Examen d’Etat 2016: Mes 25 Ans d’Expérience

Elèves de Collège Boboto à Kinshasa, lors d'un séminaire sur la CPI.

C’est en date du 20/06/2016 qu’a eu lieu le début de la nième session des Examens d’Etat en RDC, l’année scolaire 2015-2016. Il s’agit de la session, qui dans le temps, était considérée comme compliquée car sanctionnant la fin d’études Secondaires. Un moment où on se prépare d’entreprendre les études universitaires ; une chance à la quelle moins de jeunes auraient eu accès durant années 90. Ces années auraient été caractérisées par d’inégalités sociales persistant même ces dernières années entre les populations rurales et urbaines.

Pour cette année, selon le Ministère de l’Enseignement Primaire et Secondaire, 629.000 candidats sont prévus de prendre part à cette session. Un accroissement de 5% s’affiche par rapport à la session 2014-2015. Malheureusement, cet accroissement n’a pas bougé pour les candidates qui représentent 37% du nombre total de candidats. Il parait que le nombre de filles n’a pas avancé durant l’année scolaire en cours. L’observateur peut faire allusion à des contraintes que connaissent nos filles et qui leur contraignent de ne pas évoluer comme leurs frères. Il peut s’agir d’autres problèmes, mais le contexte nous a montré que les plus lésées sont de filles par rapport aux garçons. Ces statistiques seraient moins satisfaisantes si les données impliquées l’aspect des régions les plus reculées comparativement aux villes.

L’instabilité de l’Est du pays, particulièrement dans le Grand Nord du Nord-Kivu constitue une autre spécificité de cette année. Les élèves cette partie du territoire doivent traverser les localités de Kokola, Mayimoya, Irengeti pour aller passer les examens au centre d’IOCHA ; qui est à plus de 30 Kms de leurs localités respectives. Bien que les zones traversées soient dangereuses, dans un climat de fureur, ces enfants se battent pour que leur futur se dessine. Ils doivent aussi trouver où se faire loger dans des familles, proches ou simplement les connaissances afin qu’ils puissent passer les examens d’Etat. La finalité est qu’ils réussissent, en dépit d’incertitudes sur le financement de frais académiques qui deviennent de plus en plus exorbitants. Ce parcours moins rassurant, quittant les localités instables de Kokola, Mayimoya, Irengeti vers le centre d’Examen d’Etat est celui qui m’a fort intéressé dans cet article. Ça m’a rappelé une situation apparemment pareille qui m’est arrivée en 1991 lors de ma participation aux concours d’Examen d’Etat.

Bien que la différence entre ces deux situations soit possiblement nette, elle est similaire en quelques points. En 1991, j’étais un élève finaliste de l’Institut Wanainchi de Kagogo, les deux premiers trimestres je les ai passés à l’institut Mahuno de Tulambo. Le choix était dû au fait que la famille qui m’accueillait aux environs de Kagogo avait déménagé vers les environs de cet institut de Tulambo. J’étais alors obligé, en plus de quelques responsabilités que j’exerçais dans cette famille de la grand-mère, de prendre les cours à l’Institut de Tulambo pour marier les deux aspects de proximité et de responsabilité. Le fait était que l’institut Mahuno n’avait pas de particularités par rapport à ‘Institut Wanainchi de Kagogo.

Uvira

Les études dans le haut plateau étaient handicapées par plusieurs contraintes dont la qualification des enseignants, dits professeurs, les possibilités d’étudier la fin de la journée car nécessitant l’utilisation de la lampe à kérosène. Le manque des bibliothèques, la distance entre l’école et certains villages, les travaux ménagers/familiers qui affectaient en grande partie les filles, le manque des motivations et opportunités qui inciteraient les jeunes à entreprendre les études… constituent une multitude de contraintes aux études. Il est important aussi de rappeler que le parcours scolaire en soi, depuis les études primaires jusqu’au niveau secondaire, connaissent de cumuls de contraintes qui se répercutent inévitablement sur les résultats de la fin du cycle secondaire. Avec un ami proche à moi, on fera alors le choix de contourner certaines de ces contraintes en allant préparer nos examens à Uvira.

Pour mieux préparer cette session d’Exetat, il fallait accéder à l’électricité. Le lieu proche ayant accès au courant électrique était la cité d’Uvira. La distance qui sépare mon village et Uvira est autour de 120 Kms qu’il fallait faire à pied. Les familles d’accueil à Uvira n’avaient pas été bien informées de notre séjour qui dura au moins deux mois. Il fallait recourir aux connections sociales, aux familles ayant de parenté clanique pour séjourner dans cette cité. L’argent de poche n’était qu’une histoire secondaire à laquelle on ne pensait pas. On n’y pense pas parce qu’on en n’avait pas l’idée ; mais plutôt car l’accès aux liquidités financières exigeraient qu’on vende une vache, des chèvres à moindre échelle. Ça devenait compliquer de réaliser tous ces moyens pour entamer ce voyage. Toutefois, on a fini par décider d’y aller.

Les premiers jours étaient aussi difficiles que le lecteur ne peut l’imaginer. La période destinée à la préparation des examens doit d’abord passer par convaincre les familles qui nous accueillirent. L’une d’entre-elles n’était pas réticente comme la seconde. On finit par trouver un compromis dont on ne saura pas si les familles avaient été préparées pour nous accueillir durant des mois. Nonobstant, le courant électrique connaissait de délestage comme à l’accoutumée. On se faisait hurler par les jeunes gens dans la rue qui nous appelait de « Banyaruguru » et autres qualificatifs. Une certaine indifférence pouvait s’afficher de la part de ce qui me considérait comme villageois. Villageois ! Le qualificatif que j’ai fini par grandement admirer.

Pour moi personnellement, c’était la troisième fois que je foulais me pieds dans un centre urbain où on pouvait traverser la route en craignant la vitesse d’un véhicule. De fois, je pouvais perdre des minutes en attendant que les quelques vieilles voitures passent. Les examens d’Etat tardèrent à se passer car étions dans les années de grève d’enseignants qui accompagnant les assises de la Conférence Nationale Souveraine (CNS). La malaria ne tardant pas à se déclarer. Bien que les conditions devenaient de plus en plus compliquées, mon ami et moi étions toutefois courageux pour marquer cette différence, avoir un diplôme d’Etat. Deux mois après, nous avons décidé de rentrer au village avec la force physique qui avait régressée. Il fallait encore une fois faire ces centaines des Kms à pied. L’argent de poche avait séché. Vous vous imaginerez cette situation dans un pays riche comme la RDC. Elle est encore palpable dans plusieurs coins de ce beau pays.

Deux nuits et 3 journées pour arriver au village, la seule possibilité de se faire approvisionner en ‘eau’, lait ou fufu, passait par ces connections sociales. Les examens s’organisèrent en Août 1991, ce qui me valait le retour à Uvira pour y passer le seul Examen d’Etat que j’ai connu. En dehors de hurlements des enfants dans la rue, il nous arrivait de craindre raisonnablement l’attitude de militaires FAZ ainsi leurs services connexes. On pouvait se faire arrêter par des personnes non connues se disant être des cadres du Mouvement Populaire de la Révolution (MPR) du nom de CADER, de MOPAP etc. L’histoire est vraiment longue, mais l’impression qui m’affecta plus était la nuit qu’on passait sur le mont Gafinda. Elle était spéciale car nous plaça sur les hauteurs où vous pouvez voir la ville de Bujumbura. Par conception, Bujumbura était un centre extraordinaire qui éclatait de lumières durant toute la nuit.

Je ne savais pas que l’électricité utilisée à Bujumbura vient en grande partie du côté de la RDC. Le barrage construit sur Ruzizi est distant de Bujumbura comme l’est d’Uvira ; alors que ce dernier croupit toujours dans l’obscurité. Uvira qui est le premier centre urbain que j’ai pu connaitre, elle n’a pas largement évolué, semble-t-il. Indépendamment des eaux abondantes, les élèves de l’école secondaire d’Uvira font bizarrement face au manque du courant électrique. Nos écoles secondaires ont timidement évolué. Un centre d’Exetat a été mis en place à Minembwe pour au moins faciliter ce déplacement de plusieurs Kms. Il est important de reconnaitre les efforts louables des Organisations Non-gouvernementales dans ces réalisations.

Ces élèves qui passent la session 2015-16 dans le haut plateau d’Uvira comme dans presque tous les milieux ruraux de la RDC, ont toujours du mal à accéder à l’électricité. Un quart de siècle durant, nos enfants préparent les examens durant la journée ou sous une lampe à torche/lampe à kérosène. Les opportunités d’épanouissement sont limitées de façon que nos enfants ayant des talents sportifs se fassent submerger par ce contexte socio-économique. Il y a une nécessite de penser aux mécanismes pouvant aider les jeunes filles à évoluer au même titre que les garçons. L’instabilité socio-politique ainsi que les conflits communautaires trouvent d’ingrédients dans le manque d’opportunités pour ces jeunes qui, de fois, rejoignent les groupes armés faute d’appui. Mon expérience de 25 ans vous inspirerez de mieux penser à l’avenir de nos générations futures ? Qu’en pensez-vous ?

NTANYOMA R. Delphin

Secrétaire Exécutif & Coordonnateur

Appui au Développement Intégré &

à la Gouvernance

Twitter : https://twitter.com/Delphino12

Blog: www.edrcrdf.wordpress.com

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PhD & Visiting researcher @POLISatLeeds, proud of being a "villageois". My interest: Peace, conflict, Genocide Studies, Minority ethnic groups, DRC, African Great Lakes region. Congolese, blogger & advocate #Justice4All in #DRC.

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