En raison de tout vouloir simultanément accommoder sans en avoir les capacités de l’influencer, on risquerait de tout perdre. Il a fallu de mois pour que le Banyamulenge aient le courage à l’unanimité de dénoncer les Red-Tabara, Forebu, FNL car cela impliquait un acteur si fort (Rwanda) ; ils sont encore une fois devant ce dilemme de savoir s’il faut vraiment pointer du doigt ce vrai commanditaire, l’Etat-Major Général et les Forces Armées de la République Démocratique du Congo (FARDC) comme une institution qui a décidé de prendre position claire derrière les Maimai, Biloze-Bishambuke et Red-tabara ; et cela par ricochet, accuser l’Etat Congolais.
- Entretenir une Confusion fut l’une de Stratégies
C’est depuis plus d’une année que le Banyamulenge vivant les Hauts Plateaux d’Itombwe, Bijombo, Minembwe et Kamombo ont fait l’objet d’attaques systématiques et coordonnées de groupes armés. A titre illustratif et données vérifiables, les villages de Gahwera (Kahwela) a été attaqué plus de 33 fois entre les dates du 14 Mai 2019 au 02 Mars 2020. Toutes les fois que ces villages de Gahwera ont été attaqués par un groupe, presque aux mêmes heures et mêmes dates, les axes de Minembwe (i) Monyi-Rutigita-Masha-Kivumu ; (ii) Biziba-Kabingo ; (iii) Gakangara-Gakenke ; (iv) Bidegu-Kalingi étaient aussi attaqués. Tout en présentant de multiples prétextes, la seule raison d’attaquer systématiquement Minembwe comme dernier « retranchement » de Banyamulenge était d’en finir avec une commune rurale[1] dont on croit être habitée mais aussi pourrait être gérée par des étrangers.
En attaquant Minembwe, d’autres se perpétraient simultanément dans les localités de Kamombo, Itombwe/Mibunda mais aussi Bijombo. Le lien entre la commune rurale de Minembwe et certaines de ces dernières localités situées à plus de 60 Kms est difficile à rétablir. Pour preuve, plus de 300 villages ont été complétement décimés et les le Banyamulenge en majorité ont été force de vivre ces « camps de concentration » à Minembwe Centre, le site de déplacés de Mikenke, et Bijombo (moins de 5 villages); qui du reste ont fait l’objet d’intense attaques. Même Mikenke qui est sous la protection des Nations Unies n’a jamais été épargné.
Ces attaques systématiques étaient perpétrées par le Maimai (Yakutumba Amuri, EbuELa Kibukila Mtetezi et Biloze-Bishambuke) en collaboration (participation active) avec le Red-Tabara, Forebu et FNL. Alors que les premiers sont de groupes locaux affiliés aux communautés Babembe, Banyindu et Bafuliro ; les derniers sont de groupes rebelles Burundais qui avaient pour seul mission de renverser le pouvoir du feu Président Nkurunziza au Burundi. De l’autre côté, il y a des groupes Banyamulenge dont Twirwaneho, Gumino auxquels s’est joint depuis Janvier 2020 le Colonel Rukunda Michel dit Makanika.
La présence de ces groupes armés ou d’auto-défense affiliés à la communauté Banyamulenge tend à confondre les intentions des uns et des autres. Il est probable que la violence au niveau local et toute la complexité de la crise dans les Hauts Plateaux de Minembwe, Itombwe, Bijombo et Kamombo peuvent poser de l’ombrage autour de qui veut quoi et pourquoi. Toutefois, l’origine et les motivations implicites ou même explicites, comme l’indiquent plusieurs déclarations, tendent à confirmer que l’objet principal était de déraciner la communauté dite ‘étrangère’, Banyamulenge. Tenant compte de la situation sur le terrain où le Banyamulenge sont assiégés par les groupes armés ainsi que l’armée nationale, j’invite de revoir les déclarations officielles des communautés Babembe, Banyindu, Bavira, et Bafuliro déposées aux récents dialogues intercommunautaires (2019) comme preuve qu’il fallait en finir avec les « envahisseurs ». A celles-ci, il faut y ajouter plusieurs autres déclarations publiques et les appels de mobilisation politiques ou sur les réseaux sociaux. Bien que contesté et différemment interprété soit dans le souci de dissimuler cette triste réalité ou du moins difficulté d’en saisir sa complexité, ce plan de déracinement a longtemps été présentée comme faisant partie de la violence communautaire.
2. Intérêts et Acteurs : Etat-major FARDC au Premier Plan ?
Etant Bloggeur et chercheur natif de la région, je crois avoir suivi régulièrement cette récente crise depuis 2015. Mon tout premier article date du 16 Octobre 2015. Il est accessible sur ce lien : https://easterncongotribune.com/2015/10/16/infiltrations-dans-le-pays-duvira/. J’en ai émis des avis sur l’évolution de cette crise et les risques que présentait ce danger de la guerre régionale dans un contexte fragile et la vulnérabilité de Banyamulenge. Le dernier article dans cette série est récente : https://easterncongotribune.com/2020/06/06/nouvelle-rebellion-au-sud-kivu/. C’est durant ma visite dans la région entre fin 2018 et mi 2019 que j’ai compris bien ce danger qui n’avait que pour objectif d’en finir avec les « envahisseurs » Banyamulenge. La position de cet article est alors basée sur cette expérience personnelle, couplée de discussions que j’ai eu avec de personnes bien informées (suivant de très près cette situation) ; mais aussi mon interprétation comme chercheur. Je reviendrais sur ce débat en termes d’épisodes en évoquant les aspects clés de cette crise : motivations de fois incompatibles de ces acteurs régionaux, nationaux mais aussi locaux ; et pourquoi l’Etat-Major FARDC y prenne part active pour en finir avec ce déracinement.
Je rappelle en passant que les acteurs sur le terrain de ce que j’appelle déracinement de Banyamulenge (genocide warning) sont les Maimai, les groupes Burundais évoqués ci-haut mais aussi l’armée Nationale FARDC. Sauf miracle, le Red-Tabara, Forebu ou FNL, aucun de ce groupe Burundais n’avait un intérêt particulier de participer activement dans le déracinement de Banyamulenge. Leurs intentions de participer semblent avoir été motivées par deux raisons principales : se conformer aux ordres de celui qui détient la manche du couteau mais aussi obtempérer en vue de trouver un espace territorial pour opérer. Ces rebelles Burundais ont enfin joué un rôle déterminant dans la destruction de villages, champs mais particulièrement les bétails (plus de 125.000 têtes de vaches razziées). De qui recevaient-ils les ordres ? Noir sur blanc, Kigali tenait la manche.
Bien qu’ils soient animés par cette idéologie de combattre les envahisseurs, différents groupes Maimai ont longtemps essayé d’en finir avec le Banyamulenge ; mais cela ne pouvait pas marcher si vite comme on l’a vécu ces dernières années. D’ailleurs, nous avons assisté à une coalition si exceptionnelle de tous les groupes Maimai Bafuliro Bavira, Banyindu et Babembe ainsi que Biloze-Bishambuke alors qu’elle n’a jamais eu lieu dans le passé (sauf quelques similitudes des années 1964). Même la coalition Yakutumba, Kibukila et Biloze Bishambuke aurait dû prendre de temps pour arriver à ce stade où Banyamulenge d’Itombwe, Minembwe, Kamombo et Bijombo ont été assiégés dans quelques semaines. Seul ce renfort de rebelles Burundais, leurs formations militaires ainsi que l’expertise de forces spéciales qui œuvraient en nombre restreint aux côtés de cette coalition. Des sources concordantes qui ont suivi ce dossier ont indiqué que Kigali et son armée (au travers les rebelles Burundais) auraient conseillé d’y aller sans organiser des tueries en masse. La mission était simplement de pousser le Banyamulenge à la porte de sortie pour que tout soit fini dans un bref délai. On en estimait quelques semaines et raisons pour lesquelles de camps de réfugiés avaient été préparés (aménagés), croient certaines sources, pour cette fin.
Contre toute attente, la résistance banyamulenge a été inattendue et les donnes ont dû changer au point que les acteurs de l’arrière-plan ont été obligés d’aller sur la ligne de front. Au fil de temps, les vrais commanditaires sortent de l’arrière-plan pour mieux jouer leurs rôles. L’Etat-Major de FARDC qui avait longtemps pris une position dissimulée, complice, observateur ou indifférent de la destruction totale de cette région a fini par prendre le devant. Je reviens sur le rôle de l’Etat-Major FARDC, quand, comment et pourquoi elle a décidé de déraciner le Banyamulenge dans un autre article.
#Congo #Rwanda #Afrique : VPM She a transmis ce dimanche à #Kigali un message spécial de S.E PR #Kabila au Président #Kagame . Évolution processus électoral saluée, sécurisation des frontières communes avant élections face groupes armés, bon voisonage , projets #CEPGL pic.twitter.com/nJfgmGxG2C
— RDCongoDiplomatie🌍 (@DiplomatieRdc) July 30, 2018
Tout part des étapes suivantes : la décision de superviser l’établissement de rebelles Burundais Red-Tabara, Forebu aux côtés de FNL longtemps présents dans la partie sud du Sud-Kivu ; contacter, superviser et organiser l’établissement du groupe dit Kayumba Nyamwasa dans le souci de créer soit un chao ou attaquer Kigali; le rebondissement de « relations diplomatiques » et changement d’alliance pour obtenir un appui politique sauvant le processus électoral en RDC ; piéger, livrer et anéantir le groupe dit Kayumba Nyamwasa ; stopper sans aucune justification les opérations militaires engagées vers fin 2018 contre les groupes rebelles Burundais; ne pas attirer l’attention aux atrocités qui étaient commises par de groupes soutenus par Kigali alors que groupe Kayumba avait déjà été anéanti ; lancer des opérations militaires ‘de grande envergure’ qui n’ont rien sauver sauf superviser la destruction de villages et de bétails ; écarter, sous la bénédiction de la MONUSCO, tous les commandants Banyamulenge qui étaient déployés au sud Sud-Kivu…Toutes ces manœuvres et tactiques militaires ne visaient qu’affaiblir le Banyamulenge en vue de les pousser à la porte de sortie.
La résistance Twirwaneho-Gumino et de tous les civils Banyamulenge constituait un mystère difficile à comprendre mais les signaux indiquaient qu’ils ne pourront pas résister pour longtemps. Ces commanditaires ne croyaient pas qu’une telle résistance pourra prendre de mois alors que cette population Banyamulenge était mise dans les conditions qui ne leur permettaient même pas d’accéder à un champ situé dans un kilomètre. Les positions et déclarations publiques de cadres politiques (Kinshasa, Bukavu, Uvira et Minembwe) condamnant ce déracinement de Banyamulenge ; la désertion du Colonel Michel Rukunda Makanika et la mobilisation d’autres jeunes qui venaient de partout pour soutenir leurs parents, la mobilisation de la diaspora en vue d’assister les déplacés dépouillés de leurs biens, appauvris et assiégés ont fait que l’Etat-Major FARDC puisse changer de stratégie et aller au premier-plan.
3. Etouffer les voix discordantes ?
Alors que de la part de Banyamulenge les efforts avaient été concentrés à sauver ce qui pouvait être sauvé, contrecarrer les Maimai―Biloze-Bishambuke, et dénoncer de rebelles Burundais et ceux qui leur apporter un appui financier, militaire et technique, l’Etat-Major Général FARDC monte sur le créneau avec une vitesse croisière. Il décide de manipuler les groupes locaux qui ont initié de contacts avec les groupes Banyamulenge Twirwaneho/Gumino en vue de créer une coalition pour la paix. On parle de 3 individus appartenant aux Maimai qui pensent se joindre aux groupes Banyamulenge dont le dit Munyaka Michel. Les raisons qui ont fait que ces dits Généraux Maimai (dont on n’a jamais entendu dans le temps) puissent se promener librement pour enfin faire l’objet d’arrestation sont entièrement floues. Ce qui a fait que le « Général » Michel Munyaka continue à faire de navettes entre Bukavu, Uvira et Baraka-Fizi ne rassurent pas. Munyaka se disait rebelle et voulant indiquer au gouvernement Congolais la voie à suivre pour rétablir la paix mais n’hésitait pas d’entrer en contacts réguliers avec les officiels provinciaux. Et pourquoi il a été mis en prison, seul ces commanditaires de cette crise pourront nous en expliquer les raisons. Il est d’ailleurs difficile de savoir s’il est en prison ou pas !
Au même moment, des manœuvres sont menées pour récupérer le colonel Kayumbe Nyenyeri qui avait déserté l’armée en Octobre sans que l’Etat-Major Général le signale. Sur base d’accusations qui voulaient l’écarter comme les autres commandants Banyamulenge dans le sud Sud-Kivu, peut-on croire, il décida de prendre distance. De son passage de Minembwe centre vers une localité de Minembwe appelée Rugezi, le Colonel Kayumbe Nyenyeri tombe dans une embuscade le 19 Octobre 2019. Il essaie de sauver sa peau. Dans un contexte de tensions communautaires, il est accusé d’avoir tué les enfants et les femmes ; vrai ou faux, une enquête indépendante aurait permis de le confirmer. Il décida alors de se sauver et rejoint Twirwaneho. Les manouvres de le convaincre à revenir au « bercail―FARDC »[2] aurait servi de constituer les dossiers pour faire taire les voix qui demandent justice.
Les informations à notre disposition affirment que ses déclarations seront utilisées pour culpabiliser les voix discordantes au sein de l’élite Banyamulenge. C’est d’ailleurs dans la même logique qu’un coup a été monté en vue d’arrêter ces jeunes trouvés au sein du site de déplacés internes de de Mikenke. Il fallait trouver de personnes qui seront accuses de combattants dont leurs déclarations vont renforcer les autres existences. La liste de personnes visaient par cette machination serait sur les tables au sein de l’Etat-Major de FARDC. Il est aussi question d’intimider―écarter certaines personnalités mais aussi cadres militaires. L’arrestation de ces jeunes de Mikenke va aussi aider à faire taire les déplacés internes dont leurs voix exigeaient devant la menace grandissante une protection qui garantit leur survie.
Dans la foulée, une campagne médiatisée, forte et coordonnée autour d’une nouvelle rébellion commandée par le Colonel Makanika tend à s’asseoir. L’Etat-Major FARDC va au niveau d’accuser Makanika d’avoir reçu les munitions aéroportées vers Bijombo. Dans la campagne de taire les voix qui demandent justice, le Général Muhima Dieudonné a organisé une réunion avec la population civile a Minembwe en date du 05 Juin 2020 pour les prévenir de cette phase. Le communiqué du Capitaine Kasereka sur ce coup monté au site de déplacés de Mikenke prouve que toutes les batteries sont mises en marche pour réduire au silence toutes les voix qui exigent que la lumière soit faite sur les atrocités qui ont été commises à Minembwe, Bijombo, Itombwe et Kamombo afin d’en finir avec ce projet de déracinement. Avant de publier cet article, je tombe sur cette déclaration qui inquiète plus et cette-fois provenant de l’Etat-Major Général FARDC et signé par le Gen Léon Richard Kasonga Cibangu[3]. Il est probablement tard de prévenir ce calvaire qui rappelle les événements du passé récent.
NTANYOMA R. Delphin
PhD Researcher in Conflict Economics
The Institute of Social Studies/
Erasmus University Rotterdam
Twitter: https://twitter.com/Delphino12
Blog: www.easterncongotribune.com
[1] En plus de plusieurs pétitions et messages de manifestations, voir cette déclaration publique ou le Babembe ont dit officiellement NON. https://www.youtube.com/watch?v=hkBaVwdr1bI&t=3s ou encore https://www.youtube.com/watch?v=ZMJRYBH__jA ou encore Christian Mampuya : https://www.youtube.com/watch?v=2KqcijD5t4o
[2] https://7sur7.cd/2020/04/20/sud-kivu-7-militaires-deserteurs-dont-deux-officiers-se-sont-rendus-aux-fardc-minembwe
[3] https://actualite.cd/2020/06/19/rdc-larmee-met-en-garde-des-milices-ethniques-pour-diffusion-des-messages-separatistes
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