Babembe au Sud-Kivu: 5 ans de Différence Avec Mes Arrière-Grands-Pères ?

General Zabuloni & Mayimayi Yakutumba. Figures de resistance

Parmi les grands défis et faiblesses humains, j’ai pu remarquer la tendance d’accepter souvent ce qui a été dit comme vrai et le jeu à la défensive. C’est-à-dire, à force d’avoir entendu une chose plusieurs fois, il nous arrive souvent d’y croire ; et malheureusement avec moins de courage d’y mener notre observation personnelle. C’est dans ce même angle que, par manque de curiosité, nous tendons à avaler presque tout, sans penser à approfondir de recherches pour mieux voir de quoi s’agit-il réellement. Le lecteur mieux averti comprendrait que l’exposé de cet article est à prendre avec prudence et penser plutôt à y apporter positivement la pierre d’angle après bien sûr une forme de recherche.

En deuxième lieu, devant une menace quelconque, il reste difficile de penser à une solution d’offensive car tendons toujours à faire une retraite pour organiser une défensive. En jouant la stratégie défensive, elle donne l’occasion à ceux-là qui veulent envenimer, de trouver d’alibis car considérant qu’il n’y a aucune raison qui amènerait personne à la défensive, si ce n’est que… Le lecteur devrait interpréter positivement cet argument car il entre dans une situation fragile qui ferait croire que l’article appelle à l’usage de la force pour mener cette offensive. Non, qu’il me soit permis d’éclairer l’argument. Il s’agit au fait de ne pas laisser un champ libre aux égoïstes qui veulent exploiter certains faits qui entreraient peut-être dans le premier argument (1er paragraphe) et qui a fait qu’un monde soit plongé dans les ténèbres sur base d’une information moins balancée. Le point de vue appelle aussi à faire des recherches qui prouveraient que certains actes politiciens ne visent qu’à apporter du mal ; bien que la vérité est tout contraire.

Le bloggeur estime que, sur base de ce qui est discuté dans cet article, les migrations Africaines et surtout celles de l’Est du Congo n’épargnent moins des communautés. A plus forte raison, elles ne donnent à personne le droit d’être appelée indigène, autochtone, pour ne pas dire qu’il y a des communautés de premiers plans et certainement d’autres qui sont reléguées au deuxième plan, étrangers… alors qu’il y a eu moins de recherches à ce sujet.

L’article vous relate un récit tiré dans le document intitulé « Les grandes lignes des migrations des bantous de la province orientale du Congo Belge ». Bien que l’existence de ce document ne soit pas discutable, l’originalité duquel le bloggeur a utilisé reste discutable. Ce document a été tiré sur internet car son accès dans les grandes bibliothèques est jusqu’à ce niveau compliqué. Il s’agit de l’un des documents qui sont le plus souvent cités dans le cadre de la ‘nationalité douteuse’ à l’Est du Congo, car ne reprenant pas certains groupes ethniques. Il s’agit spécifiquement de la communauté dite Banyamulenge dans le Sud-Kivu.

L’auteur du document cité en haut est Alfred A. J. Moeller de Laddersous. Monsieur Moeller est l’auteur du document « Mémoire » présenté à l’Institut Royal Colonial Belge, Section des Sciences Morales et Politiques, en date du 16/03/1936. Moeller était un Vice-Gouverneur Général Honoraire au Congo Belge, professeur à l’Université Coloniale, Membre Associé de l’Institut Royal Colonial Belge et Membre de L’Institut Colonial International.

Il est originaire d’Ostende (Belgique), d’ancêtres originaires de la Norvège, il est né à Louvain le 9/12/1889. En 1911, il obtient le doctorat en droit à l’Université de Louvain. C’est vers 1913 qu’il embarque pour le Congo-Belge, où il est nommé Administrateur Adjoint au Kassai, Sankuru ainsi Stanleyville (Kisangani). En 1926, Moeller est promu vice-gouverneur général de la province orientale, qui avait pour capitale, Stanleyville. Il est décédé en Belgique le 20/01/1971 après une carrière au sein de l’Institut International Africain.

Honorable Anzuluni Bembe
Honorable Anzuluni Bembe
  1. Le choix de la Communauté Babembe

L’article porte sur l’établissement de la communauté Babembe dans le Sud-Kivu. Le choix de cette communauté est motivé par certaines raisons, notamment celles liées au fait qu’elle est l’une des communautés composant la province du Sud-Kivu. Comme le Sud-Kivu est parmi les provinces qui connaissent une diversité communautaire, elle est aussi connue en raison de certains extrémistes utilisant ces types de documents coloniaux pour des fins politiciennes. L’un des cas qui est souvent cité est celui de Banyamulenge. En deuxième lieu, sur base de l’expérience du bloggeur, les membres de la communauté Babembe sont ceux qui se sentent beaucoup collés sur la notion dite de ‘notre terre ou terre de nos ancêtres’. Les politiciens qui ont été à l’origine d’intoxications qui ont et continuent d’endeuiller cette province seraient, si ma mémoire ne m’abuse pas, en premier lieu ceux-là appartenant à la communauté Babembe.

Même si l’exclusion et la notion de la ‘nationalité douteuse’ de la communauté Banyamulenge a pris une grande ampleur au point d’impliquer plusieurs communautés ethniques de la province et celles de la région; ce deux aspects trouvent origine dans la politique dite du duo Anzuluni Bembe-Ramazani Mwene Malungu. Ces deux personnalités politiques ont joué un rôle plus que déterminant dans la vulgarisation du projet d’exclure les Banyamulenge lors de leur exercice comme députés (commissaire d’Etat). Leur projet a été appuyé par certaines personnalités Bafulero (Muzima wa Muzima et Kanyegere) qui ont épousé individuellement l’idée que certaines communautés de la région sont des étrangers. La question s’est étendue même au Barundi de la plaine de la Rusizi. Il s’agit d’une question de grande importance pour quelqu’un soucieux de la paix durable et cohabitation entre groupes ethniques dans la région du Sud-Kivu ; mais aussi celle de l’Est du Congo.

L’expérience du bloggeur est qu’en lisant le mémoire de Moeller, j’ai fait référence à l’attitude de certains Babembe quand la situation exigeait de recourir aux lois de la jungle. L’absence de l’Etat de droit a toujours fait qu’on se défende en utilisant la force et la coalition de membres de sa communauté. Nos voisins Babembe, avant de passer à l’action, ils devaient d’abord donner un signe d’intimité avec la terre des ancêtres; tout en se prosternant, il devait faire un ‘bizou/baiser’ à la terre. Ensuite, ils devraient se taper la poitrine en clamant le ‘Mubembe M’bondo qui signifierait Mubembe originel’. Le temps que j’ai pu observer ces attitudes, j’avais toujours pensé que la communauté Babembe s’est ‘retrouvée en train de pousser dans cette terre comme ces plantes qui font une bonne savane’. Mes excuses pour n’avoir pas bien su exprimer ce sentiment, mais il m’a tout le temps été étrange, au point que je n’avais jamais eu le courage de chercher à savoir quand cette communauté ait été établie dans ces coins du pays.

Ma grande curiosité était plutôt orientée aux raisons qui ont fait que ces auteurs coloniaux, avec mes respects que je leur apportent pour avoir laissé un écrit sur l’histoire du peuple dit ‘indigène’, n’aient pas fait mention de certaines communautés. L’accès aux documents originaux me complique ; alors je pense recourir à l’internet. Du coup, j’ai pu retrouver celui de Moeller dont le bloggeur pense qu’il peut contenir certaines failles scientifiques qui restent discutables. C’est par là que, à ma grande surprise, je trouve une histoire de la migration africaine ; et plus spécifiquement celle de Babembe.

Bizarrement, je retrouve même la communauté Babembe, celle que j’avais toujours considérée comme ayant une spécialité d’existence, ait été installée dans cette région 5 ans seulement avant mes arrière-grand-pères. Mon affirmation est basée sur le récit/légende de la tradition orale que j’ai reçue de la part de mon père. Toutefois, cette legende pourrait souffrir des failles de manque d’écrits à ce sujet car il n’a pas eu cette habilite. Tout de même, il me reste impérieux de vous le raconter et je pourrais dans l’avenir chercher à le corroborer avec les écrits qui ont été faits par des chercheurs indépendants. La question est complexe, mais tout de même, elle nécessite une contribution positive en vue de contribuer à une cohabitation saine entre communautés. Et quel est ce récit auquel je compare avec l’existence de la communauté Babembe au Sud-Kivu ?

  1. Etablissement de mon Clan au Sud-Kivu

La tradition Kinyamulenge est de s’identifier par clan. L’appartenance au clan est une notion vraiment forte pour ma communauté et à laquelle nous attachons plus d’importance car faisant partie d’un modèle de gestion de structures familiales. Le clan reste un lien entre personnes ayant une même descendance. Le clan définit aussi certains tabous comme mariage entre personnes appartenant à celui-ci. Il est le facteur déterminant dans l’établissement de ce qui s’apparente aux « social networks ». Une fierté qu’on cède difficilement dans le cadre du patriarcat, mais aussi citée toutes les fois qu’on doit se présenter devant une personne qu’on ne connait pas. La tradition liée au clan est souvent accompagnée par la connaissance des lignées parentales pour savoir qui appartient à votre clan et les relations vous liant enter-vous.

On la maitrise au bas-âge à travers un récit qui vous est fait par le grand-père souvent. Le grand-père, parce qu’étant la personne avec qui vous vous amusez souvent. Donc, le récit prend souvent des formes d’une séance avec moins de concentration, ou il vous est demandé de vous présenter. A l’absence du grand-père, il faut que le père s’en occupe toujours dans un environnement moins stressant. A ma dizaine d’âge, comme mon grand-père était déjà mort, mon père qui est toujours en vie me disait (traduction approximative en français): Tu es Ntanyoma, fils de Rubogora, de[1] Ruregeya, de Ruzigama, de Maturire, Ndabarishye, de Mutabazi, de Kivunanka, de Ngoboka, de Mugara, wa Muganya, wa Kitira[2] venu du Rwanda. Et mon clan, s’appelle alors Abitira, tirant son nom de la personne qui est considérée comme la première dans la lignée de ce clan.

L’ambiance me semblait moins politisée car elle fait partie de la tradition qui se répande dans tous les clans de ma communauté. En plus, les années 80-83 n’avait pas encore connue des conflits intenses à caractère communautaires d’ampleur que nous connaissons récemment. D’où, par cette tradition orale, il existerait aujourd’hui dans ma lignée clanique plus de 13[3] générations à partir de la première personne qui aurait quitté le territoire dit actuellement le Rwanda. Si une génération est comprise entre 25-30 ans, mon clan aurait été établi sur le territoire qui s’appelle aujourd’hui la RDC entre 390 ans et 325 ans. De ce fait, Kitira aurait venu au Rwanda entre 1624 et 1689. La première hypothèse liée au récit oral/légendaire de mon père.

Le bloggeur a pu passer par une autre information du récit de parents et voisins. Il s’agit de la reconnaissance des lignées de mon clan ainsi que les arrières grands-pères dont on reconnait où ils habitaient dans le temps sur le territoire qui deviendra enfin la RDC. D’une manière brève, il est facile pour moi de reconnaitre les relations de personnes de mon clan jusqu’à la génération 7 ou 8 (en incluant la génération derrière moi). Donc, jusqu’en la personne de Mutabazi, il y a eu des personnes reconnues et qui ont existé dans la partie qui deviendra la colonie belge, Congo-Belge. Simplement, comprennent que les 4 fils de Mutabazi[4] et lui-même ont eu des villages qu’ils ont occupés de la plaine de Rusizi aux hauts plateaux d’Uvira. Le petit frère de Maturire, du nom de Muyengeza[5] serait né à Chito (Kuchito) vers 1855 et ait été sous-chef de Kayira. Partant de la présence des villages reconnus ainsi que la reconnaissance des liens parentaux dans le clan, Mutabazi pourrait servir de référence. Alors, ce scenario ferait que mon clan ait existé en RDC entre 1774 et 1814.

La discussion dans la sous-section 2 ne vise que faire l’idée au lecteur de comment mon interprétation a été faite par rapport à l’établissement de la communauté Babembe dans la région. En dehors de légendes orales, il y a aussi des recherches scientifiques qui montrent qu’avant l’arrivée de colons dans cette partie, ma communauté existait déjà dans cette région. Ces recherches contredisent la thèse de ceux-là qui avancent la thèse des refugies des années 60 ou d’immigrants venus après 1885. Ces documents contredisent aussi cela qui croient qu’à la division de l’Afrique, la communauté Banyamulenge n’existe dans cette région. Il s’agit d’une problématique qui exige une recherche approfondie pour déterminer les raisons qui ont fait ces chercheurs couramment citées n’ont pas pu inclure cette communauté dans leurs écrits. Comme ces chercheurs étaient des représentants de la métropole, ‘l’omission’ interpelle aussi la responsabilité Belge. A ce niveau, l’intérêt de cet article est de vous partager l’établissement de la communauté Babembe au Sud-Kivu.

  1. Le Memoire de A. Moeller    

Pour mieux comprendre le contenu de ce document « Les grandes lignes des migrations des bantous de la province orientale du Congo Belge », il est important de vous partager mes impressions marquantes de celui-ci :

D’une part, il s’agirait de l’un des documents qui détaillent la composition des communautés ethniques ainsi que leurs migrations dans la partie orientale du Congo-Belge. Il est presque riche (autour de 600 pages) et couvre différents aspects, de la migration aux caractéristiques linguistiques et culturelles. Ce document essaie de reconstruire l’origine des groupes ethniques dans le sens de trouver leurs points communs. L’auteur a derrière lui une expérience de 20 ans en Afrique, particulièrement du Congo-Belge prouvant qu’il pouvait présenter des données presque fiables et détaillées. Toutefois, il faut retenir certaines imperfections comme dans toutes les recherches.

Premièrement, l’écrivain reconnait les limites des sources au point qu’il stipule que « la documentation que le présent volume réunit à l’appui de cette hypothèse[6] offre, ainsi que je l’avais fait prévoir, de graves imperfections et de nombreuses lacunes ». Il précise ensuite que « je ne me dissimule pas qu’elle [hypothèse] est loin de nous apporter la solution de ce que j’appellerai le ‘problème Warega’, ni de quantité des questions (l’origine des Walengola, l’origine des Bashi, la liaison Warega-Wabembe, l’acculturation des Bamanga par les Makere etc.), que j’ai tenté, de mon mieux, si non de débrouiller, du moins de signaler par quelques jalons pour les chercheurs de l’avenir, avant qu’il ne soit trop tard ».

Donc, l’auteur reconnait facilement ses limites qui sont vraisemblablement prévisibles dans le contexte africain du 19e siècle. Il a pu même reconnaitre que « pour quelques peuplades, cependant d’importance (les Watalinga, les Bafulero, les Bavira, les Bashi Luamba, et Benia Kamba), les matériaux sont à peu près inexistants ». Et « pour d’autres, ils sont incomplets ou manifestement insuffisants ». Il propose d’ailleurs certains cas comme celui de Bahima qui sont « à reprendre manifestement ». Cela confirme les défis auxquels le chercheur a fait face car dans plusieurs circonstances, il a pu recourir à son observation personnelle.

Deuxièmement, l’étude a été menée dans les limites de conceptions dites Bantous avec quelques notes sur les groupes dits non-bantous. Moeller précise que « bien que mon essai n’ait pour objet que les bantous de la province orientale, je l’ai complété par des notes sur quelques populations non-bantous, dans la mesure où il m’a paru qu’elles apportaient, à leur sujet, quelques éléments nouveaux ». En quelque sorte, l’objectif principal de l’étude était de focaliser sur les communautés ethniques dites Bantous, un aspect qui nécessite de mieux comprendre la catégorisation linguistique coloniale de groupes ethniques. Des recherches sont impératives pour mieux clarifier l’idée.

A titre d’exemple, en considérant les Bahutu de la Zone de Rutshuru, il n’a fait que mention de « Watuzi », alors que la notion des Bahutu pouvait aller de pair avec les Batutsi. L’idée à considérer est que, Moeller (p.112) en parlant de « Watuzi », il ferait référence aux ‘Batutsi’ actuels, mais sa discussion se focalise seulement aux Bahutu. Des recherches peuvent déterminer si dans le temps de sa recherche, Rutshuru n’avait pas des personnes qu’on pouvait dénommer « Batutsi » ? Et où serait venu le concept de Bahutu, s’il n’y avait pas de Batutsi ? Est-il possible que les personnes appelées « Watuzi » faisait référence aux « Batutsi » comme c’est dans le cas de Barundi de la plaine de la Rusizi ? A ce sujet, Moeller (p.137) parle d’un groupe ethnique Barundi, dont la composition est Bahutu mais qui a pour chef « Watuzi ».

L’idée principale de Moeller n’était pas d’imposer sa version des faits comme provenant dans les « saintes écritures ». Il parle plutôt que « mon ambition est modeste : j’ai voulu apporter ma contribution au monument, qui s’édifie peu à peu, de la connaissance des populations congolaises confiées à notre tutelle. J’ai voulu surtout stimuler la recherche, devant laquelle s’ouvre un champ d’activité à peine entamée ». Plus clair comme tout chercheur, il ne nous a jamais dit de retenir à la lettre le contenu de son document, mais plutôt de s’en servir comme outil qui pourra éclairer la recherche. Toutefois, il me semble que le document a été utilisé pour des fins politiciennes, alors qu’il était destiné aux chercheurs dont certains ont pu réaliser l’existence de ceux-là qu’il n’a pas mentionné.

Pour ce faire, sa version des faits sur l’existence de Babembe dans le Sud-Kivu reste discutable et peut ou ne pas être vrai. Comme le document est le seul à notre disposition, le bloggeur vous présente la version des faits de Moeller à la communauté Babembe. Dans l’avenir, je vous partagerai les autres groupes ethniques de la province. Un fait est indiscutable, aucun de ces groupes ethniques ne peut revendiquer la première existence car tous se sont installés au travers les migrations et dans les périodes presque proches. Ils seraient venus soit de l’ouest, des territoires récemment reconnues comme l’Uganda, Tanzanie, Rwanda, Burundi, Malawi, ou Rhodésie etc. Il est fort possible qu’ils seraient venus d’ailleurs de loin avant de s’installer dans ces premiers territoires.

Province du Sud-Kivu
Province du Sud-Kivu
  1. La Communauté Babembe au Sud-Kivu

Les Babembe est l’une des communautés ethniques du Sud-Kivu. Ils occupent une place importante dans le sud de cette province au point d’occuper probablement la première place en termes de grandeur numérique. Dans un premier temps, je les avais considérés comme un groupe homogène, appartenant à un seul ancêtre commun. Toutefois, Moeller (p.46) dans son mémoire précise qu’ « on ne voit qu’il ne peut être question de rapporter les Babembe à un ancêtre commun. Nous sommes en présence des groupements sans interdépendance, fractions de groupements plus étendus, Warega ou pre-Warega ». Pour le mieux le comprendre, il faut remonter l’origine de ces groupements dans la région d’Itombwe-Fizi. Une décennie (120 ans) sépare les premiers groupes appartenant actuellement aux Babembe, les Basikalangwa (1650) ainsi que la troisième vague (1770) comprenant un grand nombre de clans. La période est longue au point qu’il marquerait aucune reconnaissance des liens parentaux entre ce deux vagues.

Le mot ‘Babembe’ signifierait d’abord « les gens de l’Est » et dont le nom a été probablement donné à ces derniers par les Baluba à la solde des arabes de Mtoa en mission dans le Maniema. Les Babembe sont, selon Moeller (p.11) « le prolongement des Warega, jusqu’aux rives du lac Tanganyika, où les ont précédés, venant du Sud, les riverains Basandje qui ont établi des relations avec la rive Est du lac, grâce au rétrécissement de celui-ci à la hauteur de presqu’ile de l’Ubware. Aux Warega doivent être rattachés également les Bavira ». Donc, il ressort des recherches de Moeller que le nom qui a été donné à ces groupements hétérogènes est lié à l’emplacement qu’ils occupaient par rapport au Maniema.

Selon Moeller (p.45) « il semble que jusque vers 1650 environ, le territoire actuel de Babembe était inoccupée. Le long de du Lac seulement, il existait à cette époque des Basandje ou Basoba[7] ; c’est-à-dire, les riverains ou pêcheurs ». L’origine des Basandje reste aussi discutable. Certains sources, selon Moeller (p.45), les considèrent comme provenant de la rive Est du lac Tanganyika ou ayant des liens de parenté avec les Babuye du Maniema. L’auteur considère « une hypothèse plausible est que lors de la migration des populations que nous connaissons sous le nom de Babuye (voir cette rubrique), des groupes arrivés jusqu’aux rives du lac, au sud du 5e parallèle, se seraient répandus vers le nord, le long du lac Tanganika ; d’autres franchissant le lac en sa partie la plus étroite (à hauteur de presqu’île de Lubware), se seraient installés sur la rive Est ».

De toute évidence, que les Basandje/Basoba aient été venus de la rive Est du Lac Tanganyika ou d’origine Babuye, ils peuvent être perçus comme les premiers occupants, mais ils font partie de la migration qu’a connu l’Afrique. Ils seraient soit venus de la Tanzanie, du Burundi, du Nyassaland (Malawi) ou de la Rhodésie (Zambie-Zimbabwe). A titre d’information, le lecteur retiendra que les Babuye qui sont cités dans la province de Maniema feraient partie de la migration dite du Sud. L’origine est soit les plateaux de Nyassaland, du Katanga, de la Rhodésie et/ou de l’Angola (Moeller, p.8).

Moeller (p.166-7) fournit quelques précisions sur les Babuye en ce termes : « la population qui, au Maniema, est désignée sous le nom de Babuye provient de deux migrations différentes : du sud (poussée Baluba) et de l’Est (poussée Warega-Babembe). La dénomination de Babuye ne convient strictement qu’à un clan Bakamania-Bakunda (appelé aussi Benia Bemba ou Baganabemba) qui se rattache aux Babuie et aux Bakamania du Katanga ». Pour ce faire, il reste toujours évident que même les Basandje seraient d’origine lointaine qui serait un autre pays qui n’est actuellement pas le Congo.

L’établissement des premiers groupements qui formeront la communauté Babembe seraient venus de la Luama (Rwama) et Elila (Rwerera). Moeller (p.45-6) précise que « vers 1650, les Basikalangwa (‘Batwa’ pygmées ou métissés des pygmées), chassés probablement par la migration des Warega, viennent de la région de Matshinga entre Elila et Luama, suivant la Crète de partage de ces deux rivières ; et s’installèrent à proximité du Mont Mwendekulu et de la rivière Kitongo. Sous une nouvelle poussée Warega, ils se scindent en deux groupes : l’un Mutendwa, a suivi la Crète Luama-Elila jusqu’aux sources de l’Elila en direction Nord-Est ; de là il descend vers le Tanganyika ». Et d’ajoute que le groupe Matshinga, a quant à lui « séjourné dans Lulambwe jusque vers 1780. Delà, il passe vers le sud, passe par Mutambala, Nemba et rencontre les Basandje ». Le deuxième groupe dit Mulenge, « part du Mont Mwendekulu vers Luama et rencontrent Babuye, ils se dispersèrent à Lulenge, à l’Est de la Kama ».

C’est vers 1700 qu’un autre groupe dit « Basimukindje, autre groupe de Batwa installés aux environs de la rivière Luindi (Ulindi), à l’Est de ‘Gandu’, se dirige vers le sud, probablement poussé par les Banyabongo[8] ou les Warega ». Voilà les deux clans Babembe qui sont plus assimilés aux pygmées, il s’agit de Basikalangwa et les Basimukindje. Les autres clans seraient des Warega venus du Nord-Ouest de l’Afrique possiblement.

Centres de Jeunes/Fizi
Centres de Jeunes/Fizi

Et qui sont alors les vrai Babembe que nous connaissons aujourd’hui?

Moeller (p.46) livre une information qui suscite d’émois, considérant l’attitude de certains membres de la communauté Babembe. Il confirme que « ce n’est que plus tard, vers 1770, que les autres clans Babembe d’origine Warega, (Babungwe, Basimukuma, Mbalala, Basimuniaka) arrivent à leur tour dans l’Itombwe, à l’Est de Basimukindje, venant de la région du Mont Muunga, entre l’Elila et la Muana (affluent de droite de l’Elila, en amont de la Zalia, à ne pas confondre avec la Muana, affluent de gauche en amont de celui de droite), d’où ils sont partis vers 1720, sous la poussée du gros Warega ». Dans ce cas, hormis les Basikalangwa et les Basimukindje, ces groupements seraient venus dans la région dans la même période que mon clan. En considérant le deuxième scenario, la différence estimative serait de 4 ans (1770-1774).

Tout de même, il reste moins clair où sont venus d’autres clans Babembe que nous reconnaissons aujourd’hui comme les Basimwenda, Basombe et les Basimimbi. Seraient-ils d’autres groupements qui se sont formés par après ou ils font partie de la migration Warega qui a rejoint la région tardivement ? Comme le précise Moeller, l’établissement de groupements connus comme Babembe serait un mixage hétérogène, dont la grande majorité est issu de la grande migration Warega. C’est delà qu’ils dispersèrent dans différentes parties de la région connue comme appartenant aux Babembe, Kalembelembe, Nemba, Lualaba, Ngandja, Tanganyika etc.

Pour mieux fixer l’opinion, il semble important de retracer les trajectoires de la migration Warega comme le dit Moeller (p.39). L’auteur précise qu’ « au cours de la présente étude, nous avons l’occasion de signaler à diverses reprises (voir notamment les rubriques Banande-Bahunde-Bashi-Bahavu) les ilots qui pourraient être des traces que les Warega ont laissé de leur migration le long d’une ligne qui, partant de la trouée du Ruwenzori, gagne le sud-Ouest en longeant les grands lacs ». Donc, la migration dite Warega, précise Moeller qu’elle trouve son origine vers la région du Haut-Zaire, à la frontière avec l’actuel Uganda. D’ailleurs, certaines sources citées dans son document font état de certaines relations parentales des groupes qui habitaient la partie dite Ougandaise et les ethnies qui étaient installées à l’ouest de Ruwenzori.

Plus en haut encore, Moeller (p.29) se dit confiant par rapport aux données en sa possession. Il confirme que « les données que nous avons résumées ici s’accordent avec les hypothèses des ethnologues qui placent, soit sur le Haut-Nil, soit au Soudan (au Nord de l’Ubangi-Bomu) ; voire en Afrique Occidentale, l’origine, la formation du vaste groupe linguistique Bantou qui occupe actuellement l’Afrique centrale et méridionale ». Ensuite, d’ajoute que « sous la poussée des soudanais, des nilotiques, leurs [Bantous] masses s’ébranlent, prennent la direction du Sud ». Malgré tout, leur migration ont fait face aux défis des conditions climatiques qui a ralenti leur traversée de la forêt équatoriale. Une situation qui aurait fait qu’ils aient trainés au Nord de la forêt équatoriale ou du moins cherchés d’autres voies de contours.

D’une manière presque précise, Moeller (p.29), considère les grands groupes migratoires. Celui de Warega s’inscrit dans le groupe Nord-Est qui a pris la direction Sud-Ouest. Il précise alors par rapport à ce groupe « Nord-Est : si l’on place au début du XVIe siècle la poussée Shilluk Dinka, qui met en mouvement les bantous de l’Entrée-Albert-Victoria, c’est à cette époque au moins que remonte la pénétration par la trouée du Ruwenzori (entre Albert et Edouard) des Mabudu-Baniara, des Warega ou Ballega, des Walengola et des Bakumu-Babira ».

Donc, il est raisonnable que les groupements Babembe, issus du groupe migratoire des Warega, ne soient arrivés au Sud-Kivu vers 18e siècle. La raison serait liée aux contraintes qui ont accompagné ce trajectoire des milliers des kilomètres, dans la forêt tout en affrontant les pygmées et les premiers occupants de la forêt équatoriale qui sont les animaux. En plus, les migrations étaient liées plus à la survie, il fallait peut-être que les butins s’épuisent pour décider un autre mouvement.

Un avant-gout sur les ‘Watuzi’ dans le mémoire de Moeller

Les Watuzi est groupe ethnique qui est cité maintes fois dans le document de Moeller. Il est parfois utilisé dans le contexte proche que le Ruanda, Benia Ruanda, Banye Ruanda. Le bloggeur trouve nécessaire de présenter certains aspects liés à ce groupe ethnique et fort possible cela expliquerait que lesdits ‘Watuzi’ existaient à la même période des migrations. De deux, il serait possible que ces groupes n’a pas fait l’objet de discussion car ayant été considérés comme appartenant aux Hamites, un groupe qu’il ne fallait pas inclure dans la discussion des Bantous (à vérifier encore).

Moeller (p.14-5) parle des Bashwezi dont sont issues les Watuzi et les Bahema (Bahima). Il précise que « Les Bahema d’origine Galla (dits Hamites) ne devraient, semble-t-il pas trouver place dans une étude consacrée aux Bantous ». Par ricochet, il est fort possible que la catégorisation coloniale linguistique de ceux qui sont considérés comme Watuzi n’a pas fait l’objet de discussions profondes. Un point de vue personnel, qui exige plus de recherche.

Toutefois, les Watuzi, Ruanda ou Wanie Ruanda/Banya Ruanda sont maintes fois cités et surtout dans la plaine de la Rusizi. Ils seraient arrivés dans la région en provenance du Nord, en passant par le Ruanda et Urundi, vers le XVIIe siècle. Moeller (p.116) croit qu’ « à la même tradition [parlant de Bashi] se rattachent d’autres divisions politiques : les Bafulero et les Bahavu (par conséquent aussi les Watembo), qui font l’objet d’autres rubriques. Nous tenterons de tracer ci-après le schéma de l’occupation du Sud-Ouest du lac Kivu et les origines des formations politiques actuelles ». La section semble être réservée à la province qui inclurait possiblement le Sud-Kivu jusqu’à la plaine de Rusizi car les Bafulero y sont cités.

Il ajoute (p.116-7) « nous avons vu plus haut (rubrique Wanande, Bahutu) que la dynastie de Babito ayant supplanté, vers le milieu du XVIIe siecle, dans l’ancien royaume de Kitara (Bunyoro), celles de Bashwezi, les Watuzi descendent vers le Sud en formations qui associent Hamites, Bantous (Bairo, Bahutu) et Batwa. Cette migration qui laisse en cours de route les formations que nous trouvons échelonnées le long des grands lacs (notamment Ruanda et en Urundi), atteint au Sud-Ouest du lac Kivu la région de la Lwindi (ou Ulindi), soit en passant par le Nord et l’Ouest du lac (voie qui parait la plus communément suivie), soit en traversant celui-ci, soit en traversant la Ruzizi au Sud ». Cette migration dite de Watuzi vers « l’Ouest (voir Bahunde et Wanianga) et au Sud (sur la Lwindi) elle se heurte au gros de Warega et elle se replie alors vers le Nord, ramenant sans doute, avec les clans Bantous qui ont accompagné jusqu’à l’Ulindi, voire jusque dans l’Itombwe (chez les actuels Babembe) leurs conducteurs, de nouveaux clans Warega ou métissés Warega-Batwa, issus de l’Itombwe ».

Bref, même si l’article est long, il reste toujours évident que la notion liée au concept Bantous serait à l’origine des confrontations entre certains groupes ethniques. De deux, la notion Bantous est scientifiquement linguistique qu’une origine des personnes ayant d’ancêtres communs. Ensuite, les migrations africaines porteraient à croire qu’il est difficile de revendiquer l’appartenance première à la terre, alors que les légendes et recherches prouvent que c’est par conquêtes que certains groupes l’ont hérité. L’histoire serait à reconstruire pour mieux donner la place à la vérité, plutôt que tirer certains paragraphes de ces documents pour des fins politiciennes.

Ntanyoma R. Delphin

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[1] De: veut signifier “fils de”

[2] Kitira katurutse i Rwanda: littéralement ca signifierait Kitira est la personne qui a quitté ce qui s’appelle le Rwanda pour le moment.

[3] Ceux-là qui sont de la même lignée que moi, appartenant à des familles ainées ont pour le moment une cinquantaine d’années, dont leurs enfants ainés ont autour d’une trentaine d’années.

[4] Ils sont Ndabarishye, Rugayampunzi, Ndiyunguye et un autre qui ne comprend qu’une seule personne à génération. Et c’est à partir de ces lignées que je peux reconnaitre ma relation avec Monsieur Rukundwa fils Sebitereko, qui est à la ligne du grand-père.

[5] Le sous-chef Muyengeza serait probablement né dans le haut-plateau d’Uvira vers 1855

[6] L’hypothèse de travail consistait à retracer les grandes lignes de migrations de bantous dans la province orientale du Congo-Belge.

[7] Basoba signifierait couramment de ce que nous appelons Bajoba. Ce groupement reste reconnaissable dans les milieux Babembe.

[8] Banyabongo serait un terme générique pour dire les Bashi (Moeller, p.120)

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PhD & Visiting researcher @POLISatLeeds. Interest: Microeconomic Analysis of Violent Conflict, Genocide Studies and violence targeting minority groups. Congolese, blogger advocating for Equitable Redistribution of Ressources & national wealth as well as & #Justice4All #DRC. On top of that, I'm proud of being a "villageois"

4 Comments

  1. My dear friend, if family history and respect for ancestors has a practical value, it lies in making us think about how we ourselves can be good ancestors – in respect of protecting the environment for future people, and not leaving scars that might prompt future conflicts or wars between them.

    • Thanks for your comment. If I got well the point, we need to write the history as it is in order to avoid future confrontations. We will never be good ancestors so long as we do just accept things without digging what they are. Secondly, if we need our children inheriting a safe future, it’s through considering challenging what has prompted the whole society into messes. In any case, thanks for your interest and comments. Keep up

  2. Comme disait VICTOR HUGOT si tu veux vivre en paix;il faut créer l’amour.Tous devons développer l’amour envers autrui pour que notre Kivu soit en paix.
    Depuis qu’ un frère m’a transféré ce travail de M.Moaller ;je ne fais que le lire et le relire.Ce travail vient de façonner ma façon de voir les choses…En exploitant bien ce travail vous découvrez que tous depuis la nuit de temps(Bantous-Nilotiques…) ;nous vivions ensemble…D’ailleurs ce monsieur précise que dans le royaume de Bunyoro dans lequel le Murega tire son origine;les Hamites-Nilotiques-Bantous …vivaient ensemble et qu’il semblerait que les Walendu sont un métissage de Warega et Nilotiques càd que nous avons toujours vécu ensemble.
    Il est temps que les scientifiques commencent à mettre des pareils travaux à la place public pour que beaucoup de gens puissent en prendre connaissance et que les politiciens cessent de diviser les gens …

    • Commentaire interessant. Je crois bien qu’il est temps d’avancer que de tomber dans les ambitions politiciennes de ceux-là qui veulent diviser pour leurs propres gateaux.
      Merçi Muzaliwa. Puis-je entrer en contact avec vs par email?

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