Uvira va “tomber”: Quelle est la contre-vérité ?

Le Sud-Kivu est actuellement divisé en 2 provinces, l’une avec pour capitale Bukavu et l’autre Uvira comme le siège des institutions provinciales. La ville d’Uvira est située à quelques kilomètres de Bujumbura, la capitale économique du Burundi. Depuis février 2025, Uvira est devenue le centre névralgique de débat dans le conflit ― la guerre qui oppose (entre) d’une part la République Démocratique du Congo (RDC) et le Rwanda, le Rwanda et le Burundi mais aussi entre la RDC et l’Alliance Fleuve Congo (AFC/M23). Uvira est contrôlée par plusieurs « armées » dont celle du Burundi, FARDC, Wazalendo avec multiples Etats-Majors. En suivant les médias locaux, les internautes, y-compris les propagandistes, on peut croire que la ville d’Uvira aurait dû tomber il y a un, deux ou trois mois ou du moins dans les jours à venir.

Des internautes (médias), communiqués qui s’affichent comme proches de l’AFC/M23 – Forces de Défense du Rwanda (Rwanda Defense Forces – RDF évoquent souvent la prise de la ville d’Uvira comme une étape nécessaire et urgente pour freiner l’influence de Forces Nationales de Défense du Burundi (FNDB) au Sud-Kivu. Kinshasa semble communiquer dans ce sens, le Burundi y déploie des militaires et unités ce qui laisse croire que ce centre devenue La prise d’Uvira par les rebelles ouvrira, selon ces mêmes dire, une voie vers la conquête du grand Katanga, la région natale de Joseph Kabila et des Katangais qui sont peut-être frustrés par les dirigeants actuels.

La ville d’Uvira est-elle sous menace d’être prise par les rebelles de l’AFC/M23-RDF ? Ce n’est pas si facile qu’on peut l’imaginer. Pourquoi alors ce débat et à qui profite-t-il ?

  1. Rappel des faits récents   

Le 30 janvier 2025, la ville de Goma est prise par l’Alliance Fleuve Congo (AFC)/M23 soutenu par les Forces de Défense du Rwanda (Rwanda Defense Forces). Deux semaines après, le 16 février 2025, la ville de Bukavu est contrôlée par les rebelles AFC/M23 – RDF.  La Cite de Kamanyola est prise en date du 19 Février 2025. Notre analyse pensait à une rude confrontation en Plaine de la Ruzizi (voir la guerre à la porte du Sud-Kivu : https://easterncongotribune.com/2025/01/21/sud-kivu-et-burundi/).

En mars et avril, les rebelles ont essayé de pénétrer l’intérieur des Hauts Plateaux d’Uvira-Itombwe via l’axe Kaziba, mais cela n’a pas été si facile. En mars 2025, un seul groupe, autour de 200 personnes dont la majorité était des jeunes Banyamulenge qui avaient récemment rejoint l’AFC/M23 en provenance de la région de l’Afrique de l’Est. Ces jeunes qui n’avaient pas assez de choix et émus d’aller secourir leurs proches dans les Hauts Plateaux accompagnaient le Colonel Sematama qui avait pris les rênes de Twirwaneho après la mort dans les conditions qui restent floues du Colonel Michel Rukunda Makanika. Depuis lors, la guerre vers Uvira n’a pas progressé sur le terrain. Elle ne se fait que sur les réseaux sociaux.

  1. Objectif Sud-Kivu atteint ?

Depuis que Kinshasa et Kigali ou du moins, les Présidents Felix Tshisekedi et Paul Kagame ont rompu leur amitié « frères en politiques » en 2021, Kigali a résolu de recourir aux M23 avec un accord presque tacite de certains officiels Ougandais. Le divorce entre Tshisekedi et Kagame avait été largement dû au rapprochement inattendu et surprise de Kinshasa et Kampala. De 2015 en 2021, Kigali avait été en confrontation avec Gitega et Kampala. La passation des pouvoirs à Kinshasa entre Tshisekedi et Kabila ouvre une fenêtre pour Kigali qui trouva en le premier une forme d’allié et de garantie sécuritaire. Le divorce a été presque si surprenant mais le rapprochement entre Kinshasa et Kampala dérange plus.

En soutenant le M23, Kigali rencontrait des difficultés de faire avancer la cause dite de Tutsi-Banyamulenge au Nord et au Sud-Kivu. A cause de l’expérience du passé, la plupart de Banyamulenge hésitaient (ou hésitent encore) de rejoindre le M23. Deux raisons expliquent cette réticence dans les conditions extrêmement difficiles : le rôle de Kigali derrière le rebelles Burundais, Red-Tabara ainsi que le silence assourdissant qui a marqué la période pendant laquelle le Banyamulenge ont connu une destruction sans précédent depuis 2017.

A Kigali, l’ordre aurait été donné de tout faire pour qu’il y ait de figures Banyamulenge au sein de la rébellion M23 qui enfin donnera naissance à l’AFC. En contrepartie, un soutien militaire et logistique mais aussi politique a été promis. Des manœuvres et stratégies inédites ont été mis en place pour convaincre le Banyamulenge mais aussi faire taire ceux qui hésitaient (hésitent encore). L’important n’était pas qu’ils soient réellement convaincus, intégrés, engagés ou pas. Leur présence au sein de l’AFC/M23 suffisait et le coup est reussi. En ralliant le groupe d’auto-défense (armé) Twirwaneho, l’objectif ultime était de créer plus de suspicions et de confrontations militaires ouvertes entre Twirwaneho et les FNDB déployés au Sud-Kivu, précisément dans les Hauts Plateaux. Les FNDB ont opéré dans les Hauts Plateaux depuis 2020 (intensivement en 2021) mais n’avaient pas encore directement affronté les Twirwaneho. Kigali n’avait pas mieux digéré le fait que les FNDB alliées aux FARDC/MaiMai évitait une confrontation directe aux Twirwaneho.

  1. Attaque Uvira pour apaiser les attentes ?

Dans ce contexte régional tendu, la présence de l’armée Burundaise (FNDB) reste une question sécuritaire majeure pour Kigali. Pour la sécurité de Banyamulenge, la coopération et collaboration entre FNDB les FARDC – Wazalendo ne garantit pas toute personne qui connait le contexte socio-culturel de la région du Sud-Kivu et des Hauts Plateaux d’Uvira-Itombwe. Par le choix d’alliance, le contexte sécuritaire actuel prouve qu’il y a une confrontation ouvertement entre le MRDP -Twirwaneho et le FNDB, surtout autour de Minembwe.

Pour le moment, le Burundi et le Rwanda ont d’intérêts sécuritaires divergents, mais ils se parlent comme pays. La RDC et le Rwanda ont signé d’accords, le 27 juin 2025 et au même moment, la RDC et l’AFC/M23 sont en cours à Doha. Entre temps, la situation sécuritaire dans les Hauts Plateaux s’est tellement détériorée depuis le début de cette année en dépit de promesses de « libération ». Il est actuellement difficile de savoir si l’AFC/M23 est à mesure mais aussi la volonté d’avancer vers Minembwe pour « sécuriser » les civiles Banyamulenge. Des nombreuses questions persistent quant à la possibilité d’inclure objectivement les tous les contours de la question Banyamulenge à Doha. Pour apaiser les esprits qui avaient cru dans un avenir radieux (paradis terrestre), la prise d’Uvira est avancée comme une BLUFF (masque).

La « prise d’Uvira » n’apaiserait pas seulement les esprits de ce Banyamulenge qui ont fait ce choix de rejoindre la rébellion AFC/M23. Depuis 2015-16, Kigali a soutenu les rebelles Burundais, principalement le Red-Tabara qui a largement contribué à détruire le Banyamulenge. Les supporteurs de ces rebelles Burundais attendent aussi la libération. Uvira comme la dernière ligne pour accéder la ville de Bujumbura, de rumeurs et propagandes de la prise d’Uvira apaise aussi les esprits Burundais. Pour ce faire, des « propagandistes » multiplies des messages dans ce sens et dans les coulisses, certains y-croient aveuglement. Cela étant, la guerre n’a pas encore pris fin aussi longtemps la compétition militaire régionale n’a pas encore trouvé de solution.

Eastern Congo Team       

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PhD & Visiting researcher @POLISatLeeds, proud of being a "villageois". My interest: Peace, conflict, Genocide Studies, Minority ethnic groups, DRC, African Great Lakes region. Congolese, blogger & advocate #Justice4All in #DRC.

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