
C’est depuis la fin de 2021 que les relations entre la République démocratique du Congo (RDC) et le Rwanda se sont largement détériorées à la suite d’accusations comme quoi le Rwanda soutient les rebelles du Mouvement du 23 Mars (M23). Alors que la guerre et les combats sur le terrain au Nord-Kivu font d’innombrables dégâts, y-compris le déplacement forcé de milliers de civiles Congolais, la même intensité de la guerre se déploie sur le front médiatique ».
Les médias sociaux jouant un rôle déterminant dans les campagnes (manipulations) et contre-campagnes (manipulations), cette « guerre médiatique » s’est intensifiée et plus meurtrière en 2024. Les relations entre les deux pays ont été marquées par un grand nombre des débats polémiques ayant fait même recours aux multiples comptes Twitter (X), Facebook… de fois anonymes, pour soutenir telle ou telle position dans cette guerre. Des comptes sont créés mais aussi des individus sont probablement affectés pour monitorer (suivre de près) ce que dit l’autre partie. En voici quelques exemples :
1. Soutien aux rebelles & accusations mutuelles
C’est depuis novembre 2021 que les réseaux sociaux sont devenus un champ de bataille dans le conflit qui oppose la RDC et le Rwanda et autour du M23. Ces accusations mutuelles sont relayées et débattues sur les plateformes de réseaux sociaux et alimentent la méfiance entre les populations de ces deux pays. La RDC accuse le Rwanda de soutenir le M23 alors ce dernier accuse la RDC de collaborer avec les Forces Démocratiques pour la Libération du Rwanda (FDLR) mais aussi de discriminer les communautés Tutsi― Banyamulenge. Le FDLR est un groupe rebelle opérant en RDC et dont certains combattants ont été impliqués dans le génocide contre le Tutsi au Rwanda en 1994.
Durant toute l’année 2024, les mêmes accusations mutuelles ont continué. D’un côté, la stratégie de Kinshasa repose sur les capacités communicationnelles du Ministre Patrick Muyaya, alors que Kigali s’appuie sur la diplomatie active ou l’activisme de son ministre des Affaires étrangères, Olivier Nduhungirehe. Pour les deux camps, on peut voir un grand nombre d’internautes et activistes qui constitue un arsenal important qui ne lâche pas même en période de négociations (trêve). En plus de défendre les positions diplomatiques de pays qu’ils soutiennent (défendent), la guerre sur les réseaux sociaux est conçue pour faire la pression et la manipulation d’information.
A la suite d’un grand nombre de personnes qui partagent et affirment une certaine information, le lecteur est tenté souvent de croire que c’est vrai. En 2024, une donne particulière est venue s’ajouter sur ces accusations, Kinshasa a accusé Kigali et le M23 de brouiller son système de transport aérien.
2. « A la moindre Escarmouche »
En date du 18 Décembre 2023, le Président Tshisekedi annonce en pleine campagne électorale sur Top Congo qu’il est prêt à engager une guerre contre le Rwanda mais aussi à frapper Kigali car il en avait cette capacité. Le président Tshisekedi affirme :
Et je l’ai dit, à la moindre escarmouche, des rigolos que vous avez vu s’exprimer à Nairobi, je vais réunir les deux chambres du parlement en congrès comme le recommande la constitution, et je vais leur demander l’autorisation de déclarer la guerre au Rwanda”.
Par « rigolos » qui se sont exprimés à Nairobi, le Président Tshisekedi faisait référence à Corneille Nangaa et consort qui avait fait une déclaration à Nairobi (15/12/2023) créa l’Alliance Fleuve Congo (AFC) et allié du M23. Tshisekedi qui semblait « convaincu » de ses propos ajouta :
Je le dis et je pèse bien mes mots, parce que je suis même prêt à cela. Aujourd’hui, on n’a même pas besoin d’envoyer des troupes au sol au Rwanda. De chez nous, nous pouvons atteindre Kigali.
Alors que ces propos du Président Tshisekedi date de décembre 2023, ils continuent d’alimenter les débats en ligne pour plusieurs raisons. L’entourage de Tshisekedi s’est finalement ressaisi pour afficher une attitude conciliatrice. Toutefois, ces propos sont continuellement utilisés par ses détracteurs qui veulent prouver que Tshisekedi est l’homme qui ne mesure pas souvent le danger de ses mots.
3. Transfert des anciens détenus du TPIR
Comme un tollé, le débat de transfert (supposé) de six Rwandais du Niger (Niamey) vers Kinshasa a suscité un débat polémique. C’est en septembre 2024, que de réseaux sociaux ont publié un document (dit confidentiel) et signé par le directeur de cabinet du Président Tshisekedi, Antony Nkizo sollicitant le transfert de six personnes Rwandaises qui avaient emmené à Niamey après avoir été acquitté ou purgé leurs peines au Tribunal Pénal International pour le Rwanda (TPIR). C’est fut une forme de crise diplomatique entre la RDC et le Rwanda mais aussi un débat houleux est engagé sur plusieurs plateformes de réseaux sociaux.
Selon ce document dont le ministre des Affaires Etrangères du Rwanda, Olivier Nduhungirehe a lui seul affirmé qu’il est authentique supposait un transfert en RDC de ces personnes pour qui les officiels Rwandais croient qu’ils peuvent constituer une menace pour sa sécurité. Pour ces internautes qui soutiennent la thèse du Rwanda, ce transfert confirmerait la collaboration avec les génocidaires. Aux internautes qui soutiennent la position de Kinshasa, tout est possible quand Kigali veut se « victimiser ».
Les profils de six anciens détenus indiquent qu’il s’agit de Protais Zigiranyirazo, le beau-frère de l’ancien Président Habyarimana du côté de son épouse Agathe Habyarimana, François-Xavier Nzuwonemeye (ancien commandant d’unité d’élite au sein de Forces Armées du Rwanda), Alphonse Nteziryayo, un ancien officier au sein de FAR et préfet (Gouverneur) de Butare, et André Ntageruda, ancien ministre des Transports en 1994. Ces quatre avaient rejoint Niamey après leur acquittement en appel par le TPIR. Les deux autres sont Prosper Mugiraneza, ancien ministre en 1994, et Innocent Sagahutu, un ancien officier de FAR et avaient purgé leur peine de 15 ans de prison.
4. Constant Mutamba : « Obtenir l’arrestation de Paul Kagame »
Constant Mutamba est le ministre de la Justice de la RDC. Le ministre a visité la ville de Goma, et principalement la prison de Munzenze (24 novembre 2024). Devant une foule des prisonniers, le ministre s’est engagé dans un appel à la « résistance » contre l’influence du Rwanda.
Notre pays ne sera jamais dominé par les Rwandais. Sachez bien que nous allons les arrêter et Kagame lui-même, nous allons l’arrêter également.
Alors que les discussions de Luanda entre la RDC et le Rwanda étaient en cours, les propos du ministre Constant Mutamba ont fait réagir les officiels Rwandais, y-compris le ministre des Affaires Etrangères, Olivier Nduhungirehe. Certains commentaires ont explicitement suggéré que de tels propos pourront ruiner les efforts de normalisation des relations entre les deux pays.
5. Nomination du Général Masunzu
Le Général Pacifique Masunzu est l’un d’officiers généraux FARDC connu pour son opposition contre l’ingérence du Rwanda en RDC. Il est membre de la communauté Banyamulenge. Il a été nommé commandant de la 3e Zone de Défense, couvrant les provinces suivantes : Maniema, Nord-Kivu, Sud-Kivu, Bas-Uele, Tshopo, Haut-Uele et Ituri. Depuis 2002, le General Pacifique Masunzu a occupé plusieurs fonctions au sein de FARDC dont le commandant région militaire au Kasai, Sud-Kivu, Commandant base Kamina, Adjoint à l’Inspection General de FARDC, commandant 2e Zone de Défense et maintenant à la 3e Zone.
Sa nomination fait débat au Rwanda et en RDC du fait du climat de guerre entre les deux pays mais aussi de son passé vers les années 2002 quand il s’opposa au Rassemblement Congolais pour la Démocratie et l’Armée Patriotique Rwandaise (RDF) à Minembwe. Comme commandant qui couvre le Nord-Kivu, on croit qu’il jouera un rôle dans les affrontements entre FARDC contre le M23/RDF. Sa nomination est devenue un débat houleux entre internautes Congolais et Rwandais ; mais ce débat tend à se privatiser autour de Banyamulenge. Des débats sont organisés par des internautes et officiels Rwandais avec comme intention de jouer sur les attentes de la communauté Banyamulenge qui depuis 2017 vit une forme de violence à caractère génocidaire dans les Hauts Plateaux de Fizi, Mwenga, Uvira (Sud-Kivu).
En guise de conclusion, il est important de souligner que cette confrontation qui se joue dans les media sociaux a d’effets négatifs sur les populations victimes directes de guerres et violences mais aussi en dehors des limites frontalières entre la RDC et le Rwanda. La guerre dans les médias sociaux est aussi dangereuse car la plupart de consommateurs ont difficilement connu les médias traditionnels. Nombreux tendent à accepter une histoire comme étant vraie si elle est partagée maintes fois.
L’équipe Eastern Congo Tribune
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