Etat-Major FARDC : Pourquoi Déraciner le Banyamulenge ?

A la fin de cette semaine du 11 Juillet 2020, il va se tenir une réunion autour du Président Felix Tshisekedi Tshilombo à Kinshasa. Ont été invités à cette réunion tous les commandants d’unités des Forces Armées de la République Démocratique du Congo (FARDC) déployés sur toute l’étendue du territoire Congolais ; y compris les commandants Secteurs Opérationnels, Commandants Régions Militaires, Commandants Zones de Défense ainsi que les différentes structures de l’Etat-Major Général. Il s’agirait de la plus grande réunion autour du Président Felix Tshisekedi depuis son élection controversée en Décembre 2018. Cette réunion serait aussi la première de taille pour un Président dont la main mise sur les forces de sécurité suscite des questions pour la plupart.

La réunion des Commandants d’unités FARDC va tourner principalement sur la question de la guerre à Minembwe, selon certaines indiscrétions dont le Journal Jeune Afrique. Selon Jeune Afrique, il serait que le Président croit à une imminente rébellion en provenance de Minembwe « où une présence militaire suffisamment équipée est signalée ». Cette rébellion pourrait enfin envahir tout le Congo. Le Conseil de Ministres de la semaine du 3 Juillet 2020 aurait probablement statué sur cette question qui est devenue une priorité de l’agenda présidentielle. Bien sûr, il y a d’autres questions que connait l’Est pays, dont les ADF au Nord-Kivu mais aussi le phénomène CODECO en Ituri.

La mise en exergue de Minembwe doit constituer soit une manœuvre médiatisée ou du moins le Chef de l’Etat est guidé par d’autres motivations. Mais pourquoi sommes-nous arrivé à ce stade alors que le Président de la République avait annoncé et mise en place une opération militaire de grande envergure depuis le 30 Juin 2019 ? Y’avait-il au moins une rébellion depuis ce temps-là dont l’armée n’a pas pu contenir ? Voilà le piège que devrait comprendre ce Président : se fier sur des informations provenant de commandants qui ont travaillé pour que cette « rébellion » ait lieu !

  1. Rébellion ou Plan Concocté par l’Etat-Major FARDC ?

C’est depuis 2015, à la suite de contestations contre le troisième mandat du feu Président Pierre Nkurunziza au Burundi, que les opposants de ce dernier traversent dans les Hauts Plateaux d’Uvira (Sud-Kivu) en vue de préparer les attaques contre le Burundi. Alors que la majorité avaient été bien formés comme de militaires, la plupart, ils traversèrent en passant par le Rwanda. Leur établissement dans la zone sud du Sud-Kivu se fait par complicité au plus haut niveau du commandement FARDC. La même hiérarchie FARDC va aussi faciliter le recrutement et l’entrée des éléments Rwandais dits appartenir au Général dissident de Kigali Kayumba Nyamwasa. L’opposant de Kigali vit en Afrique du Sud et on voit la main de Bujumbura derrière ce relais. Cet établissement s’accompagnait par des paiements de milliers de dollars selon les sources bien informées. Le sud Sud-Kivu est devenu alors un terrain de démonstration de force entre Kigali et Gitega (Bujumbura) pour de fins d’intérêts régionaux.

Dans toute malignité, la hiérarchie FARDC entre dans ce jeu en manipulant les groupes armés locaux dont leur désarmement et démobilisation ont trainé pour de raisons dont on ne comprendra pas jamais. Au même moment, Kinshasa veut trouver une voie pour décaler les élections générales de 2016 en créant ou en entretenant de tensions dans les zones volatiles comme Minembwe. Cet imbroglio va persister jusqu’aux élections controversées de 2018. Entre Juillet et Aout 2018, des nominations au sein de l’Etat-Major FARDC et régions militaires vont propulser de nouveaux commandants qui, probablement, comprenaient les contours que connaissait aussi le sud Sud-Kivu.

La pression interne mais aussi externe couplée de cette « volonté » de la classe politique fera que des élections finissent par s’organiser. Elles sont controversées au point que la présence de groupes armés dans la partie Est (Sud-Kivu) servait de « monnaie d’échange » pour valider et accréditer ces élections contestées. L’une de piste était de convaincre Kigali en lui offrant cet espace d’opérer en vue de mater son opposition armée. En plein discussions et batailles diplomatiques entre Kinshasa et Kigali, l’entourage du Président Kabila Joseph aurait promis de livrer ces éléments dont les rapports de Nations Unies avaient cru être aux côtés du groupe Gumino (affiliée à la communauté Banyamulenge). Ces centaines d’éléments dits Kayumba Nyamwasa sont offerts comme de « sacrifices expiatoires ». Au mois de novembre-Décembre 2018, le groupe dit Kayumba Nyamwasa qui était basé à Bijabo (plateau de Kamombo) connait une dislocation. Dans la suite de ce conflit interne au sein du groupe dit Kayumba, plus de 99% se rend vers le Nord-Kivu. Il n’en restera que 3 combattants affilié à ce groupe.

Par manœuvres concoctées par les services de Renseignements FARDC, ces éléments dits Kayumba avaient été promis de rejoindre les leurs au Nord-Kivu. Au même moment, il serait que ces services de renseignements indiquaient régulièrement aux forces spéciales Rwanda Defense Forces (RDF-FARDC) leur mouvement de Minembwe vers Mwenga en passant par Kalehe jusqu’à Masisi (Nord-Kivu). Ces éléments se font piéger et les plus dangereux auraient péri dans ce plan ; et une vingtaine de combattants est capturée pour servir de leçons aux autres. Il s’agirait aussi d’une tactique de protéger ceux-là qui devraient être protégés. Le mouvement des éléments Kayumba vers le Nord-Kivu coïncide avec l’arrestation à Kinshasa pendant plus de 6 mois du Colonel Richard Tawimbi. Ce dernier était perçu comme le Commandant de ce groupe dit Gumino opérant dans les Hauts Plateaux et affilié au Banyamulenge. La volte-face du commandement FARDC pour sauver le processus électoral mettra fin à l’histoire de la rébellion Rwanda National Congres (RNC) Kayumba au Sud-Kivu.

Une question qui hante les esprits est pourquoi alors ces rebelles Burundais n’ont jamais été inquiétés alors qu’ils participaient activement aux massacres, tueries, destruction de villages et razzias ? Depuis 2015, ces rebelles opéraient comme s’ils avaient conquis un territoire et la tentative d’opérations militaires fin 2018 a été subitement arrêté pour de raisons non-justifiables. Voilà une raison pour comprendre le déracinement de Banyamulenge.

  1. Pourquoi Déraciner le Banyamulenge ?

Il faut revenir sur les acteurs de cette confrontation pour mieux comprendre ce phénomène d’une armée dite nationale et indifférente face à la tragédie autour de communautés locales dont le Banyamulenge d’une manière particulière. Cette tragédie se résume en dégâts estimables à plus de 1200 personnes tuées depuis 2017 ; 300 villages incendiés, plus de 300,000 personnes qui ont fui leurs localités vers les pays voisins ou à l’intérieur du pays ; la razzia de plus de plus de 165,000 vaches en dehors de 82,000 qui seraient mortes à cause de ces conditions de concentration. Pour de raisons d’être ciblé spécifiquement, Banyamulenge sont obligés de vivre les sites de déplacés internes aux modèles de « camps de concentration » à Minembwe (plus de 120,000 personnes), Bijombo groupement (autour de 20,000) et le site de Mikenke (3,000). Ces camps de concentration sont ensuite régulièrement attaqués par des groupes armés alors que l’armée et des dizaines d’unités envoyées par le Président Felix Tshisekedi ne faisaient que superviser cette épuration ethnique. En plus de cela, ces populations dans ces camps de concentrations sont aussi mises dans les conditions qu’elles ne pourront pas survivre de la famine. Elles sont restées pour de mois et de mois sans assistance humanitaire, appauvries et sans même accès à leurs champs situés dans une distance de 2-3 Kms.

Alors que le débats des politiques à Kinshasa et au niveau de la région de pays de grands lacs tournait et tourne toujours sur les relations entre FCC-CACH d’une part, Kigali et Gitega d’autre part ; cette complexité du paysage politique aurait ouvert une occasion aux antagonistes―protagonistes de venger les antécédents et divergences du passé. C’est le moment ou les forts peuvent écraser les faibles pendant une transition sans fin. Pour les certains politiciens à Kinshasa, la présence des groupes armés locaux et étrangers dans le Haut Plateau de Minembwe restait une occasion pour distraire (déstabiliser) le nouveau régime dont l’allié est imprévisible. N’étant pas encore contrôlées par le nouveau régime, la hiérarchie militaire FARDC et les services de renseignements recevaient ce message et ordres allant dans ce sens de ne pas suivre à la lettre le commandement reçu officiellement.

Au même moment, cette brèche de la crise en devenir entre FCC-CACH est exploitée par Kigali voulant agenouiller pour la toute dernière fois ces « Banyamulenge incompris et intransigeants. Les extrémistes locaux dont les groupes Maimai qui ne jurent que d’en finir avec le Banyamulenge y trouvent aussi une opportunité qui ne reviendra pas. Kigali veut venger un passé récent autour de la présence d’éléments Kayumba mais aussi des antécédents du passé depuis les années 1996. Il faut alors passer par les groupes Burundais pour y arriver facilement. La stratégie est de dire aux groupes Burundais que le Banyamulenge sont devenus d’alliés de Pierre Nkurunziza. Il faut pousser le Banyamulenge a la porte de sortie sans trop de dégâts humains car des massacres à grande échelle pourrait attirer l’attention du monde. Il faut bruler les villages, les champs, les appauvrir ; ainsi, les pousser à la porte de sortie comme une meilleure approche. Ceux qui comprennent cette tactique savaient que ces conditions de vies imposées contribueront à leur anéantissement à petit feu, « slow genocide ».

Les seuls villages où sont concentrés les Banyamulenge à Minembwe Centre alors de centaines ont été incendiés sous les yeux de FARDC

De négociations auraient eu lieu pour convaincre les Maimai de la région auxquels on avait promis de le renforcer en vue chasser ces « envahisseurs » dont on ne voulait même pas qu’une commune soit érigé dans les environs de leurs localités. C’était une occasion à ne pas rater pour les extrémistes et les groupes locaux Maimai. La hiérarchie FARDC trouve une occasion de s’enrichir car les extrémistes locaux payent mais aussi les rebelles Burundais pour le compte de Kigali. Pour de raisons de haine personnelle, certains officiers supérieurs et Généraux FARDC sont confiants qu’il s’agit d’une occasion d’en finir avec le Banyamulenge. Ils bénéficient cette fois-là de la double couverture. Ces commandants sont assurés de ce soutien provenant d’un ‘vide conflictuel’ au sommet de l’Etat et les conditions régionales qui donnent aussi une garantie.

C’est connu, Kigali ne peut plus intervenir ni menacer en faveur de ses « protégés ». Il est aussi facile d’anticiper la position de Bujumbura (Gitega) par rapport à la question d’épuration ethnique qui cible le Banyamulenge. Gitega pourrait à une moindre mesure s’intéresser sur cette question car elle impliquait ses opposants. Toutefois, un courage qui amènerait Gitega/Bujumbura de s’engager avec fermeté n’était pas si prévisible. Les commanditaires de ce plan connaissaient bien la position de l’élite Banyamulenge (classe politique) devant cet embarras qui implique les rebelles Burundais soutenus par Kigali. Cette position est (et reste) ambigüe pour de raisons si évidentes ! Il suffirait tout simplement boucher ces voix (channels) autour des organisations internationales et la Mission de Nations Unies pour Stabilisation du Congo (Monusco) dont leurs sources d’information seraient largement biaisées. Il suffirait de présenter cette face de violence inter-ethnique alors que les discours publics étaient clairs par rapport aux « envahissures » mais aussi la presence des groupes armés régionaux. Chose dite, chose réussie !

Il est aussi facile de tromper la vigilance de ce nouveau régime. L’actuel régime ou administration Tshisekedi dont on doit affaiblir offre plus d’espace pour son nouvel allié, Kigali. L’allié est facilité d’opérer au Nord-Kivu à la traque de ses opposants. Un accord est signé entre les deux pays et cela donne une opportunité au niveau de la hiérarchie et les renseignements FARDC de couvrir les rebelles Burundais, acolytes de Kigali opérant au Sud-Kivu. Leur présence renforce les groupes Maimai soutenus par des extrémistes locaux qui ne jurent de voir le Sud-Kivu sans ‘envahisseurs’. Des moyens financiers y ont été injectés par les rebelles Burundais ainsi que ces extrémistes locaux dans le souci de présenter cette face d’un conflit inter-ethnique. Les commandants Maimai et les Généraux FARDC sautèrent sur cette opportunité qui les enrichissaient facilement au point d’accepter les alliances exceptionnelles. L’un de premier à bénéficier de ces fonds visant à déraciner le Banyamulenge est le tout premier Commandant d’Operations après l’annonce de la campagne militaire par le Président Tshisekedi. Pour un coût probablement exorbitant, celui-ci aurait quitté la région pour un voyage―long séjour vers l’occident avant de mener ces opérations dont sa position a conduit au désastre dont nous vivons actuellement.

 

NTANYOMA R. Delphin

PhD Researcher in Conflict Economics

The Institute of Social Studies/

Erasmus University Rotterdam

Twitter: https://twitter.com/Delphino12

Blog: www.easterncongotribune.com

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PhD & Visiting researcher @POLISatLeeds. Interest: Microeconomic Analysis of Violent Conflict, Genocide Studies and violence targeting minority groups. Congolese, blogger advocating for Equitable Redistribution of Ressources & national wealth as well as & #Justice4All #DRC. On top of that, I'm proud of being a "villageois"

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