; mais aussi, le M23 sera représenté dans cette commission. La commission nationale de réconciliation sera sous l’autorité suprême du chef de l’Etat et sous la supervision directe du premier ministre. Toutefois, la commission soulève encore la question qui a toujours posé des problèmes, celle de la vérité et justice. Les parties se sont convenues de poursuivre en justice les crimes de guerres, crimes de génocide, crimes contre l’humanité, violence sexuelles et recrutement d’enfants soldats à tout présumé auteur.

L’article 9 réitère l’engagement du gouvernement congolais en rapport avec l’accord-cadre pour la Paix, Sécurité et Coopération (PSC) dans la région, du 24/12/2013. Et l’article 11 retrace les mécanismes de mise en œuvre, suivi et évaluation. Le suivi et l’évaluation ainsi que le développement des critères de suivi nécessaires seront assurés par le Mécanisme National de suivi des engagements de PSC accord-cadre. Les parties signataires de la déclaration-accord désigneront un coordonnateur chargé de suivi. Enfin, l’accompagnement du Secrétariat Executif de la Conférence Internationale de la Région de Grands Lacs (CIRGL) se place comme garant.

La lecture faite dans cet article est que dans l’ensemble, les principaux points en rapport aux causes des conflits et guerres dépendront en grande partie de la volonté du gouvernement. Donc, le gouvernement n’est plus considéré comme l’un des signataires de la déclaration-accord. Au-delà de l’accompagnement souscrit par le CIRGL, le retour des refugies et des déplacés internes dépendront de la volonté du gouvernement et des accords tripartites. L’inclusion des membres du M23 dans la structure nationale chargée des refugies pourra peut-être contribuer à faire avancer le processus. Toutefois, leur apport sera basé sur l’engagement du gouvernement, qui semble-t-il, a fourni d’efforts controversées pour gérer la question. En plus, il me semble important que le retour des refugies est fonction directe de la sécurité, mais à fortiori du processus de réconciliation nationale. Le retour dépendra en grande partie de la réconciliation de groupes communautaires de l’Est ainsi que de la reforme de services de sécurité.

L’épineuse question se pose au niveau de la vérité et justice. Tous les présumés auteurs des crimes seront traduits en justice selon les conventions des parties signataires. L’expérience a alors monté que l’échec de la commission vérité & réconciliation de Mr Kuye a été en grande partie dû à la politisation de la commission. Il est largement admis que lors de la mise en place de cette commission en 2003, les membres de cette commission représentés majoritairement les parties signataires de l’Accord de Sun City. Dès lors, certaines mains invisibles craignant une possible culpabilité, avaient une influence sur celle-ci, l’intégrité de ses membres a toujours été discutable. Et c’est depuis les années 2007 que la commission vérité et réconciliation a ralenti ses missions, pour ne pas dire qu’elle a arrêté. La question qui revient est de savoir si ces failles ont été dépassées ce dernier temps et plus particulièrement lors de pourparlers de Kampala.

La gouvernance et la reforme socio-économique qui sont des aspects critiques dans la résolution des crises à l’Est du pays, semblent ne pas trouver son origine dans les négociations de Kampala. La déclaration-accord semble n’avoir rien apporté sauf l’engagement réitéré de la part du gouvernement à respecter l’accord-cadre d’Addis-Ababa. Pratiquement, les parties signataires ne sont plus engagées à partir de cette déclaration mais, à partir d’un cadre régional. L’existence de cet article dans cette déclaration est presque superficielle. Enfin, le suivi et l’évaluation se feront aussi à travers un mécanisme existant, mais qui ne l’est pas au travers cette déclaration.

Le souci reste de savoir l’apport nouveau de cette déclaration dans la résolution des causes profondes et lointaines de la crise qui secoue l’est de la RDC. S’agit-il des postes promis aux membres du M23 dans les structures existantes ou l’accompagnement par le secrétariat exécutif du CIRGL ? En gros, la volonté du gouvernement semblera jouer un rôle important, comme il l’a toujours été. Par conséquent, il serait nécessiteux de comprendre pourquoi pendant longtemps ces problèmes n’ont pas trouvé des solutions durables et peut-être revoir les perspectives d’avenir pour asseoir une paix durable à l’Est du Congo. Si non, la déclaration-accord ne ferait que compenser la défaite militaire qui aurait été négociée en coulisse par intervention et abstention.

Votre point de vue peut me convaincre autrement

 

NTANYOMA R. Delphin

Email: rkmbz1973@gmail.com

Twitter Account @delphino12

Blog: www.edrcrdf.wordpress.com

About admin 430 Articles
PhD & Visiting researcher @POLISatLeeds. Interest: Microeconomic Analysis of Violent Conflict, Genocide Studies and violence targeting minority groups. Congolese, blogger advocating for Equitable Redistribution of Ressources & national wealth as well as & #Justice4All #DRC. On top of that, I'm proud of being a "villageois"

Be the first to comment

Leave a Reply

Your email address will not be published.


*


This site uses Akismet to reduce spam. Learn how your comment data is processed.