« Épurer» les « infiltrées » Banyamulenge/Tutsi au sein des FARDC?

Lt Gen Christian Tshiwewe, Chef EMG FARDC

Pour éliminer un groupe ethnique, les techniques génocidaires ont mis en place de stratégies qui déshumanisent et diabolisent collectivement ce groupe. En plus de ce que les membres de la communauté Banyamulenge vivent actuellement, il y a des signaux qui indiquent que l’armée Congolaise, FARDC se veut être « purifiée » en éliminant les « infiltrés ».

  1. Qui sont ces Infiltrées ?

De jeunes officiers et militaires Banyamulenge se sont donnés corps et âmes quand ils s’opposaient à l’influence de l’Armée Patriotique Rwandaise (aujourd’hui Rwanda Defense Force=RDF) dans les affaires de la République Démocratique du Congo (RDC). La raison principale n’était pas celle de se faire « accepter ou se faire intégrer » au sein de la société Congolaise ; plutôt, cela entre dans la ligne de défendre leurs droits comme de Congolais. L’une de raisons était qu’ils se sentaient beaucoup plus agacés du fait que les officiers RDF les croyaient probablement moins Congolais par rapport aux autres. Résultant de plusieurs successions d’événements, les premiers tirs se sont fait entendre à Rutigita, un des villages de Minembwe en date du 18 Février 2002 (il y a alors 22 ans). En 2002, cette guerre désastreuse dura autour de 7 mois, après qu’elle est largement combattu par la RDF contre ces officiers et militaires Banyamulenge.

Des indices de suspicions et divergences entre ces officiers militaires vis-à-vis la RDF se sont timidement exprimées tout au début de la campagne Laurent Desiré Kabila, pendant la rébellion de l’Alliance des Forces Démocratiques de Libération du Congo/Zaïre (AFDL). La naissance du Rassemblement Congolais pour la Démocratie (RCD) n’a pas été approuvé par la plupart de ces officiers ; et certains se sont farouchement opposés à ce mouvement rebelle dans la partie sud du Sud Kivu. A la suite de ces divergences-suspicions, certains officiers avaient d’ailleurs choisi de rejoindre le Mouvement de Libération du Congo (MLC) et d’autres groupes rebelles comme alternative au RDC-Goma (invite les lecteurs à lire l’ouvrage « L’espoir au-delà de mes larmes »).

Cette situation de manque de confiance resta en quelque sorte timide jusqu’en 2002. Dns un premier temps, la guerre de 2002 à Minembwe opposa les militaires du RCD-Goma contre ces officiers et militaires Banyamulenge (sous le commandement Masunzu Patrick et autres). Les militaires du RCD-Goma avaient aussi pour commandant, un officier membre de la communauté Banyamulenge, commandant Jules Mutebutsi (RIP). La guerre s’annonçait comme un drame qui, dans un premier temps, opposait principalement les militaires et officiers Banyamulenge ; et les notables locaux ont en vain essayer de l’éviter. Devant un petit groupe d’officiers et militaires, les unités RDC-Goma se trouvèrent en difficultés et leur défaite fera qu’autour (selon certaines sources) de 6000 militaires RDF (APR en ce temps-là) soient engagés dans une guerre sans merci.

La guerre qui a presque tout ravagé, de personnes ont été tuées, leurs biens emportés mais aussi de villages vidés de leurs habitats. Elle prit fin quand les unités RDF/APR aient été sommé de quitter les Hauts Plateaux d’Uvira-Fizi-Mwenga, le 27 septembre 2002. Des lors, les militaires Banyamulenge avaient largement pris distance vis-à-vis de ces groupes rebelles (dits) soutenus par Kigali. Il y a eu aussi un grand nombre de militaires Tutsi-Hutu Congolais du Nord-Kivu qui carrément decide de rester « loyaux » à l’Armée Congolaise, FARDC. On en a compté un seul officier militaire au sein du CNDP de Laurent Nkunda et aucun au sein du M23 (2012-13). En 2012-2013, des officiers et militaires ont d’ailleurs constitué la force qui a combattu le M23. Des officiers FARDC y-compris ceux Banyamulenge ont quitté les FARDC (en petit nombre) pour rejoindre le M23 (actuel). Ce poste répond à la question de savoir ce qui a changé entre 2013 et 2021 pour que certains rejoignent alors le M23.

2. Situation actuelle de militaires Banyamulenge/Tutsi

Dans un seul mot, la situation de ces militaires et officiers est extrêmement préoccupante.

2.1 Traitement dégradant et emprisonnement

Alors qu’ils ont presque tout donné pour le Congo, ils sont simplement perçus comme des « infiltrés » au sein de FARDC. Au sein de la société Congolaise même au sein de FARDC, on a des personnes et Généraux militaires qui croient qu’ils sont mercenaires recrutés par le Président Kabila pour affaiblir le Congo. C’est à eux qu’on reproche tout ce qui n’a pas marché pour former une armée Républicaine. C’est à eux qu’on accuse toutes les malversations financières qui se font au sein de FARDC alors que personne d’entre eux n’a occupé les fonctions du Chef d’Etat Major Général ou même celui Chef de la Maison Militaire du Chef de l’Etat. Aucun parmi eux n’a occupé ni le poste du chef de renseignement militaire (DEMIAP) ni moins celui de l’Agence Nationale de Renseignement (ANR). Croyez-moi, personne d’entre eux n’a le droit comme tout autre Congolais de faire partie de la Garde Républicaine ; une raison simple, personne ne peut leur faire confiance. Comme l’a souligné le Président Tshisekedi, pendant la campagne électorale, quand ils évoquent des infiltrés auxquels il faisait allusion sont identifiables par facies ou appartenance ethnique.

Mais plutôt, ces officiers Banyamulenge et Tutsi en particulier se font emprisonnés pour de raisons moins claires. La DEMIAP/ANR les soupçonnent de mèche avec l’ennemi. Il suffit qu’on retrouve un numéro de téléphone d’un frère vivant au Rwanda pour que cela lui vaille la prison de Ndolo. Imaginez-vous combien de personnes de Bukavu ou Goma ont de numéros téléphoniques de leurs amis ou frères vivant au Rwanda. La plupart ne sont pas inquiétés alors qu’ils y font de business au Rwanda. La DEMIAP/ANR ne trouve que les seuls coupables, Banyamulenge et Tutsi par leurs facies. Ils sont emprisonnés car une audio WhatsApp qui dit de n’importe quoi est tombé dans son appareil. Ils font la prison car un de ses amis ou frères a rejoint Twirwaneho alors ceux qui ont de amis et familiers au sein de MaiMai Yakutumba ou Guidon n’ont rien à répondre à la DEMIAP/ANR. Et le plus choquant, certains vivent dans de conditions inhumaines (entre la mort et la vie) alors qu’on ne permet pas aux avocats et membres de familles de les visiter. Inacceptable

2.2 Humiliés même sur la ligne de front contre les rebelles

Cette forme d’exclusion et ce traitement dégradant se font sur plusieurs fronts stratégiques. Ceux qui ne sont emprisonnés, sont demis de leurs fonctions et directement emmenés à Kinshasa. Ils sont ensuite abandonnés, discriminés et privés de droits de liberté. Il arrive que plusieurs officiers soient rappelés à Kinshasa, pour de raisons de consultations, et enfin on retient un ou deux, leur appartenance ethnique est déterminante, être Banyamulenge. Pour la plupart de cas, ces consultations sont liées aux défaillances de commandement militaire et surtout sur la ligne de front contre les groupes armés.

Ceux qui sont sur la ligne de front contre les rebelles y-compris le M23 sont maltraités, exposés aux agissements de combattants-miliciens Wazalendo.  Les Wazalendo peuvent aisément tirer sur eux. Ils peuvent sans rien craindre décider que ces officiers Banyamulenge-Tutsi soient emprisonnés et les relâcher quand ils veulent. Ils sont humiliés au sein de leurs unités au point que cela arrive aux commandants bataillons ou ceux de compagnies. Imaginez un commandant Bataillon ou celui de la compagnie qui se fait arrêter, emprisonner par les Wazalendo comment pourra-t-il encore donner un ordre a ses militaires. Au sein de la chaine FARDC-DEMIAP, on en compte deux ou trois officiers qui sont déployé au niveau de régiments quelque part dans les fins fonds du Congo. Je crois que cela explique largement pourquoi leurs dossiers au sein de la DEMIAP peuvent pourrir dans les tiroirs.

2.3 Surveillés comme s’ils étaient de criminels

Quand ces officiers sont demis de leurs fonctions, ils restent surveillés comme s’ils étaient de criminels par naissance. Pour ceux du Sud-Kivu, ce calvaire commença depuis 2019 quand leurs familiers, parents étaient exposés aux tueries de MaiMai et Biloze Bishambuke ainsi que les rebelles Burundais Red-Tabara. Quand les uns d’entre eux combattent avec courage les ADF dans les forêts de Beni, Ituri, les villages et les bétails Banyamulenge se faisaient détruire par la coalition MaiMai, Bishambuke et Red-Tabara. Pour de raisons qu’il faudra chercher à comprendre, ces officiers Banyamulenge sont mis sous surveillance et ceci n’avait rien à faire avec le M23.

Pendant ce temps qu’on détruisait presque tout au Sud-Kivu et les services de renseignement surveillaient des officiers sur base de leur appartenance ethnique, la question n’était pas qu’ils avaient eu un quelconque lien avec le Rwanda. Les Présidents Tshisekedi et Kagame s’appelaient « frères ». J’ai appris avec stupéfaction que des officiers Banyamulenge ont été interdits de quitter Goma pdt l’éruption volcanique. Ils ont été retirés de bateaux alors que de milliers de personnes fuyaient vers Bukavu. Des officiers qui avaient de familles à Bukavu ont été interdit de voyager des années sans aucune justification aucune. Ceux qui ont perdu des familiers n’ont pas été autorisé de se rendre aux deuils. Ils n’attendaient que leur sort soit serré et se retrouver dans les murs de la prison de Ndolo ou Makala.

La situation des militaires Banyamulenge/Tutsi rappelle les événements de 1996, 1998. Alors que beaucoup n’y étaient ni de loin ni de près avec les rebellions, les événements malheureux de 1996, 1998, 2004 ont fait que des milliers d’officiers et militaires ont été massacrés car leur appartenance ethnique est confondue aux sentiments de traitrise. Pour preuve, des officiers se sont fait lyncher, lapider, bruler vifs pour ensuite être mangés par leur tueurs.

2.4 Lynchage du Major Kaminzobe & Lieutenant Kabongo

En date du 09 Décembre 2021, le Major Joseph Kaminzobe fut lâchement lynché par des groupes qui se disent Wazalendo dans la localité de Lweba, territore de Fizi au Sud Kivu. Le Major Kaminzobe était avec un nombre suffisant de militaires FARDC qui n’ont pas pu intervenir quand la foule le faisait sortir dans le véhicule ou ils étaient tous ensemble. Les unités FARDC et celles de la Police Nationale Congolaise (PNC) qui étaient stationnés à Lweba n’ont rien fait pour sauver sa vie alors que le crime s’est commis dans une courte distance de leurs positions. Le Major a été humilié, lynché et les parties de son corps mangé par les tueurs.

Sa présence dérangeait au point que son lynchage était prémédité avec la complicité de ses compagnons d’armes, des sources ont mentionné. Les éléments en compagnie du Major Kaminzobe a continué sa route de Lweba vers Uvira, dans la quiétude. Le major Kaminzobe était l’élément gênant dans ce complot contre sa communauté ; et d’ailleurs de sources locales ont fait allusion d’“un éclaireur, agent de l’Etat, sur la moto…” Qui a suivi l’ambulance jusqu’au lynchage du Major Kaminzobe.

Père de famille, il avait fait au moins 25 années dans ce service de l’armée. En 2002, le Major Kaminzobe fut parmi les premiers jeunes officiers à s’opposer à l’influence de l’armée Rwandaise (RDF) au Congo. Ses positions personnelles vis-à-vis de RDF ne l’ont pas sauvé. En plus de son appartenance ethnique, il avait été témoin de la destruction de Minembwe et Bibogobogo ; mais surtout, il était au courant de la responsabilité de ses chefs hiérarchiques dans la destruction des Hauts Plateaux de Fizi-Mwenga-Uvira.

Le Lieutenant Gisore Kabongo a été lynché, brule vif à Goma, en date du 09/11/2023. Les éléments en provenance du lieu du crime indiquent que le lynchage était prémédité. Juste avant qu’il soit lynché, a été interpellé par un policier de la PNC qui cria sur lui comme quoi il était l’ennemi. Pendant ce moment du drame, un autre officier FARDC lui abandonne dans les mains de ses tueurs sans aucune intervention ni avoir le courage d’appeler pour l’intervention. Des personnes ont crié en Swahili, « musimuuwe ni Kabongo, papa fulani… », pour dire, ne le tuez pas, c’est Kabongo, papa de tel (ses enfants). Au contraire, la foule continua à lui jeter des pierres ont jusqu’au dernier souffle. Il aurait être mangé car ses tueurs ont prouvé cette intention.

Son seul “crime” était largement appartenance à la communauté Banyamulenge. Gisore n’était pas un intru dans la ville de Goma car il y vivait (Ndosho) depuis 2013. Alors qu’il était officier au sein de FARDC, le Lieutenant Gisore a perdu son bras quand il combattait contre le CNDP et par après le M23. Vivant à Goma, s’il l’avait voulu, il aurait rejoint le M23 facilement. Faire la rébellion n’était pas son choix, mais plus faire partie du M23 dont ses tenants et aboutissants lui semblaient être inconnus. Il était Père de 8 enfants et les tueurs décidèrent simplement de lui ôter la vie et de rendre tous ses enfants des orphelin(e)s

2.5 Lynchage d’Octave Lumoo

En date du 1er octobre 2023, Christian Octave Lumoo est lynché en plein Goma. Il est originaire de Kisangani, Province orientale et n’avait rien de relations familiales avec le Banyamulenge ou le Tutsi qu’on veut en finir avec. Son seul péché est son faciès. Il est lapidé sans assistance au point que le corps du défunt est méconnaissable. En plein Goma, personne n’a eu le courage de sauver sa vie jusqu’à ce que la Croix Rouge vienne récupérer son corps sans vie.

Les tueurs finirent par réaliser que Lumoo n’appartient pas à la catégorie des personnes qu’il faut lyncher. C’est dans ce climat de remord que les informations ont circulé pour atteindre la famille Lumoo. S’il était de ceux-là qu’on veut lyncher, peut-être que l’information de son lynchage aurait resté un secret.

Christian Octave Lumoo était âgé de 33 ans. Christian Octave & son épouse devait fêter leur premier anniversaire de leur mariage le 30.10.2023. Sa femme a mis au monde cinq jours après ce lynchage. Comme tous les autres cas de lynchage, les médias locaux et nationaux parlé timidement.

Conclusion

J’ai cru qu’il est tps de dénoncer ces traitements discriminatoires qui visent un groupe sur base de leur affiliation technique. Une hypothèse plausible est que les tenants du pouvoir actuel veulent “épurer” les FARDC de ceux qu’ils croient être le mal Congolais. C’est-à-dire, éliminer tout “infiltré”, les pousser vers la porte de sortie et els applaudirait s’ils rejoignent le M23 car cela apporte une preuve qu’ils ne sont pas loyaux à la République.

Devant ces manœuvres―manigances qui poussent ces officiers Banyamulenge/Tutsi à la porte de sortie, j’ai cru qu’il est temps de résister, de prouver la loyauté envers le Congo, de défier ces comploteurs qui veulent justifier qu’ils ont la double allégeance pour qu’ils justifient leur plan d’éliminer tout le monde, civils et militaires.

Le mal est profond au point qu’il faut en parler. Rappelons-nous que quand les habitants de Goma ne veulent plus la MONUSCO, ils s’attaquent les civils Banyamulenge et Tutsi. Quand les habitants de Goma s’insurgent contre la Force Régionale de la Communauté Est africaine, ils détruisent les églises fréquentées par Banyamulenge.

La Redaction

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PhD & Visiting researcher @POLISatLeeds. Interest: Microeconomic Analysis of Violent Conflict, Genocide Studies and violence targeting minority groups. Congolese, blogger advocating for Equitable Redistribution of Ressources & national wealth as well as & #Justice4All #DRC. On top of that, I'm proud of being a "villageois"

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