Depuis plusieurs années, les Hauts et les Moyens Plateaux de Fizi, Uvira, Mwenga font face à des violences sans précédent. Les trois-quatre dernières années ont vu cette situation socio-sécuritaire se détériore pour de raisons diverses. Alors qu’il s’agit des attaques armées souvent contre les civils, plusieurs acteurs dans la région tendent à interpréter cette crise comme étant de la violence intercommunautaire. Comme les groupes armés s’identifient souvent aux groupes ethniques, cette interprétation communautaire domine plus le débat.
Alors que toute la partie Haut Plateau a été en crise profonde, es localités de Mutambala et Bibogobogo avaient connu une certaine accalmie par rapport aux plateaux de Bijombo, Minembwe, Kamombo et Itombwe ces deux dernières années. Les localités sont habitées principalement par les communautés Babembe, Banyamulenge, Bafuliro et Banyindu. Ce dernier temps, a la suite de la crise qui secoue les Hauts Plateaux, de centaines voire de milles ont fui les affrontements pour se refugier vers le moyen Plateau ; ce qui complique la fragile situation existante.
Les efforts des ambassadeurs de la paix et ceux des communautés ont joué un rôle déterminant pour que cette accalmie ait lieu. Toutefois, leurs efforts ne peuvent aller au-delà de leurs forces et marge de manouvres. Le Moyen Plateau faut actuellement face à une recrudescence des attaques armées, indépendamment des dialogues multiples qui ont été mises en place et organisées ces dernières années. L’armée, les Nations Unies mais aussi les autorités administratives locales semblent toujours croire qu’il s’agit d’une question des communautés. D’une manière non négligeable, l’armée a failli à ses missions ; et il est aussi probable de ne pas exclure une certaine complicité au sein du commandement des forces armées de la République Démocratique du Congo (FARDC).
A ce stade, les communautés et Ambassadeurs de la Paix sont désarmés, incapables de ne plus tenir devant la force du mal et les armes alors que ceux qui sont censés protéger ne le font pas. Les communautés et Ambassadeurs de la paix sont au bout de leurs souffles. Ils interpellent les NATIONS UNIES et la MONUSCO par rapport à ce drame qui va s’abattre sur cette partie du territoire Congolais. Comme la seule force neutre, il est important de leur signifier que l’histoire retiendra que devant ce cri d’alarme, les Nations Unies et la Monusco en particulier ont eu le courage de continuer à croire que le conflit est communautaire et que celles-ci pourront en trouver une issue. En bas, voici les efforts fournis par les communautés et Ambassadeurs de la paix et la situation se dégrade du jour au jour :
- Composition de Hauts Plateaux de Mutambala & Bibogobogo :
Les Hauts Plateaux sont composés de villages suivants : Bibokoboko I, Bibokoboko II, Kafulo, Kilola , Kalele, Rurimba I, Rurimba II, Mugorore I, Mugorore II, Kabembwe, Mugono, Tubuki, Kakunga, Bitariro, Kashongo, Mugunga I, Magunga II, Muhebwa, Kavumu, Lutabura, Nyakisozi, Kakuku, Kakombe, Kilumbi, Kakamba, Lumanya, Mulima , Lusuku, Ngulube, Kabwale , Kanguli, Nakieli, Basikatete.
Selon le rapport de 2019 des services de l’Etat civile, les moyens plateaux de Fizi sont habités par 32.600 personnes. A ces populations locales, s’est ajoutée une grande population estimée en la moitié de celle-ci en provenance de hauts plateaux. Cette donne est à tenir en considération en examinant la situation actuelle ; mais aussi, l’expérience de Hauts plateaux devraient nous éclairer sur l’avenir de Mutambala et Bobogobogo.
- Chronologie des dialogues intercommunautaires
Depuis quelques années, les dialogues intercommunautaires qui ont été réalisées dans les moyens plateaux de Fizi pendant la période de crise dans les hauts plateaux de Fizi, Uvira et Mwenga pour renforcer la cohésion et la cohabitation pacifique entre les communautés qui vit dans l’entité. Quelques données à titre illustratif liées à la situation socio-sécuritaire depuis 2018 jusqu’à 2020 peuvent se résumer de la manière suivante :
- En date du 27- 28/07/2018 à Rurimba I (Bibogobogo), un dialogue avait convié des représentants de toutes les communautés (Babembe, Bafuliru, Banyindu, Banyamulenge). Durant ce dialogue, on a échangé sur l’importance de maintenir la cohésion sociale et renforcer la cohabitation pacifique. Il a été aussi question dans cette rencontre de mettre en place un cadre de concertation intercommunautaire appelée : Fondation Bibogobogo -Mutambala (FBM). Durant les deux jours d’échange c’est la population eux- même qui a pris toutes les charges de restauration des participants. Donc, c’était une initiative locale et financée localement.
- En date du 25/05/2019 à RurimbaI encore une fois, il y a eu encore un dialogue auquel on a associé de Pasteurs d’église, les notables et les sages des différents communautés. Il avait été question de renforcer les acquits du FBM.
- En date du 09- 10/08/2020 à Nyakisozi- Lutabura, il y avait eu aussi des discussions dans le meme sens en présence du Chef de Secteur de Tanganika Monsieur John MULONDANI en compagnie de Chefs de Groupements, quelques notables de deux secteurs Mutambala et Tanganika, les Pasteurs, Sages des différentes communautés. On a échangé beaucoup sur la situation sécuritaire et prendre des stratégies et mécanismes de prévenir les violences
- En date du 04/12/2019 à Baraka on avait organisé un atelier organisé par le Cadre de Concertation Intercommunautaire (CCI) en collaboration avec Fondation Bibogobogo -Mutambala ( FBM). De discussions avaient couvert la situation sécuritaire : les tueries des éleveurs à Sebele , Malinde et Kafulo, les vols des bétails ainsi de suite. De différentes autorités ont été conviées : les Chefs coutumiers, les notables, les autorités militaires, la Police, la Monusco Baraka, le représentant de la Mairie de Baraka ainsi que les différentes couches de la population. Cet atelier a été financé par Réseau Organisationnelle d’Innovation (RIO) Centre Régional pour la Paix.
- En date du 27/02/2020 à Bibokoboko il y avait eu une rencontre de la population venant de Baraka, Kafulo, Kalele, Kilola et d’autres villages pour encore une fois discuter de la situation sécuritaire qui se dégrade de plus en plus. C’était encore une fois devant la présence de Chef de Groupement Basimukindje. On a échangé sur la sécurité des éleveurs et leurs bétails après plusieurs incidents survenus à Kafulo.
- En date du 28/02/2020 à Kakuku la population des toutes tribus confondues étaient sur place pour évaluer la situation sécuritaire après quelques incidents des volés de bétails et tueries des éleveurs dans les axes des transhumances et prendre des mesures de prévention des violences dans l’entité en général.
- En date du 06/06/2020 à Mugono les représentants de toutes tribus confondues se sont réunis pour discuter sur les problèmes sécuritaires en rapport avec des actes des razzias de bétails par le groupes armés Mai Mai. Ces représentants avec leurs notables ont échangé en présence du Colonel Karate de la FARDC qui le commandant FARDC dans cette partie. Après les échanges les participants ont formulé les recommandations à respecter pour prévenir les violences contre les civiles.
- En date du 25/07/2020 à Kakuku les représentants de toutes les communautés se sont réunis pour évaluer la situation sécuritaire dans la zone. Après avoir constaté qu’il y avait plusieurs actes et d’incidents en rapport avec les vols multiples des bétails, la propagation des rumeurs qui crée la panique et la peur entre les populations. Les participants ont pris des mesures de combattre toute forme de messages, audios qui propage la division et la haine entre les communautés.
- En date du 03/08/2020 à Tujenge, il y avait une rencontre intercommunautaire en présence du représentant du Chef de Secteur Mutambala. Dans leur suite, il y avait aussi des notables de Kafulo, Bibokoboko, Kalele et d’autres villages. Ils ont échangé sur la situation sécuritaire en général en particulier sur les actes des violences (tueries des éleveurs, vols des bétails et d’autres menaces) à Kafulo, Sebele, Katanga, Malinde.
Enfin, il s’est avéré que ces efforts ne pourront pas arrêter ceux qui veulent déstabiliser cette partie du pays.
3. Attaques armées menées par les MaiMai contre les éleveurs Banyamulenge
En dépit de multiples dialogues, les incidents ciblant les civils non-armés ne cessent de se multiplier. D’une manière particulière, elles sont menées par les MaiMai contre les éleveurs Banyamulenge.
3.a. Les éleveurs qui ont été tués
- En date du 18/09/2019 à Mutambala groupes armés Mai Mai a tué Monsieur SENKARA Edinas
- En date du 30/09/2019 à Kananda groupes armés Mai Mai ont tués deux éleveurs dont Monsieur MUSAFIRI BUDAMU et Monsieur BINYANA SERUHUMBYA
- En date du 17/12/2019 à MALINDE, les groupes armés Mai Mai a tué Monsieur RUBIBI KASA
- En date du 30/12/2019 à SEBELE groupes armés Mai Mai a tué Monsieur KABUNDA Enock
- En date du 24/04/2020 à MUTAMBALA groupes armés Mai Mai ont tué par décapitation Monsieur RIVUZE
- En date du 20/07/2020 à SALANGUBA groupes armés Mai Mai ont tués deux éleveurs dont Monsieur NGARUKIYE MANDEVU et Monsieur RUREMESHA BIKINO
3.b. Eleveurs qui ont été gravement blessés
- En date du 05/11/2019 deux éleveurs ont été gravement blessés par les balles lors d’une attaque menée par le MaiMai. Il s’agit de Monsieur RWIGEMERA GATAMBARA et Monsieur SEBAGABO MUGOMBERWA.
- En date du 17/12/2019 à Sebele un éleveur a été gravement blessé. Il s’agit de Monsieur MUNYARUGO James.
- En date du 18/01/2020 à Kigongo un éleveur a été gravement blessé par balles pendant la journée en cours de route provenance de Baraka vers Uvira. Ici on cite Monsieur ILUNGA Emile et toutes les vaches qu’il avait ont été toutes razziées par les groupes armés Mai Mai Réne Ilunga.
- En date du 15/05/2020 à Kafulo un éleveur de 80 ans du nom de Monsieur MUYEHE a été gravement blessé par les balles de groupes Mai Mai
- En date du 14/06/2020 à Lulimba un jeune garçon de 20 ans a été attaqué par les groupes armés Mai Mai où il était au pâturage. Il a été coupé gravement par la machette et aussi blessé par les balles.
3. c. Vaches razziées par les groupes armés Mai Mai
- Entre 08 Octobre 2019 jusqu’au 03 Aout 2020, plus de 1050 têtes de vaches ont été razziées.
- Les vaches attaquées et coupés par les machettes sont au nombre de 197
Pendant ce moment, les communautés ont mené de contacts de plaidoyer aux instances administratives, Monusco et les FARDC.
4. Plaidoyer auprès des autorités Militaires, administratives et la Monusco
- En date du 26/05/2020 à Uvira dans son bureau, on a fait un entretien avec le Général MBANZA Joseph pour lui informer la situation socio- sécuritaire dans les moyens plateaux de Fizi (Bibokoboko-Mutambala) et sollicite l’intervention de la FARDC pour assurer la sécurité de la population qui sont dans l’insécurité causée par les groupes armés Mai Mai et d’autres ;
- En date du 23/05/2020 à Uvira dans son bureau, on a fait un entretien avec Monsieur REDOCA de l’ANR on a échangé sur la situation d’insécurité dans les moyens plateaux de Fizi.
- MONUSCO En date du 22/05/2020, nous avons fait un entretien avec les agents de la Monusco au bureau des affaires civiles à Kavimvira. Nos échanges ont porté sur les incidents des violences qui continuent de se produire. Dans la suite, on a interpellé la Monusco en vue de les appeler à protéger la population civile qui est menacée par les groupes armés Mai Mai dans l’entité des moyens plateaux de Fizi. Nous avons aussi informé la Monusco sur le problème des déplaces qui sont venus dans les zones des conflits notamment à Kamombo, Chakira, Karunga, Kanihura qui peuvent intoxiquer la population de l’entité.
- En date du 10/08/2020 On a fait encore un entretien avec les agents de la Monusco pour leur informer de la détérioration de la sécurité de la population pour le moment dans les moyens plateaux.
- En plus de ces cas, les communautés et Ambassadeurs de la Paix ont mené de contacts à Baraka avec les autorités administratives en date du 02-03/12/ 2019 après le discours du Député provincial Homer Bulakali. Dans le même sens, de contacts ont eu lieu pour discuter avec la Monusco/Baraka, le commandant FARDC de la place, les organisations non gouvernementales qui ont pour mission d’appuyer les dialogues…
Conclusion
Dans tous nos efforts, nous sommes heurtés aux problèmes ci-après : la volonté des acteurs étatiques qui ne semblent ne pas se soucier d’une issue pacifique de cette crise. Ensuite, il est à déplorer que les diviseurs soient plus forts que les rassembleurs. Les premiers sont munis souvent des armes alors que les derniers n’ont que pour force leur langage de paix. Dans ce cas, cette situation nécessite qu’on ait une autre force qui peut faire taire les diviseurs, principalement les groupes armés. Dans ce cas, nous aurions voulu voir les forces armées nationales s’engagent dans cette perspective d’imposer la paix au travers l’autorité de l’Etat. Enfin, la présence des déplacés qui sont venus de localités des Hauts Plateaux de Fizi (Kamombo/Itombwe), y compris ceux qui détiennent des armes reste aussi un défi majeur double. D’une part, ces déplacés ont besoin de survivre (assistance humanitaire) ; mais aussi, certains d’entre eux envenimer cette situation fragile. La voix de dialogue que nous avons privilégié est alors dans l’impasse.
Notre dernier message et appel est d’informer le monde mais aussi les décideurs que nos efforts deviennent de plus en plus limites et croyons qu’il faut une approche qui vise en la protection de civiles. Nous interpellons encore une fois tous ces acteurs que le drame dans les moyens plateaux est encore à prévenir si nous y déployons les actions concrètes dont le rétablissement de l’autorité de l’Etat et la sécurité de biens et des personnes sans distinction aucune.
Fait à Uvira, le 17/08/2020
Ambassadeur de la paix
MUHUMUZA MUGWEMA Jacques
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