Samy Badibanga Ntita: Premier Ministre « Kinois-Kasaien » au Commande du Gouvernement « Confédéral’?

Samy Badibanga Ntita est le Premier Ministre qui a été nommé en remplacement de l’homme du Maniema, Augustin Matata Ponyo Mapon. Sa nomination s’inscrit dans l’application de l’accord politique résultant des assises de la Cité de l’Union Africaine, sous la facilitation d’Edem Kodjo. Cet accord prévoyait que, pour de raisons de confiance en rapport avec l’actuelle crise politico-électorale, le chef du gouvernement soit issu de l’opposition signataire dudit accord. Ce gouvernement tend à se dénommer comme « de large union nationale », concept qui s’apparente soit au nombre important de postes ministériels ou à la représentativité régionale ou communautaire. Le realpolitik trouve une justification derrière la notion représentativité qui s’appelle l’équilibre régionale pour justifier le clivage ou politisation ethnique.

Alors que ce nouveau premier ministre était membre de la chambre basse du parlement depuis 2011, sa nomination a suscité plusieurs réactions le décrivant de fois comme « Kinois » ou comme « Kasaien ». Ces réactions, quelque fois venant des hommes/femmes politiques, prouvent combien ce pays connait une fissure entre le rôle politique et l’appartenance à l’Etat Congolais. D’une manière, ces réactions précipitées peuvent paraitre comme mobilisatrices ou politiciennes sans que les politiques n’en saisissent pas ses effets négatifs sur la cohésion nationale. La question principale est de savoir si le Chef de l’Exécutif National doit toujours être perçu comme appartenant à une province ou l’espace linguistique ? Ceux-là qui ne fêtent pas ne seront-ils pas considérés comme d’indifférents/aigris au point qu’ils ne seront bien servis pas cette nouvelle équipe gouvernementale?

Il me parait incertain que la nomination de Samy Badibanga pourra largement contribuer à souder le peuple qui, pendant de décennies, fait face à l’indifférence de la classe dirigeante. Je reste persuadé que la cohésion nationale n’ait jamais fait l’objet d’un décret qui donne la chance à certains acteurs de contrôler les entreprises publiques. La cohésion trouve son origine plutôt dans la nécessite que le peuple en général trouve dans l’importance d’appartenir à un espace territorial et que cet intérêt peut se palper à titre individuel. Il s’agit simplement de l’intérêt de partager avec son voisin cet espace public qui renforcer la manière de subvenir aux défis pressants que nous connaissons tous du jour au jour. C’est cette possibilité que nous offre le pouvoir public de mieux gérer et redistribuer les ressources dont partageons tous sans qu’il y ait de privilégiés ou d’abandonnés totalement.

Samy Badibanga sera-t-il à mesure de relever ces défis ? Pour partiellement juger les attentes des uns et des autres, je vous partager certaines de réactions relayées dans les medias sociaux.
Certains vous direz que le Premier Ministre est née et grandi à Kinshasa. Donc, « aza mwana Kin », déconnecté de la réalité du village et milieux ruraux en général. Par conséquent, les habitants de Kinshasa doivent se sentir à l’aise car un de leurs a été élevé à ces responsabilités. La majorité de Kinois est-elle vraiment préoccupée de la nomination d’un natif de la Capitale ou ces jeunes et mamans ont besoin de l’emploi décent? Au Maniema, on nous signale un calme étonnant car, dirai-je, la province aurait souhaité que ce premier Prémier Ministre, Matata, originaire de cette province aurait dû rester éternellement aux commandes de la Troïka. Le Sud-Kivu, des communautés qui attendaient l’un ou l’autre de ces trois candidats potentiels se sentiraient déçus car ils croyaient que le poste du Chef du Gouvernement leurs reviendrait. De surcroit, un interlocuteur bien averti ne s’étonnerait pas qu’au Sud-Kivu, certaines communautés se sont retrouvées en liesse pour célébrer, non la nomination, mais plutôt la non-nomination du rival. On préférait que le Chef de l’Exécutif national soit de « loin loin »… au lieu de provenir de la communauté rivale dans la ville de Bukavu.

Se contentant du pragmatisme géopolitique et linguistique, nous avons assisté aux réactions qui avaient opposé la nomination d’un Premier Ministre venant de la partie orientale, précisément « Swahiliphone ». Ils sont alors nombreux qui se sont réjouis de la nomination d’un ressortissant du Kasaï alors qu’ils auraient préféré quelqu’un de l’Ouest. Ils sont indifférents au premier niveau, mais préfèrent ne pas se retrouver encore devant Muswahili. La question est-elle que les Swahiliphones ont envahi tout l’espace politique ou ils veulent occuper un poste en esprit de vengeance ? Dans l’instant de la nomination, une multitude de Wewa (motards) a envahi les rues car un Kasaïen est nommé à la tête de l’Exécutif National. La Télévision nationale trouve une occasion de montrer les images de politiciens et cadres d’état se retrouvant pour célébrer une nomination de la personne dont il partage moins l’idéologie politique, mais plutôt les affinités linguistiques ; ça s’appelle #CongoPolitics.

J’essaie de représenter la position des habitants de l’Ituri, Kwilu, Bas/Haut-Ueles pour ne cite que celles-là, par rapport à cette nomination. Il me semble que la plupart n’ont même pas eu l’écho de ce changement au sein de l’exécutif national. Les plus informés car peuvent accéder à l’information au travers les postes radios afficheraient l’image d’indécis ou indifférents. Dans les coins reculés de ce pays, l’information prendra le temps que ça prendra pour que l’un de leurs soit nommé au poste ministériel afin de s’enquérir de la situation qui prévaut à Kinshasa. Si cette opportunité ne leur arrive pas, ils continueront à se faufiler dans ces huttes au village avec une multitude de questions sans réponses. Le lecteur bien intéressé en déduirait que dans Nord-Ubangi, le haut-Lomami, les villages d’Itombwe, dans le Sankuru, le peuple ordinaire aurait besoin d’accéder à l’électricité pour savoir qu’un premier ministre existe. Nos enfants à l’école sont inquiets des conditions dans lesquelles sont construites leurs écoles, l’existence d’un centre de santé viable et la mise en place d’infrastructures de transport qui achemineraient ces équipements et matériaux la place de ces mobilisations aux TV.

Croyez-vous que le climat de liesse chez uns ou de mécontentement chez les autres dans différents milieux politiques est vidé de sens ? NON ! C’est peut-être parce que vous n’avez pas encore visité nos cabinets ministériels. C’est ici que toute la vie est concentrée ; et votre chance d’y arriver ne dépend que de l’affinité dont vous partagez avec le chef nommé. Dans l’entourage de ces hommes/femmes dits d’Etats, l’ensemble de collaborateurs viennent en premier lieu au sein de leurs familles biologiques. Ensuite viendront les membres du groupe ethnique, les collègues ainsi que les proches au sein des partis politiques. Les filles, beau-fils, nièces, neveux aux belles-filles servent comme de chefs de mission, conseillers stratégiques, secrétaires particuliers, conseillers financiers… aux ministres.

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Président Joseph Kabila saluant son futur premier Ministre lors du discours de l’état de la Nation

Ne vous étonnez pas que ces cabinets deviennent d’espaces où les plus écoutés seraient les proches dans le sens sociologique. De ce fait, sa sortie-démission au poste du ministre affecte une multitude de familiers qui sont obligés de céder une place aux groupes entrants ayant presque les mêmes similarités. Les entrants ont raison de se réjouir s’ils peuvent espérer trouver une place ; mais aussi, le bon sens oblige de tolérer le mécontentement une fois qu’ils ratent cette opportunité en sortant ou simplement si quelqu’un d’autre est nommé au poste qu’ils attendaient. Il s’agit d’une réaction normale—naturelle car tendant à préserver ou à aspirer à un environnement propice pour la survie ; pour ne pas dire que c’est une ouverture vers l’enrichissement.

Revenant à ces réactions, il est possible d’affirmer que les ministres attendus dans le gouvernement Samy Badibanga ne serviront qu’aux intérêts « confédéraux » de ces groupes ethniques qui auront la chance de décrocher un poste ministériel. Pour ce faire, nous assisterons encore une fois au cercle vicieux qui fait tourne tout un Etat autour de gâteaux qui se partagent entre individus tout en croyant résoudre les problèmes socio-économiques du peuple. Pour mieux répondre aux besoins du peuple, la RDC n’a pas besoin d’un gouvernement pléthorique. Les milliers de postes ministériels serviraient moins si l’intérêt de servir le peuple n’est pas mis au-devant, quelle que soit l’influence de ses animateurs.

Je trouve que le nouveau gouvernement, en plus de l’importance à accorder aux questions électorales (priorités appartenant aux priorités du second degré à mon avis), a besoin de mieux interpréter le discours de l’état de nation où les questions de jeunes ainsi que le social du peuple doivent constituer une priorité au premier degré comme l’a souligné le Chef de l’Etat. Le Premier Ministre, indépendamment du temps qu’il exercera ses responsabilités, a ensuite besoin de répondre aux soucis majeurs de la sécurisation de zones conflictuelles, notamment à l’Est du pays. Pour répondre efficacement à tous ces défis, on y arriverait difficilement si les failles autour de la mobilisation de recettes ne trouvent pas de solutions adéquates. Ces zones d’ombres qui font que les caisses de l’Etat se vider facilement, au profit de certains privilégiés, doivent être éclairées pour mieux répondre aux besoins de financement.
Qu’il ait d’ambitions au-delà de la primature, l’occasion n’est pas de servir ses intérêts propres pour que demain le grand Kasaï ou Kinshasa votent pour lui. Je me dis toujours que faire la différence n’attendait pas une garantie du quinquennat. La vie se construit du jour au lendemain et les mécanismes de jeter les bases pour un avenir meilleur n’attendront pas Avril 2018. Je crois fermement que le peuple ordinaire, la majorité silencieuse qui a moins de chance d’apparaitre aux écrans géants, en a assez avec la démagogie politique ainsi que ces justifications en termes de clivages sans fin. Le bloggeur se dit toujours qu’en raison de diversités socio-culturelles ainsi l’expérience du passé, on a besoin de provinces en mesure de répondre avec efficacité aux demandes pressantes du peuple. Donc, il y a une nécessite de mettre en place le système politico-administratif adapté aux réalités socio-culturelles du pays et ce dernier pourrait désengorger ces tiraillements incessants de Kinshasa ; qui finalement bloquent toute la vie. Pensez-vous autrement ?

NTANYOMA R. Delphin
Secrétaire Exécutif & Coordonnateur
Appui au Développement Intégré &
à la Gouvernance (ADIG)
Twitter : https://twitter.com/Delphino12

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PhD & Visiting researcher @POLISatLeeds. Interest: Microeconomic Analysis of Violent Conflict, Genocide Studies and violence targeting minority groups. Congolese, blogger advocating for Equitable Redistribution of Ressources & national wealth as well as & #Justice4All #DRC. On top of that, I'm proud of being a "villageois"

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