Minembwe : Aspects à prendre avec prudence

C’est vers fin décembre 2024, que des attaques/affrontements ont resurgi la région de Minembwe dans les hauts plateaux de Fizi, Mwenga. Minembwe a été le théâtre de violentes attaques contre les villages mais aussi des affrontements entre les Forces armées de la RDC (FARDC) contre le groupe d’auto-défense Twirwaneho. Alors que localement a Minembwe, Twirwaneho est considéré comme un groupe d’auto-défense constituait en majorité par des civiles qui se défendent contre les attaques menées par les groupes armés locaux et étrangers, FARDC et les médias locaux le considère comme un groupe armé et même terroriste.
Dans un communiqué signé par le Lieutenant Marc Elongo, le porte-parole de FARDC au sud Sud-Kivu a souligné que :

FARDC ont déjoué une attaque de grande envergure de la coalition Groupe armée MAKANIKA- Red Tabara contre plusieurs positions de votre armée dans l’objectif de prendre possession et le contrôle de l’aérodrome de KIZIBA à Minembwe afin de relier cette partie de la république au Rwanda pour faciliter le ravitaillement en armements, munitions et personnels dans l’objectif de mieux ouvrir un front AFC-M23 dans le Sud Kivu.

Plusieurs media de la RDC, y-compris l’Agence Congolaise de Presse, Radio Okapi (2e article Radio Okapi), Actualité cd, 7sur7, LaPrunelle…ont largement repris les propos du porte-parole de FARDC. Le ministre de la Communication, Patrick Muyaya, relaya le Vice-Ministre de la Défense a affirmé les propos du Lt Marc Elongo.
Alors que les guerres contemporaines sont engagées sur les fronts médiatiques, les FARDC ont su convaincre la majorité des Congolais sur la nécessité de mener ces attaques. Pendant cette période chaude caractérisée par des débats internes houleux, affirme que l’armée FARDC combat un groupe qui veut annexer Minembwe au Rwanda devient un sujet émouvant au point de faire oublier les débats sur la constitution.
Voici quelques aspects mentionnés dans les propos du Lt Marc Elongo qui nécessitent d’être revisités :

1. Hostilités

Bien qu’il y ait eu une courte période d’accalmie (début 2022), c’est depuis le mois de février 2019 que Minembwe connait d’attaques régulières contre des civiles. De milliers de personnes civiles ont été tuées, des centaines de villages incendiés et de centaines de milliers de vaches razziées. Toutes les localités qui jadis étaient habitées par le Banyamulenge dans les territoires de Fizi, Mwenga et Uvira ont connu le même sort tragique.
Des miliciens et groupes armés MaiMai et Biloze Bishambuke affiliees au Babembe, Banyinsu, Bafuliro et Bavira ont envahi et détruit Minembwe (presque dans sa totalité) pour contester la Commune Rurale sous prétexte que le Banyamulenge sont des étrangers. Ces groupes armés locaux ont opéré en étroite collaboration avec les rebelles Burundais, principalement le Red-Tabara avec un soutien incontournable des unités FARDC sur place.
De ce fait, Minembwe a été assiégé depuis février 2019 au point que certains villages ont été attaqué plus de 50 fois sous l’indifférence totale de FARDC.

Ce climat d’insécurité généralisée et ciblant spécifiquement des membres de la communauté Banyamulenge perçus comme étrangers a fait que plusieurs jeunes Banyamulenge rejoignent Twirwaneho et parfois Gumino. Ces deux groupes ayant d’approches qui de fois divergent, s’engagent pour défendre le Banyamulenge. Ce climat d’insécurité a prévalu à Minembwe depuis 2019 et des tensions ont toujours été palpables entre Twirwaneho et FARDC. Twirwaneho se voit légitime par le fait qu’ils se sont engagés pour protéger des civiles contre une des attaques de groupes armés mais aussi de « armée nationale ». Ce climat n’est pas forcément et entièrement lié au M23.

2. Collaboration Twirwaneho & Red-Tabara

Sauf les manipulations locales et celles des officiers et de la hiérarchie militaire FARDC, il est connu que les rebelles Burundais Red-Tabara ont étroitement et activement collaboré avec les groupes armés locaux MaiMai/Biloze Bishambuke dans les attaques contre les villages Banyamulenge et leurs bétails.
La collaboration entre MaiMai/Biloze Bishambuke a commencé depuis 2017 jusqu’en mi-2024 (si ma mémoire est bonne) quand les forces armées Burundaises ont mené des attaques contre ces rebelles en partie sud-est de Minembwe y-compris Matanganika, Kabanja, Milimba…, de localités sous contrôle de MaiMai/Bishambuke. Des forces Burundaises sur place sont bien informées de cet état de chose.

Pour rappel, Red-Tabara, Forebu et FNL (rebelles Burundais opérant au Sud-Kivu) ont été (sont) soutenus par les services de sécurité du Rwanda dans ses récentes confrontations avec le régime en place au Burundi. Kigali doit avoir appris que ces rebelles ont participé dans la destruction de Banyamulenge.
Seuls les manipulateurs qui essayent de trouver un alibi en associant Twirwaneho au Red-Tabara, il est largement difficile de croire que Twirwaneho s’est allié au Red-Tabara. Pour preuve, ces rebelles sont pourchassés par les militaires Burundais dans les forets d’Itombwe, loin de Minembwe. Alors que Twirwaneho s’est renforcé pour contraint les attaques menées par des combattants y-compris ceux de Red-Tabara, la collaboration Twirwaneho et Red-Tabara est impossible.

3. Ouverture du front AFC/M23

Il est difficile de savoir qui a tiré le premier dans ce contexte de tensions qui durent plus de 6 ans. Toutefois, affirmer que Twirwaneho visait à s’emparer de l’aérodrome de Kiziba pour faciliter le ravitaillement en armes et munitions me semble être un raccourci (alibi). Il nécessite une prudence car il n’y a pas eu d’affrontements tout autour de l’aérodrome de Minembwe. Même quand les affrontements/attaques ont eu lieu vers Kalingi (a une 15aine de Kilomètres), on nous avait déjà dit qu’il s’agissait de contrôler l’aérodrome de Minembwe.

Pour ceux qui ont compris le contexte, dans un premier et indirectement, les jeunes au sein de Twirwaneho se voyaient menacer par une main indirecte de Kigali. La relation entre Kigali et le Banyamulenge, y-compris Twirwaneho est entachée de cette expérience au point qu’il n’est pas aisé de rallier les intérêts. Ensuite, pour atteindre la piste d’atterrissage d’avions à Minembwe en provenance de Kigali ou de Bunagana, il faut traverser des larges zones occupées par les FARDC mais aussi par les unités de l’armée Burundaise. Peut-on penser à la magie d’atterrissage forcée comme celle de Kitona (1998) ? Vu le contexte socio-securitaure a Minembwe, ouvrir un front AFC-M23 dans le Sud-Kivu me semble largement invraisemblable.

4. Annexer Minembwe

Balkanisation de la RDC ainsi qu’annexer Minembwe au Rwanda a été le discours et rhétoriques que nous avons suivi depuis 2019 lors de la contestation de la Commune Rurale. En 2019, on nous avait dit que la commune rurale (superficie de moins de 10km2) était un territoire qui allait jusqu’à occuper les localités du territoire de Shabunda et Walungu. Que mInembwe était plus grand que le « Rwanda ».
Quand ce discours est repris par les FARDC, il est extrêmement dangereux.

Il vise à taire toute voix qui peut s’élever en vue d’appeler à la justice pour les victimes d’atrocités commises à Minembwe. Nous avons suivi comment l’Ambassadeur Mike Hammer (USA) avait connu d’ennuis (maudit) pour avoir visité Minembwe. Quand il visitait d’autres régions de la RDC, il était largement applaudi. Annexer Minembwe au Rwanda me rappelle toutes les manœuvres n’est qui sont utilisées pour mieux finir et éliminer un groupe. Ceci est dangereuse manipulation.

5. D’autres aspects à reconsidérer
Alors qu’il est important d’y revenir, le bilan présenté par le Lt Marc Elongo est à prendre avec prudence. Dans la communication du Lt Marc Elongo, il se revele qu’il veut museler l’indépendance des représentants de la société civile. En citant le nom de Santos Mufashi, et puis faire un lien entre ce dernier et Saint Cadet Ruvuzangoma, ça indique clairement l’intention de le faire taire en usant plusieurs moyens à la disposition de FARDC.

https://x.com/Delphino12/status/1872211938568200219

Conclusion

J’invite ceux qui suivent la situation à Minembwe d’user de la prudence en interprétant les différentes communications officielles mais surtout celles de FARDC. Les médias doivent user de leur expérience pour mieux comprendre le danger derrière les récits non-vérifiés. Aux partenaires de la RDC, les missions bilatérales et organisations multilatérales d’user de leur influence pour mettre fin au calvaire qu’a connu la population de Minembwe, qui bientôt totalisera 8 ans de tragédie qui vise à éliminer les « étrangers », Banyamulenge.

Eastern Congo Tribune team

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PhD & Visiting researcher @POLISatLeeds, proud of being a "villageois". My interest: Peace, conflict, Genocide Studies, Minority ethnic groups, DRC, African Great Lakes region. Congolese, blogger & advocate #Justice4All in #DRC.

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