Mouvements Citoyens Filimbi & Lucha : Que Signifie les Communautés « Majoritaires » ?

Dans la nuit du 16-17 Juillet 2020, un incident malheureux s’est produit à Kipupu, en Secteur d’Itombwe Territoire de Mwenga. Des sources divergent sur le nombre de victimes qui vont de 5 jusqu’à 220. Les communautés ethniques, Médias et politiques ainsi que la Monusco rapportent de données difficilement conciliables. Dans la foulée, les mouvements citoyens ont aussi rejoint ces voix pour appeler les dirigeants à payer une attention particulière sur « l’incident-massacre-affrontements » de Kipupu. La dernière en date est celui du mouvement citoyen Filimbi. Cet article essaie d’interpréter le communique Filimbi par rapport aux précédentes mais aussi en lien avec la perception généralisée sur les origines de cette crise qui date déjà des années. Qu’est ce qui a fait ces mouvements ne se prononcent pas pendant cette violence qui a fait de centaines de morts, de centaines villages incendiées, de populations locales appauvries, attaquées régulièrement et encerclées par de groupes armés et sans assistance humanitaire?

  1. Mouvements Citoyens & Crise Minembwe: Appel à la Justice Sélective ?

Dans le communique du Mouvement Citoyen Filimbi du 23 Juillet 2020, la référence aux communautés a ramené l’idée controverse de « Babembe majoritaire » ; concept dont il est difficile de comprendre l’opportunité de son usage. S’il ne dissimule pas autre signification, l’idée veut évoquer que l’autre groupe est minoritaire. Peut-on croire que la voix de majoritaires peut pousser à la sympathie dans un calcul politique ou du moins l’état de fait peut aussi créer le nombre majoritaire d’informateurs ?

info de Minembwe???

 

Ensuite, alors qu’il y a de groupes armés se réclamant pour les deux communautés citées dans le communiqué, celui de Filimbi accuse sciemment l’une ces parties de recevoir le soutien de l’armée Rwandaise. Une telle accusation serait si dangereuse s’il peut se révéler enfin qu’elle était moins fondée. La crise actuelle dans les Hauts Plateaux aurait connu plutôt de « revirement d’alliances » au point de croire le contraire de ce que présente Filimbi.  En plus de cela, dans un style conditionnel, ce communiqué Filimbi semble insisté sur la création et officialisation de la Commune Rurale de Minembwe (cfr Décret n° 13/020 du 13 juin 2013) comme le nœud de la crise actuelle qui secoue cette région. Il est aussi important de comprendre les motivations de revenir deux fois sur les positions d’une seule communauté citée dans cette crise sans qu’aucun avis de l’autre groupe en « conflit » soit évoqué. Ça devient difficile à comprendre.

A mon humble avis, de tels communiqués presque simplifiés appartiendraient aux politiques et/ou communautés et non aux mouvements citoyens. Si ce communiqué est peut-être partisan, ça ouvre une voie aux spéculations multiples dont la sympathie aux groupes majoritaires soit/ou encore ce style laisse penser que l’idée « majoritaire » renferme une idée d’un choix qui oppose la majorité et la minorité. La crise de Minembwe n’est pas une question « démocratique » car même les Communes Rurales ou villes ont créé par un processus démocratique.

L’opportunité du communiqué Filimbi reste aussi discutable vis-à-vis dew la suite d’événements malheureux qui ont secoué intensivement la région de Minembwe, Itombwe, Kamombo et Bijombo depuis Avril 2017. L’une d’explications serait les affrontements ou « massacre » de Kipupu survenu en date du 16-17 Juillet 2020 ; village largement habité par les membres de la communauté Babembe. Tout en déplorant cet incident malheureux dont les détails doivent être clarifiés par une équipe neutre―indépendante, il est aussi facile de lier la communication Filimbi aux précédentes. Le lendemain de cet incident survenu à Kipupu, de multiples communiqués se sont fait entendre à Kinshasa, Bukavu… Filimbi s’est-il décidé de se prononcer car les députés provinciaux, Mouvement Lucha… l’ont fait ? Toutefois, isoler cet incident parmi des centaines d’autres qui se sont commis dans un passé récent (période d’une année et demie) soulève aussi de questions.

Dans une crise qui date des années et qui s’étend sur un large territoire, trouver le nœud du problème autour de la création de la Commune Rurale de Minembwe est sujette à débat. Les mouvements citoyens doivent remonter les origines de cette crise d’une manière objective et moins passionnée. Partir des narratifs et explications d’une partie en conflit pour affirmer que les limites de la commune rurale de Minembwe dépasserait le territoire de Fizi, jusqu’à Uvira indique que les sources doivent être recoupées. L’une de pistes est de vérifier le décret qui a créé les communes et villes dans le processus de la décentralisation. Alors que le Décret ci-haut cité est clair sur ce sujet des limites de la commune, ne pas s’y référer risquerait de nous plonger dans le sensationnel et manipulations politiques.

Les mouvements citoyens n’ont pas de visées manipulatrices―politiciennes et se veulent une mission d’éclairer le public et le peuple ordinaire. Admettons. Sont-ils à l’abri de ce sentiment généralisé qui indique que certaines communautés citées dans cette crise sont des citoyens qui se sont imposés par les armes ? J’en doute. S’il y a des communautés dont on croit que leur appartenance au sol Congolais est à circonscrire autour des la chance leur octroyée autour des accords Sun City et ne pas voir que Sun City plutôt une conséquence d’une histoire tronquée depuis la période coloniale ; ces mouvements citoyens pourront difficilement sympathiser d’une manière particulière avec ces ‘nouveaux-venus’ ? Peut-on alors en déduire que cette chaine de conception de haut en bas aurait influencé Filimbi et Lucha de ne pas communiquer depuis Avril 2017 ou du moins depuis Février 2019 ? Me lecture et crainte se basent sur ce sentiment généralisé dont on peut lire dans les positions de certaines personnes (si influentes aussi) durant cette crise.

2. Si Lucha et Filimbi Croient en la Thèse de « Cadets Sociaux »

Ces mouvements citoyens qui mènent un combat noble pour l’avenir du Congo, peuvent s’enfermer dans les idées préconçues autour de personnes et communautés appartenant à ce grand territoire. Des campagnes et mobilisations politiciennes laissent penser que dans les Hauts Plateaux et à Minembwe particulièrement on y trouve des ‘autochtones’ et cadets sociaux. Pour Filimbi, « majoritaires » égal ‘autochtones’ ? Ces campagnes et mobilisations datent aussi longtemps plus que cette récente crise. En voici quelques extraits que le bloggeur a retenu durant différentes discussions avec les personnes qui semblaient s’intéresser sur la crise de Minembwe.

Sur Twitter, un chercheur dans le domaine du conflit à l’Est du Congo a répondu au débat sur cette crise en rappelant le silence de toute une communauté. Tweet du 30 Octobre 2019 :

 “on tue à Beni chaque jour et je ne crois pas que Minembwe devient plus urgent tu ne dis rien. Quand RCD tuait à Kasika, à Makobola, Shabunda ; quand le FDLR tuaient à Walikale… je n’ai pas vu une seule plume des Congolais Banyamulenge » :

Sur Twitter, une activiste influente de mouvements citoyens Congolais s’exprimant autour de la différence entre communautés et ethnies a dit « Banyamulenge existe peut-être au Rwanda ». Tweet du 23 Octobre 2019:

 « Au Congo, il n’existe pas des Communautés. Il existe de (tribus, des ethnies), communauté Banyamulenge existe peut-être au Rwanda (drapeau du Rwanda) ; pas chez nous au Congo vraiment (drapeau du COngo) » ;

Dans une discussion sur Facebook, un agent de Search for Common Ground au Sud-Kivu (dans une position de chef de programme ?), journaliste de profession (si ma mémoire est bonne) nous disait avoir de détails sur ce qui se passe sur le terrain. Search for common ground est l’une d’organisation internationale spécialisée dans le domaine de la transformation de conflits. Durant cette discussion, on réalisera que certains faits d’actualités lui échappaient au point que de dégâts qui lui avaient été présenté lui amena à conclure qu’il y a eu de dégâts énormes. Il s’exclama alors :

«  ….Bon, le chiffres que tu évoques font peur. Mais, c’est le prix à payer quand on a falsifié l’histoire ».

Pendant que les violences dévastaient les Hauts Plateau en fin 2019, Responsable d’un Media local révèle sur son compte Twitter ce qu’il appelait « Zéro Rwandais en Territoire de Fizi ». Tweet du 9 Novembre 2019 :

“@moisekatumbi Moise Katumbi, tu n’as plus à nous dire car votre plan vient d’échouer. Opération zéro #Rwandais en territoire de Fizi d’ici 2020. BBC, RFI, VOA, MONUSCO we are ready to help The Tutsi because we will push aller (all) them out.”

La partie en Anglais de ce tweet signifierait BBC, RFI, VOA, MONUSC, nous sommes prêts à faciliter le Tutsi en les poussant vers la sortie. La motivation d’impliquer Moise Katumbi est aussi à découvrir. Avait-il été impliqué dans cette affaire ?

En plein meeting à Kinshasa (Camp Luka), Martin Fayulu (Candidate Présidentielle de 2018) a ouvertement declare (20 min) :

  “Minembwe est à qui ? à nous….Les gens d’un autre territoire (ba ndeko ya mboka mususu)font une démonstration pour dire que Minembwe est à eux. On tue à Minembwe, nos compatriotes qui défendent leurs terres sont malmenés et massacres ! Ceux qui tuent, veulent occuper cette partie du pays et veulent l’annexer ailleurs [Rwanda] Est-ce que nous allons accepter que cela arrive à nos compatriotes ? [la masse répond] NON… ».;

Quand Fayulu parle de nos compatriotes, il a déjà exclu une catégorie de la population de Minembwe ; les envahisseurs qui ont falsifié l’histoire. En plus de plusieurs autres déclarations et campagnes qui font croire que la crise de Minembwe s’inscrit dans la logique de la Balkanisation (Filimbi l’insinue aussi), rappelons par exemple que Masavuli Boniface parlant de la crise de Beni, il se permet de faire référence à la crise de Minembwe comme ‘modèle’ de résistance contre les ‘envahisseurs’ qui subjuguent les ‘autochtones’ (18min 30 sec). Cette conception des envahisseurs est presque généralisée au sein de la société et la jeunesse Congolaise. Son influence au sein de mouvements citoyens est à inquiéter mais aussi leurs réseaux car cela pourra perdurer cette crise.

Pour rappel, la crise dans les Hauts Plateaux d’Uvira-Fizi-Itombwe date de longtemps au point de la situer dans les années antérieures qui vont vers la période coloniale. La récente vague remonte vers 2015 à la suite des événements dans la région des grands lacs autour de mandats présidentiels au Burundi et Congo. Des milliers et innombrables dégâts ont été enregistré depuis cette période. Il y a eu moins de déclarations surtout ceux qu’on aurait attendu de mouvements citoyens.

NTANYOMA R. Delphin

PhD Researcher in Conflict Economics

The Institute of Social Studies/

Erasmus University Rotterdam

Twitter: https://twitter.com/Delphino12

Blog: www.easterncongotribune.com

 

 

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PhD & Visiting researcher @POLISatLeeds, proud of being a "villageois". My interest: Peace, conflict, Genocide Studies, Minority ethnic groups, DRC, African Great Lakes region. Congolese, blogger & advocate #Justice4All in #DRC.

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