La Haine, Instabilité et (Auto)-destruction dans le Long-Terme/Par Alex Mvuka

La diversité dans l’unité est une richesse. Citoyens de la République Démocratique du Congo (RDC), réfléchissons en termes d’intérêts et besoins. Ne perdez pas le temps dans les prises des positions et la défense identitaires meurtrière. Avec cette approche de pensée qui accommode la diversité, le Congo sera une nation stable politiquement et prospère économiquement. Les identités funestes sont contreproductives et ne représentent rien économiquement. Et la destruction d’une communauté ne finira que par nous affaiblir tous. L’unité et la paix n’est pas seulement un choix mais aussi une nécessite pour la survie économique. La cohésion est une ressource de résilience dans un environnement où il y a l’absence de l’autorité de l’état et ses institutions.

La RDC est un cas contraire et surtout l’Est qui vit un phénomène d’autodestruction et manque de pragmatisme dans les relations entre les communautés. Les conflits inter-ethniques prennent souvent naissance à partir de la manipulation des ethnies, entités géographiques et culturelles par les politiques au niveau national et provincial. En mal de positionnement et sans programme politique de développement, les acteurs politiques ou certains leaders de la société civile exploitent cette stratégie. Et c’est devenu un produit facilement consommable par les populations locales. Alors que les victimes le sont aujourd’hui, il y aura dans l’avenir une énorme instabilité économique et sociale même pour les oppresseurs.

Par exemple, en 1998, à l’Est de la RDC, les crises politiques et conflits ethniques on conduit à la destruction de Vyura dans l’actuelle province de Tanganyika. Vyura était une zone habitée à l’époque par des Banyamulenge: Environ 12.000 Banyamulenge ont été tous chassés de ce territoire et ont regagné le Sud-Kivu d’où ils sont originaires et d’autres ont été faits refugiés dans les pays voisins (Burundi, Rwanda, et ailleurs). Leurs maisons ont été brûlées. Les hommes d’affaires Banyamulenge furent presque tous assassinés à Kalemie. Certains d’entre eux fournissaient des médicaments à la société congolaise d’élevage (OND). Aujourd’hui, Vyura est vidé de tout potentiel humain. C’est actuellement une savane presque inhabitée.

 Nous observons aujourd’hui au Sud Kivu une situation violente où des membres de certaines communautés sont prêts à exterminer les autres pour revendiquer l’autochtonie (qui a habité le territoire avant l’autre) et exclure d’autres (les Banyamulenge des hauts et moyens plateaux et les Barundi dans la plaine de Ruzizi), perçus comme « moins autochtones ». Cette situation pose un grand problème car le pouvoir de l’État ne s’impose pas pour réguler les relations sociales et restaurer son autorité sur les territoires (dites) ethniques. Les communautés qui s’autoproclament « autochtones »  s’autodétruisent d’une manière consciente ou pas en détruisant leurs voisins et les ressources et biens.

Avant la razzia systématique de 2017 à nos jours par exemple, les Banyamulenge avaient été éleveurs de bétails. Comme ils sont des administrés dans les territoires et chefferies de Babembe, Bavira, et Bafuliru, les chefs coutumiers de ces chefferies, auraient dû protéger leurs citoyens inclusivement en assurant aussi la protection de leurs biens dont les taxes pouvaient à la longue contribuer à la stabilité économique. Toutefois, ces chefs coutumiers ne font que céder aux pressions qui se fondent sur une « menace » imaginaire et mythique de « Balkanisation du pays » par les Tutsis congolais ou spécifiquement par « les Banyamulenge ». Cette conception mythique de la Balkanisation est alimentée par un ressentiment fondé sur le rejet des faciès ou morphologie que « les Banyamulenge sont des étrangers ». Une idée incompréhensible qui régresse le progrès social et économique de la région mais aussi du pays tout entier.

Depuis 2017, les groupes armés issus des communautés voisines aux banyamulenge ont détruit les hauts plateaux. Selon les membres de la société civile d’Uvira et les techniciens vétérinaires dans les hauts plateaux d’Uvira, plus de 400.000 vaches de Banyamulenge ont été razziées et vendues dans le territoire de Mwenga et ses environs. Dans une récente interaction effectuée avec un directeur d’une Organisation Internationale, (ONG) au Congo, une vache pillée était vendue à plus ou moins $1.000. Donc, dans ce cas, il y a une destruction de $400.000.000 des biens privés mais aussi des ressources congolaises. Cette somme est plus importante que le budget du « Programme d’urgence pour les 100 premiers jours », qu’avait initié le chef de l’État, Felix Antoine Tshisekedi Tshilombo, le samedi 2 mars 2019.

C’est énorme mais aussi les conséquences de cette destruction pour les victimes sont prévisibles : appauvrissement, traumatisme, incapacité de payer les études… Pour les assaillants, l’argent provenant de cette razzia a été partagé entre les membres de groupes armés et des officiers des forces armées nationales, les FARDC. De la même source, ONG locales des droits de l’homme, on apprend que, ces officiers FARDC se sont construits des maisons à Bukavu ou ailleurs alors que les citoyens dont ils avaient la mission de protéger périssent du jour au jour à cause de la pauvreté.

Comme les bois en Ituri et Walikale ou les minerais (tungstène, étain, tantale, or, cobalt) au Nord et Sud Kivu, la razzia des vaches est devenue une autre forme d’économie politique de guerres civiles au Sud Kivu.  L’instabilité continuelle dans cette région sert d’autres acteurs. Les groupes armés locaux et régionaux, les acteurs étatiques dans les domaines sécuritaires, les organisations internationales et les multinationales profitent de ces crises identitaires, la faiblesse ou l’absence des institutions gouvernementales pour une exploitation facile des ressources économiques.

Réfléchissons encore pour un intérêt collectif, cet argent provenant de cette razzia n’a pas construit les hôpitaux à Fizi ou Baraka ou Kilembwe ou Lusuku, Kicula ou Nakiliza, Lulimba, Kanguli. Ces contrées restent parmi les plus pauvres du Congo et plusieurs maladies transmissibles y sévissent de façon catastrophique.

Pensez différemment : si les administrateurs de ces milieux étaient plus rationnels, ils auraient protégé la diversité culturelle et d’expertises en élevage comme un capital social. Par exemple, l’activité économique des Banyamulenges est l’élevage des vaches. Si les chefs coutumiers pensaient aux intérêts économiquement que ces vaches généreraient, les territoires qu’ils habitent seraient des eldorados pour le reste des territoires de la province voire du pays, vu le climat propice à l’élevage des bovins et ovins. Il ya une perte pour toutes les communautés de la contrée. Elles seront dépourvues de cette manne qu’est la vache avec ses généreuses productions. La haine vouée aux Banyamulenges ne se traduira pas en argent ou en infrastructures sociales où en une fortune quelconque. Les hauts plateaux seront come Vyura. Le chefs Babembe, Bavira et Bafuliru ne devrait-ils pas rêver un Congo dans sa diversité ?

Généralement, les Congolais détruisent leurs richesses et restent des consommateurs inconscients pour les autres pays. Dans une récente étude que nous avons menés en RDC, nous avons appris que la viande de bœufs et le lait consommés à Bukavu et dans les autres villes du Sud-Kivu viennent exclusivement du Rwanda et d’Uganda. En effet, il n’y pas que ça ; l’eau, la farine de maïs, les tomates les poissons et presque tous les autres produits de première nécessité proviennent des pays voisins, pays avec lesquels les populations transfrontalières développent une haine viscérale parce qu’habités par les Tutsis.   Les Congolais sont forcés de faire l’exil et deviennent les ressources ouvrières pour les autres. Volontairement, beaucoup des Congolais quittent leur pays pour s’installer ailleurs. Faute des lendemains meilleurs il y a une fuite des cerveaux.  L’Est de la Rdc se vide de ses personnes qualifiées.

L’humanité est multiple. C’est une des sources économiques. Pour un développement durable en RDC ou le Sud Kivu spécifiquement, l’arrangement des rapports humains et cohésion pacifique doit tenir compte de cette réalité de diversité socio-culturelles comme un capital social et économique. Le principe qui base une action sur les intérêts et besoins est un facteur déterminant pour une réussite personnelle ou collective. La haine ne profite jamais économiquement, c’est plutôt une arme de régression mentale, d’autodestruction sociale et économique.

Alex Mvuka

Twitter: https://twitter.com/AlexMvuka

Alex Mvuka est doctorant en analyses de conflits à l’Université de Kent, en Grand Bretagne. Il est auteur et analyste politique de L’Afrique des Grands Lacs. Twitter: @AlexMvuka

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PhD & Visiting researcher @POLISatLeeds, proud of being a "villageois". My interest: Peace, conflict, Genocide Studies, Minority ethnic groups, DRC, African Great Lakes region. Congolese, blogger & advocate #Justice4All in #DRC.

1 Comment

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