LUCHA, MONUSCO & Carnage de Goma

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Manifestation de la LUCHA Aout 2022. Photo @LuchaRDC

En date du 30 Aout 2023, un carnage s’est abattu sur la ville de Goma, et on en compte autour d’une cinquantaine de morts, civils sans armes. Un carnage choquant quand les citoyens soient massacrés par les forces de défense et de sécurité La plupart de victimes seraient des adeptes de la « secte » Wazalendo qui avaient programmé une manifestation « anti-impérialiste », largement contre la MONUSCO (ici l’interview de Ephraim Bisimwa qui suscite plus de questions). Les Wazalendo ne sont pas les seuls à exprimer leurs désaccords vis-à-vis la MONUSCO. Au centre de ce débat, la LUCHA à maintes fois appelé que le départ de la MONUSCO soit clairement programmé ; et à celle-ci, s’ajoute la Force Régionale East African Community, dont la LUCHA ne veut plus voir sur le territoire Congolais. Par rapport aux grandes questions que connaisse la RDC, cette exigence demande une réflexion surtout quand elle est avancée par les activistes de renommée comme la LUCHA.

L’engagement de la LUCHA n’était pas et ne sera pas un combat si facile à engager. Le mouvement a connu de multiples difficultés et embuches allant au point que certains d’entre eux ont été assassinés, emprisonnés, et brutalisés pendant leurs parcours qui fait aujourd’hui une dizaine d’année. Toutefois, la tendance actuelle est que les activistes de la LUCHA ont rejoint les organisations internationales (humanitaires ou de recherche), ils donnent l’impression qu’ils finiront enfin par s’engager dans la politique comme candidats de partis politiques et plus spécifiquement, leurs déclarations s’apparentent aux discours qui ont de connotations politiques. Quel avenir pour cette jeunesse s’ils (elles) deviennent politisés ?

Qu’est-ce que la LUCHA ?

La Lutte pour le Changement, LUCHA en sigle, est parmi les premiers mouvements citoyen actifs en RDC qui ont été initiés pendant la période où tout le monde n’y croyait pas. Ce mouvement a été créé à Goma en mai 2012 comme un mouvement moins hiérarchisé. Cette période coïncidait avec que les crises politiques en RDC et plus particulièrement au Nord-Kivu. Spécifiquement, en 2012, la Province du Nord-Kivu traversait une énième crise socio-sécuritaire liée à la prolifération de groupes armés, y-compris le M23 (version 2012).

En 2012, les politiques et les armes dominaient plus les esprits de ceux qui voudraient changer les choses (la gouvernance) en RDC ou du moins ceux qui voudraient accéder aux postes juteux au sein des ministères. En dépit de leur éloignement de la ville de Kinshasa comme principal―unique centre de décision, la jeunesse du Nord Kivu a su prouver qu’elle peut rassembler les jeunes activistes pour imposer une approche non-violente cherchant la redevabilité des dirigeants.

Abandonnés par les pouvoirs publics comme tous les autres en RDC, ceux de Goma n’ont pas suivi la logique qu’avaient emboîtés leurs ainé(e)s du Kivu, dont les Kadogos, leurs commandants (politiques et militaires), et ceux (celles) qui rejoignaient ou ont rejoint les groupes armés dans les milieux ruraux etc… Sans appartenance politique apparente, les activistes de la LUCHA se sont distingués par de positions qui plaident pour l’intérêt largement général de la population Congolaise et ceux des jeunes en particulier.

La particularité de mouvements citoyens, est que toutes et tous se considèrent égaux. Par la forme, les décisions sont prises par consensus sans que personne ne se sente comme hiérarchiquement supérieur. C’est dans cet esprit que ces jeunes de Goma ont engagé un combat si noble pour défendre les droits de citoyens lambda. De ce fait, le mouvement se définit comme celui qui s’engage « à combattre avec acharnement et détermination pour (1) la dignité humaine et (2) la justice sociale ».

 Loin de ce que nous pouvons sentir comme divergences sur certaines questions nationales ou locales, la LUCHA a joué un rôle déterminant dans la mobilisation de la jeunesse au travers le Nord Kivu, le Sud-Kivu ainsi qu’à Kinshasa. Etant de jeunes pour la majorité, de fois, on sent de positions individuelles qui prouvent le manque de connaissance du contexte historique de la région de grands lacs d’Afrique. Ils ont été quand même courageux. Tout au début, on a suivi les activistes dans la campagne qui a secoué la capitale du Nord-Kivu, connu sous le nom de #GomaVeutDelEAU (#GomaNeedsWater). A travers cette campagne, ces activistes exigeaient que les habitants de Goma reçoivent de l’eau mais aussi d’autres services publics de base.

Alors que la plupart de politiciens du Kivu ont du mal à prendre le devant sur la scène de l’échiquier politique nationale, ces jeunes du Kivu ont été parmi les premiers à adopter une approche non-violente de demander la transparence et la redevabilité de nos dirigeants politiques. Ils se sont enfin créé un grand espace au sein de la société que ça soit en RDC ou dans le monde. Ils ont joué leur rôle pendant de multiples tractations et démonstrations exigeant la démocratie et/ou la transparence du processus électoral en RDC. Ils (elles) ont défié quand même le régime de Joseph Kabila pendant que les politiques jouaient aux manœuvres de retarder les élections.

Les activistes de la LUCHA ont pu prendre position sur les élections de 2019 ; mais aussi, ils ont pu défier le régime de Tshisekedi en rapport avec ses stratégies militaires pour endiguer la violence dans la partie Est du Congo. La LUCHA s’est distingué dans le débat autour de la situation de l’Etat de Siege au Nord-Kivu et en Ituri. Ces activistes restent intransigeants vis-à-vis du dernier carnage qui s’est battu sur la ville Goma en date du 30 Aout 2023. Toutefois, il y a des questions sur certaines de leurs positions notamment en rapport avec le retrait de la MONUSCO et la force régionale de la Communauté Est-Africaine.

Tendance qui se politise face à la MONUSCO/EACRF ?

Au travers les jeunes de Goma et la LUCHA, on a globalement réalisé que la lutte non-violente peut faire basculer les choses dans un contexte caractérisé par l’égocentrisme des hommes/femmes politiques. Dans cette réflexion, il est question de revenir sur la position de la LUCHA vis-à-vis la MONUSCO et/ou la Force Régionale de la Communauté Est-Africaine (East a Community Regional Force : EACRF).

La question de la MONUSCO et celle de la EACRF ne cesse de chauffer les esprits au point ces deux forces pourront être prises comme « bouc émissaire » des failles de gouvernance au sein des institutions Congolaises, notamment les forces de défense et de sécurité. Les activistes de la LUCHA ont en date du 03/09/2023 rencontré la délégation gouvernementale composée des Vice-Premiers Ministres de l’Intérieur et celui de la Défense Nationale en visite officielle à Goma pour s’enquérir de la question du carnage qui s’est abattu sur cette ville lors de la manifestions du 30/08/2023.

Dans leur récente communication sur cette rencontre avec les Vice-Premiers Ministres, les activistes de la LUCHA ont encore une fois demandé et exigée que la MONUSCO programme son départ mais aussi et surtout celui de la EACRF. Depuis 2021, la LUCHA a organisé de manifestations pour exiger que la MONUSCO soit efficace et ces protestations ont fini par exiger leur départ du territoire Congolais à cause de leur inefficacité.  Certaines de ces manifestations ont de dégâts innombrables en termes de vies fauchées ainsi que de dégâts matériels et collatéraux.  Les activistes peuvent comprendre certaines explications mais pas tolérer la présence de la EACRF, la force dont ils accusent (à tort ou à raison) de travailler en mèche avec le M23/Rwanda. Cette demande s’accompagne souvent du souci de voir réaliser la reforme des forces de défense et de sécurité de la RDC (une bonne chose).

Il est vrai que la MONUSCO a déjà fait de décennies en RDC sans que la paix soit rétablie surtout à l’Est du Congo et au Nord Kivu. Il se peut que la mission de l’EACRF ne fût pas de combattre le M23 comme le souhaiteraient les activistes mais plutôt de travailler pour la stabilisation de cette région Est du Congo en proie aux multiples formes de violence et des groupes armés. Sans faire ‘l’avocat du diable’, il est si invraisemblable de considérer que la cause de l’inefficacité et le dysfonctionnement de FARDC et de la Police Nationale Congolaise (PNC) soit une résultante directe de la présence de la MONUSCO et de l’EACRF.

La corrélation directe entre MONUSCO/EACRF et les défaillances au sein de FARDC est difficile à établir au point qu’il est facile d’interpréter cette exigence comme une exigence politiquement entretenue. Aux activistes de la LUCHA de nous éduquer. Il serait extrêmement important que la LUCHA reste un mouvement qui inspirera les jeunes indépendamment de leurs couleurs politiques.

La Rédaction

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PhD & Visiting researcher @POLISatLeeds. Interest: Microeconomic Analysis of Violent Conflict, Genocide Studies and violence targeting minority groups. Congolese, blogger advocating for Equitable Redistribution of Ressources & national wealth as well as & #Justice4All #DRC. On top of that, I'm proud of being a "villageois"

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