Roi Philipe & la Reine Matilde en RDC : Colonisation Belge & la Violence au Sud-Kivu

Photo: https://lejournal.africa/belgique-denis-mukwege-recu-par-le-roi-philippe-et-la-reine-mathilde-au-chateau-de-laeken/

1. Que devrait Faire la Belgique?

En visite officielle, le Roi Philipe et la Reine Matilde iront cette semaine à Kinshasa mais aussi au Sud Kivu en République Démocratique du Congo (RDC). En visitant la RDC, le Souverain Belge, Chef d’Etat et premier personnage de la Belgique entrera en contact avec la population et les politiques de son ancienne colonie, la RDC qui tarde à se relever de méfaits de la colonisation. Il fait actuellement face à de multiples défis politiques, sociaux mais aussi sécuritaires. Parmi ceux-ci, il sied de souligner la violence en sa partie est du Congo y-compris le Sud-Kivu que le Roi et la Reine vont probablement visiter.

Bien que le Roi Philippe ait déjà exprimé ses « profonds regrets » vis-à-vis de la cruauté commise pendant la période coloniale ainsi que la mise en place de la Commission Réconciliation et Vérité sur le passé colonial, il est encore important et nécessiteux de rappeler à la population et aux dirigeants Belges que les méfaits de la colonisation font encore de victimes. Elles sont nombreuses, mais le sort de certaines victimes préoccupe actuellement car ayant été catégorisées et discriminées comme des « étrangers/immigrés » par les colons.

Il est fort probable qu’après 60 ans d’indépendance de la RDC, la majorité de Belges peuvent avoir une conscience tranquille vis-à-vis de méfaits de la colonisation. Les Belges s’intéresseraient moins sur de questions qui touchent de minorités spécifiques à l’est de la RDC car les narratifs font souvent croire que la forme de violence est uniquement une confrontation entre « ethnies ». Ce n’est pas totalement de questions « ethniques », c’est en grande partie de questions qui trouvent origine dans l’héritage colonial. Ce blog rappelle la question épineuse qui concerne des minorités à l’est de la RDC, du Sud-Kivu jusque dans l’Ituri en passant par le Nord-Kivu. Dans le cas d’espèce et par le fait le Roi va visiter le Sud-Kivu, ce blog focalise sur la violence qui cible la communauté Banyamulenge. Alors que le sort de membres de la communauté Banyamulenge nécessite une attention particulière, la Belgique devrait clairement se prononcer et au besoin indique honnêtement pourquoi l’administration coloniale avait opté à abolir leurs chefferies traditionnelles jusqu’à la veille de l’indépendance.

Faisant face une violence à caractère génocidaire visant à effacer toute trace de leur existence sur le sol Congolais, ils ont été aussi pris en étau dans la confrontation locale et régionale de pays de la région de Grands Lacs d’Afrique. Il ne s’agit pas simplement d’une question ethnique, locale ni moins régionale, nous devons aussi reconnaitre que Belgique est largement à l’origine de violence et que ce pays peut contribuer (d’une manière ou d’une autre) à décanter cette crise. Des acteurs mobilisent autour de l’usage de la violence en rappelant les écrits et la littérature coloniaux. Tous les acteurs politiciens, et commentaires de détracteurs de l’existence de Banyamulenge font toujours référence à la Belgique, au musée de Tervuren… mais c’est aussi profond que cela car des milliers de vies continuent d’être fauchées alors que d’indices prouvent que la discrimination de membres de cette communauté avait été systématique de la part de l’administration coloniale.

Bien que la Belgique ait mis en place la « commission sur le passé colonial Belge », il est temps que l’opinion Belge comprenne que même ces questions auxquelles l’opinion s’en méfie car il y a moins de voix de grande notoriété qui y font référence, il s’agit plutôt d’une responsabilité partagée entre Congolais et Belges. Ce blog post constitue une occasion d’interpeller les dirigeants/décideurs au sein de l’arène politique Congolaise et Belge que depuis des années, les membres de la communauté Banyamulenge font face aux massacres et tueries qui les ciblent en ne visant que leur extermination ; il s’agit un génocide tout court.

2. Violence au Sud-Kivu & le Colonialisme

Les causes lointaines de la violence que connait actuellement le sud Sud-Kivu sont à remonter vers la période coloniale. Manipulée au travers le temps, la dichotomie entre « autochtones-natifs » et « immigrés-nouveaux venus » trouve son origine dans l’héritage colonial, spécifiquement autour de « l’hypothèse Hamite ». Par cette hypothèse-mythe, les populations dites « Bantous » de la région de grands lacs ont été catégorisées comme de « natifs » et les nilotiques/Tutsi considérés comme des « immigrés ».

Dans le contexte spécifique du sud Sud-Kivu, la dichotomie aurait conduit à la discrimination de ce peuple dont l’administration coloniale appelait Banya-Ruanda, Ruandas, Tutsi d’Itombwe, Pasteurs d’Itombwe Au même moment, les chefferies dites traditionnelles ou de territoires ethniques créés par l’administration coloniale ont largement contribué à renforcer la dichotomie dite entre « autochtones » et « immigrés». Par la suite, l’administration coloniale Belge est vue comme ayant été à l’origine de l’abolition des chefferies jadis appartenant à cette communauté y compris par exemple le groupement Budurege (territoire d’Uvira) vers les années 1954. L’abolition et annexion des entités jadis gérées par le Banyamulenge ont largement affecté leurs position sociale et politique.

D’évidence indique que la communauté Banyamulenge avait été victime d’une discrimination systématique de la part de l’administration coloniale Belge sur ces bases dites de premiers occupants, autochtones (voir Weis 1959 dans le pays d’Uvira). Et au fil de temps, cet héritage colonial a conduit aux risques d’un processus d’extermination de ce groupe minoritaire, le Banyamulenge. Les membres de la communauté Banyamulenge font l’objet d’antipathie extrême mais aussi des discours de haine. Alors de milliers d’acteurs et militaires ont rejoint les rebellions de Laurent Kabila contre Mobutu, et presque toutes les rebellions qui s’en aient suivies contre les Kabila, le Banyamulenge sont presque les seuls taxés de tous les maux qu’a connu le Congo durant ces années (1996-1998).

Pour plus de détails sur le rôle de la colonisation, telle reste ma réflexion sur le rôle de la Belgique : https://easterncongotribune.com/2020/02/04/aux-origines-lointaines-de-la-guerre-dans-le-sud-kivu/

3. Vulnérabilité de Banyamulenge au sud Sud-Kivu

Le sud du Sud-Kivu est composé des territoires de Mwenga, Fizi, et Uvira. Il y a à peine 5-6 ans que cette région du sud Sud-Kivu est secouée par une violence à caractère régionale mais qui, particulièrement, affecte les communautés locales qui sont considérées comme « étrangères ou envahisseurs ». Comme conséquence, de milliers de victimes dont les ONG locales avaient estimés autour de 1200 personnes tuées (Juin 2020), on en a compté aussi plus de 400 villages incendiés, au moins 300.000 têtes de bétails razziés (sans inclure ceux morts à cause de conditions imposées). En plus de toute cette destruction méchante qui arriva alors que la Monusco observait, les FARDC et certains pays de la région de grands lacs joua un rôle complice, les membres de la communauté Banyamulenge au Sud Kivu sont au bord d’un gouffre car simplement considérés comme des étrangers. De Rurambo et Bijombo (territoire d’Uvira), Bibogobogo, Kamombo et Minembwe (territoire de Fizi), Itombwe (territoire de Mwenga), les membres de la communauté Banyamulenge largement appauvris sont les seuls à qui l’on nie même l’accès à leurs champs dans une distance de moins de 3-5 kilomètres. Un climat de terreur et de multiples attaques systématiques et coordonnés assiegant tout un peuple pendant au moins 5 ans.

Depuis 2015 et à la suite des événements qui ont suivi la contestation du 3e mandat du feu Président Pierre Nkurunziza du Burundi, le Sud-Kivu est en proie à la violence qui entre dans les cycles infernaux qui datent de décennies. Pendant la même période, la RDC traversait une crise liée aux manœuvres politiques de retarder les élections de 2016. Par la suite, le Sud-Kivu est devenu un bastion des groupes armés étrangers, particulièrement ceux Burundais qui combattent le régime Nkurunziza. A ces groupes Burundais, le Sud-Kivu connait la présence de Forces Démocratiques pour la Libération du Rwanda (FDLR) qui opèrent largement en zones Ouest du Sud-Kivu, dont le territoire de Kalehe.

Pour le MaiMai, se débarrasser de Banyamulenge, les « envahisseurs » est une lutte noble. Bien qu’il soit difficile de comprendre les motivations de groupes Burundais derrière le MaiMai, il est fort probable que leurs agissements sont souvent approuvés par Kigali. Depuis 2017, ces rebelles sont devenus des égorgeurs de Banyamulenge ; et seules les relations de 1996 à nos jours entre cette dernière communauté et le régime en place au Rwanda peut expliquer en partie pourquoi les groupes Burundais peuvent vouloir déraciner le Banyamulenge.

Qu’il y ait de groupes d’auto-défense ou armés affiliés au Banyamulenge, la vulnérabilité de cette dernière communauté et particulièrement des civils s’expliquent en ces quelques points. Ils font face à une coalition militairement bien entrainée et probablement bien équipée, surtout les groupes Burundais. Les groupes armés de communautés majoritaires et voisines de Banyamulenge se sont aussi constitués en un seul bloc, coordonné pour s’attaquer (contre-attaquer) le Banyamulenge. A part les Burundais, cette coalition (bloc) trouve son origine dans les violences post-indépendance (19664-1968) dans lesquelles ces groupes ethniques dits autochtones se sont coalisés pour attaquer le Banyamulenge.

D’ailleurs, cette coalition de groupes dits « autochtones » s’est renforcé durant toute la période du règne de Mobutu et surtout récemment. L’élite des communautés Babembe, Bafuliro, Banyindu, Bavira (voisins de Banyamulenge) avait d’ailleurs parvenu à mettre en place des lois qui révoqua la nationalité de Banyamulenge ou celle qui décida de les expulser en décembre 1995. Un ultimatum de 6 jours avait été donné à tous le Banyamulenge de quitter la RDC par le Gouverneur du Sud-Kivu en 1996. Dans la suite des événements de la contestation de Banyamulenge, ces derniers ont connu des massacres les ciblant singulièrement en 1996 sur tout le territoire Zaïrois. Ces genres de massacres se sont encore répétés en 1998 ciblant spécifiquement le Banyamulenge. Le massacre de Gatumba en 2004 au Burundi s’inscrit dans la même logique de se débarrasser des « envahisseurs ».

4. Violence par procuration & sur fond d’Antécédents Locaux

Depuis 2015-2016, le sud Sud-Kivu fait face à une violence extrême à caractère régional impliquant des groupes locaux et étrangers, Burundais en particulier. Alors que les groupes armés étrangers ont largement des ambitions de renverser les pouvoirs dans leurs pays respectifs, les groupes armés locaux (d’auto-défense) s’affrontent sur de bases « identitaires et communautaires ». L’ensemble de ces groupes recrutent leurs combattants parmi les communautés (groupes ethniques) locales dont ils se disent protéger. Ces communautés locales se subdivisent en celles dites « autochtones » et d’autres considérées comme « immigrés ». Le different groupes MaiMai et Biloze-Bishambuke sont des groupes armés (d’auto-defense) affiliés aux communautés dites « autochtones », Babembe, Bavira, Bafuliro, Banyindu ; et Gumino et Twirwaneho recrutent parmi la communauté Banyamulenge, souvent considérée comme « étrangère ».

Les confrontations entre groupes armés ou d’auto-défense opposent souvent les MaiMai/Biloze-Bushambuke contre Gumino/Twirwaneho. Bien que des alliances entre groupes armés changent de temps en temps, l’implication de groupes armés Burundais aux côtés des MaiMai est devenue notoire. Il est à noter que ces groupes Burundais sont constitués par des anciens militaires du Burundi ayant fui pendant la crise de 2015 et ceux qi avaient été formés par l’armée Rwandaise (Rwanda Defense Force). Alors que l’aspect régional de cette nouvelle vague de violence inquiète, les confrontations au niveau local sont s’inscrivent dans une logique de contester la communauté Banyamulenge.

La grande mobilisation des groupes armés affiliés aux communautés « autochtones » se fonde sur cette notion d’appartenance au sol Congolais. Dans un contexte de violence à plusieurs facettes, cette forme de violence qui se base sur les notions d’appartenance au sol Congolais rend de plus en plus vulnérable la communauté minoritaire Banyamulenge. Cette dernière fait face à une coalition armée appartenant aux groupes ethniques majoritaires, soutenus par les groupes Burundais. L’armée nationale (FARDC) plus complice derrière les MaiMai.

A l’instar d’autres zones en conflits à l’Est du Congo, la mission de maintien de la paix de Nations Unies (MONUSCO) affiche une incapacité de comprendre cette forme de violence multifacette. Connaissant bien qu’il y a des groupes armés étrangers dans le sud du Sud-Kivu, la MONUSCO, dans ses rapports, n’évoque que souvent l’aspect inter-communautaire. Le fait d’avoir trouvé une qualification simpliste de cette violence en termes communautaires, cela exempte la Monusco de ses responsabilités de protéger les civiles et groupes vulnérables. Toute justification de non-intervention s’apparente à un aveu couvert de cet argument qu’il s’agit de communautés qui s’affrontent. Certains éléments en rapport avec cette vulnérabilité de Banyamulenge peuvent se lire sur cet article : https://www.ushmm.org/genocide-prevention/blog/democratic-republic-of-congo-rising-concern-banyamulenge.

 

Ntanyoma R. Delphin, PhD

Micro-economics studies of Peace and Conflict

Twitter: https://twitter.com/Delphino12

Blog: www.easterncongotribune.com

 

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PhD & Visiting researcher @POLISatLeeds, proud of being a "villageois". My interest: Peace, conflict, Genocide Studies, Minority ethnic groups, DRC, African Great Lakes region. Congolese, blogger & advocate #Justice4All in #DRC.

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