
Madame Colette Braeckman, l’expert des questions de grands lacs appose sa signature sur le mystère de vaches au Bandundu comme si elle annonce la mission ‘civilisatrice’ des années 1800. Sans contester son expertise sur la République Démocratique du Congo et le Grand Lacs en général, je crois qu’il est important de relever quelques failles dans son récit qui me semble penchant. Si la mission civilisatrice est révolue, elle vengerait peut-être la maison Schengen en s’alignant sans questionnement derrière toutes ces manipulations qui veulent faire croire que les vaches ont été transportées par des avions Américaines basées en Uganda !
Colette dit « plus de 5000 zébus aux longues cornes défilent sur les pistes de la province. Selon des témoins locaux, ces vaches se trouvent déjà à Bukanga Lonzo et à Popokabaka et avec elles 452 familles de bergers. » Devons-nous discuter de cornes de vaches ? Je ne pense pas. A ma connaissance, les vaches qui se sont installées dans l’ancien Bandundu et à Kinshasa depuis 2015 sont au total 2564. Elles constituent la moitié du nombre avancé par Madame Colette. Et d’ailleurs, dans les 2500, il ne resterait que moins de 1500 dans les mains de ces commerçants―éleveurs. Je me dis d’ailleurs que la lenteur d’écoulement est dit à ce que ces vaches font l’objet de débat, d’intox et manipulation dont on penserait pas que même à Bruxelles on s’en intéresse.
452 familles de bergers ? Des familles avec des mamans et enfants ? C’est vraiment étonnant. De Muzito aux Grands Chefs du Kwilu-Kwango ainsi que les officiels Congolais qui ont visité ces vaches, personne ne nous a jamais parlé de familles ! D’où sort cette information que les bureaux climatisés de Bruxelles détiennent avant tout le monde ? Je crois qu’il faut revoir nos manières d’intervenir dans les dossiers lointains même si les agendas cachés nous y imposent. J’informe Madame Colette que ces éleveurs ou commerçants sont tout au plus 30 personnes ; tous des hommes et qui n’appartiennent même pas à une seule communauté ethnique. Ils sont de Banyamulenge, Bafuliro, Bashi, Batabwa, Bakongo et possiblement un Muluba. Ils sont tous majeurs à moins que les veaux constituent des familles dont elle fait allusion.

En citant Muzito si ma lecture est bonne, Colette ajoute «Dépourvus de tout document de voyage ou autorisation (dans un pays où à chaque kilomètre des barrières arrêtent les voyageurs pour vérifier les documents et percevoir une redevance..) ces pasteurs ont reconnu qu’ils avaient l’intention de vendre leurs vaches afin d’approvisionner Kinshasa en viande.» L’ancien Premier Ministre Muzito n’avait pas mandat de faire la ‘Police de Frontières’ ? Voilà d’ailleurs pourquoi il entreprit une mission auprès du Premier Ministre Bruno Tshibala pour proposer des pistes de solutions dont l’identification de ces commerçants-éleveurs. S’il avait affirmé que ces éleveurs n’ont pas de documents, il aurait proposé autre chose que leur identification ; ça aurait été soit le renvoi pur et simple. Je ne crois pas qu’Adolphe Muzito ait fait cette affirmation mais il aurait peut-être relaté les propos de ces témoins locaux.En plus, je doute encore une fois que les témoins locaux avaient suivi toutes les procédures d’identification pour déterminer que ces bergers n’ont aucun document. Je tiens à informer Madame Colette que des documents existent. Elle peut faire un saut à Bukanga Lonzo pour vérifier.
Ils ne sont plus venus ni à Uvira-Kalemie ni suivre l’itinéraire cité, veut affirmer Madame Colette. Et quand les manipulateurs évoquent les ‘langues étrangères’, ‘morphologie douteuse’, Colette semble approuve sans moindre questionnement. Comment différencier les morphologies ainsi que les langues qui ne sont pas Congolaises au Bandundu ? Donc, les Bandundu est envahi et aurait besoin d’un appui de la communauté internationale ? Alors qu’il y a d’autres sources qui attestent le contraire de la version que j’appelle manipulatrice, Madame Colette ne peut jamais y faire allusion. Je comprends bien les failles dans les lois sur la gestion de la terre en RDC. Toutefois, il y a eu une évolution tout de même. Je renvoie à la loi Portant Principes Fondamentaux Relatifs à l’Agriculture de 2011 (voir ici). En plus, les failles dans la mise en place des lois en RDC ne sont pas directement liées aux mouvements de vaches.

Je ne crois pas que Colette cite Muzito, Moka ou Pfunga Pfunga en évoquant ‘d’autres finalités’ derrière le mouvement de vaches Zébus. Elle affirme « Le défilé des zébus venus de l’Est pourrait avoir d’autres finalités encore ; lourdement armés, les pasteurs-guerriers pourraient s’en servir pour se rapprocher de Kinshasa (une tactique déjà utilisée au moment de la chute de Mobutu en 1997 lorsque la capitale avait été infiltrée par des nuées de pseudo-mendiants qui se sont avérés des militaires déguisés ». Je trouve sincèrement moins de commentaires sur ces affirmations qui me semblent fallacieuses. Je ne trouve aussi aucun lien direct entre ces commerçants-éleveurs et la MINUSCA (Mission de Nations Unies en République Centrafricaine).
J’espère que Madame Colette ne confond pas sciemment la Monusco et Minusca au point d’évoquer qu’ « A cela s’ajoute le fait qu’à Bangui, capitale de la Centrafrique, la rive du fleuve Oubangui qui marque la frontière avec la RDC est désormais occupée par les Casques bleus rwandais de la Monusco.» Je comprends et partage bien toute inquiétude provenant de la présence des éléments de l’Armée Rwandaise (RDF) aux portes de Kinshasa. Le voisin en face aurait été alors Brazzaville et non Bangui. Toutefois, la Minusca n’est pas à Brazzaville mais plutôt à Bangui où toute attaque contre Kinshasa prendrait les eaux de la rivière Ubangui qui serait autour de 4000 Kms en partant de la ville de Zongo.
Je crois Madame Colette Braeckman ferait mieux de retirer simplement cet article et présente les excuses aux commerçants mais aussi à tout ce qui peut être affecté par de tels propos.
NTANYOMA R. Delphin
PhD Researcher in Conflict Economics
The Institute of Social Studies/
Erasmus University Rotterdam
Twitter: https://twitter.com/Delphino12
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