“Nouvelle Rébellion” au Sud-Kivu : Création de l’Actaulite.cd ou de FARDC ?

Gen Mbala Musense (credit: personnages.cd)

0Ils ont été victimes d’une « nouvelle rébellion » en date du 5-6/Juin/2004 ; 16 ans après, nous assistons à une « nouvelle rébellion » en Juin 2020 ? Ce mot « nouvelle rébellion » à l’est du Congo rappelle plusieurs tragédies qui impliquent les vagues de déplacements pour trouver l’abri, des armes qui sont tournées vers les civils ; mais aussi des armes tournées aux « compagnons de lutte ». «Nouvelle rébellion» ? il faut l’évoquer quand il y a une nécessite ; et non pas dans le souci de camoufler les manquements de la part de ceux qui devraient nous protéger contre les « rebelles ou hommes en armes».

  1. Carnage de Shabunda―Walungu en 2004

C’était en date du 05-06 Juin 2004 que des dizaines de militaires FARDC avaient été sélectivement tuées par leurs compagnons d’armes car les tueurs craignaient que leurs collègues pourraient rejoindre mystérieusement Jules Mutebutsi et Laurent Nkunda qui avaient été en confrontation armée avec les Généraux Prosper Nabiola et Félix Mbudja Mabe. Cette guerre dont il est difficile de qualifier dans cet article opposait des officiers au sein de la même armée FARDC qui étaient tous basés à Bukavu. Bukavu est distant de Shabunda d’à peu près 460 Kms ; et sans aucune route viable qui connecte ces deux “mondes”.

Shabunda était déployé par les militaires de la 2e Bridage sous commandement de Safari Kizungu, et Venant Bisogo comme adjoint. Ces militaires étaient beaucoup plus préoccupés par la stabilisation de ce territoire sous menace des groupes armés locaux et étrangers, y-compris les forces démocratiques pour la libération du Rwanda (FDLR). Pour la plupart des hommes de troupes, la situation qui prévalait entre les commandants région ne leur concernait pas. Pour les autres, ils ne savaient même pas que cette confrontation existait. Nous avons à faire à de soldats, hommes de troupes pendant une période quand les téléphones n’existaient pas encore. Les sources d’informations étaient si limitées au point qu’il était facile de savoir qui connait quoi et comment. La phonie était presque le seul moyen de communication à la disposition des commandants bataillon.

Gen Mundos et Gen Tony Mwangala à Minembwe

Toutefois, un complot d’éliminer les soldats et officiers Banyamulenge pour éviter qu’ils rejoignent Laurent Nkunda et Jules Mutebutsi se peaufiner avec toute malignité. Sans qu’il y ait d’affrontement dans le Shabunda et à Walungu, une quarantaine de militaires ont été égorgés ou fusillés par leurs « camarades » aux yeux de commandants Compagnies, Bataillons et l’Intérim du commandant Bridage Mboli Bamolona ! Les informations vérifiables affirment que ces militaires Banyamulenge et Hutu-Tutsi du Nord-Kivu se retrouvèrent devant leurs égorgeurs quand ils croyaient répondre aux ordres de la hiérarchie militaire. Obéissant aux ordres, ils répondaient chez leurs chefs compagnies ou Bataillons qui enfin décidèrent qu’ils soient fusillés ou égorgés sans aucune forme de procès. Les collègues et compagnons d’armes de ces victimes ont simplement été informés qu’il fallait tuer ces « ennemies par gènes ». Pensez-vous combien difficile serait cette tâche de nettoyer ce cerveau qui a compris qu’il y a des ennemies par leurs gènes ?

Alors que le Commandant Brigade a.i avait été sollicité pour venir en aide ces militaires largement innocents, ce carnage de Walungu―Shabunda emporta au total plus de 50 militaires sur l’axe Shabunda, Walungu, Burhale et Kavumu. La plupart de ces victimes ont été soit réveillés de leurs maisonnettes, communément appelées « nyata » espérant faire la ronde (patrouille) la nuit ou soit retirés de leurs services régaliens ! Avec toute incapacite de combattre toute une Bridage, ces militaires avaient affiché la volonté de servir sous le drapeau Congolais. Ils pouvaient difficilement échapper dans leurs unités car ils auraient eu des difficultés d’atteindre Bukavu. Shabunda vers Bukavu n’est pas similaire au contexte de Katy Freeway, Houston, TX.

Il faut deux semaines à pied pour quitter Shabunda vers Bukavu (460Kms). Un mystère miraculeux aurait pu les emmener à rejoindre Nkunda-Mutebutsi car nous ne sommes pas au Texas

Les rescapés du carnage Shabunda-Walungu prendront des jours (2 semaines) pour arriver à Bukavu ; et paradoxalement, après s’être épuisé et sans espoir, ils décidèrent de rejoindre l’armée nationale alors qu’ils avaient l’option de rejoindre Nkunda ou Mutebutsi. Des noms de victimes existent mais aussi des informations sur les commanditaires de ces tueries sont aussi connus[1]. Rien n’a encore été fait pour réhabiliter ces victimes de la barbarie qui juge les gênes pour déterminer l’ennemi de la République. Ces genres de tueries ont eu lieu en 1996 et particulièrement en 1998 ciblant ces communautés dont on croit être le malheur du Congo-Zaïre ! Quoi craindre aujourd’hui ?

  1. Nouvelle rébellion au Sud-Kivu ?

Alors que nos yeux étaient braqués sur la situation qui prévalait autour et à l’avenir de déplacés internes dans le site de Mikenke (Mikenge), actualite.cd évoque dans l’immédiat une histoire tourmente, une « nouvelle rébellion en gestation au Sud-Kivu ». A lire ici : https://actualite.cd/2020/05/29/rdc-nouvelle-rebellion-en-gestation-au-sud-kivu. En date du 28 Mai 2020, une attaque a ciblé le site de déplacés de Mikenke et cela constituait la préoccupation de plusieurs observateurs. Alors que cette attaque de Mikenge visait un site de déplacés internes et à ma grande surprise, je réalise que actualite.cd parle d’une attaque contre une base de la Monusco. A lire ici cet article qui semble faire une diversion autour de l’incident qui avait été bien planifie et dont les FARDC ainsi que la Monusco avaient tous reçu une alerte: https://actualite.cd/2020/05/28/rdc-une-base-de-la-monusco-attaquee-par-les-miliciens-au-sud-kivu-deux-casques-bleus. Je me pose la question de savoir sur quelle base actualite.cd se lance dans ce débat avec moins de précision !

5 Généraux dont Amisi Kumba Tango Four visitant Minembwe en Mars 2019. Toutes les promesses faites se sont évaporées dans l’air. AU total, il y a eu au moins 8-10 visites de ces Généraux depuis Mars 2019 au point les opérations sont conduites par un Général.

Actualite.cd nous renseigne que cette « nouvelle rébellion » est localisée dans la partie Minembwe (Triangle Bijombo, Itombwe et Minembwe) ; et s’appellerait soit « Alliance du Congo pour la Paix (ACP) ou «Dutabare―Twirwaneho» (Allons en rescousse-Défendons-nous)». Selon actualite.cd, cette rébellion « est constituée par des Banyamulenge (coalition Ngumino-Twirwaneho) associé à Ebwela, Kibukila, Anzuluni et Sikatenda… ». Elle viserait de « combattre les FARDC », et la source citée est « un haut gradé des FARDC basé à Bukavu. ». Pour tout observateur avisé, on lit des incohérences et contradictions dont on ne saurait pas déchiffrer les mobiles à ce niveau.

Comme l’article cite le haut gradé de Forces Armées de la RDC (FARDC) basé à Bukavu dans l’anonymat, il est difficile de savoir si réellement cette idée est partagée au sein de l’institution FARDC ou s’il s’agirait d’une fabrication (création) individuelle impliquant ces individus inconnus ainsi que les journalistes de l’actualite.cd ? Veut-on trouver une autre justification comme quoi un projet de la balkanisation du Congo est en cours? https://actualite.cd/2020/01/05/rdc-beni-les-fardc-evoquent-un-plan-de-balkanisation-et-des-ambitions-secessionnistes. L’armée avait voulu un autre scenario comme celui de Beni ou Ituri ?

Ma première lecture était qu’il s’agit d’une idée absurde car déconnectée de toute la réalité sur terrain et le contexte général du paysage groupes armés dans les Hauts Plateaux d’Itombwe-Bijombo-Minembwe. D’une part, les groupes dont le médias nous présente sont ceux qui se confrontent au terrain de bataille dans ce triangle. Il est à ce moment difficile de voir Ebwela Kibukila s’allier aux Gumino-Twirwaneho pour constituer une rébellion contre l’Etat Congolais et son armée. D’ailleurs, leurs déclarations récentes prouvent qu’ils ont encore à faire pour se mettre d’accord (à moins que de démarches de médiation ont déjà été entamées)! La raison de présenter Kibukila et Ebwela comme deux personnes prouve que le Media se lance dans un débat dont il ne maitrise pas bien ! Dutabare ne vient que voir le jour en Avril 2020 et nous l’apprenons de la part d’actualite.cd ? Anzuluni et Sikatenda seraient, et surtout le premier, de personnages qui tirent leur existence dans la machination de ceux-là qui veulent créer une rébellion dans cette partie du pays ! Sans ambages, je vois l’armée nationale être le premier commanditaire de cette manipulation longtemps manquée ! Une armée peut-elle vouloir qu’une rébellion ait lieu ? Pourquoi ?

  1. Contexte qui crée la « nouvelle rébellion » : Prévenons le pire

Sans répondre à la question précédente « Une armée peut-elle vouloir qu’une rébellion ait lieu » ? comprendre le contexte actuel et ses contours nous amène à réaliser l’origine de cette « rébellion » dont les bénéficiaires seraient ces personnes qui la commandite/télécommande! En premier lieu, la faillite du processus de désarment, démobilisation et réintégration (DDR) est imputable aux institutions de l’Etat Congolais ; avec l’armée au premier plan. L’établissement et la présence des groupes armés étrangers dans cette partie du pays n’est qu’un de pions de dame qu’utilise l’armée nationale pour tirer les ficelles. Tous ces groupes opérant dans la région, surtout ceux établis à partir de 2015 ne l’ont été par bénédiction des officiers supérieurs et Généraux de FARDC. Les mouvements des armées Rwandaise et Burundaise à l’intérieur de la partie sud du Sud-Kivu recourent dans l’ensemble aux brèches créés par l’armée nationale. La hiérarchie militaire est responsable des conditions de vie précaires de ces militaires, hommes de troupes et leur moral qui sapent les efforts de servir correctement les populations.

Gen Muhima et Gen Bolingo parmi ceux qui ont opéré à Minembwe. Le premier est chargé des opérations à Minembwe

La nouvelle donne dans ce contexte est la présence du Colonel Makanika Michel Rukunda. Celui-ci a fait défection au sein de FARDC depuis Janvier 2020. Ce colonel plaidait en fin 2018 pour que les groupes armés locaux déposent les armes et rejoignent les FARDC. Quelques mois plus tard, cette partie du pays est devenu un champ de bataille qui impliquent les armés de pays voisins, les groupes armés locaux et étrangers au point que de centaines de villages ont été décimées. Les villages se faisaient incendier, de milliers et de milliers de bétails razziés par les hommes en armes qui ont maintes fois exploité les corridors créés par les forces armées dites nationales. Des milliers des personnes sont sous siège de groupes armés mais aussi de l’armée nationale ! Les populations locales se sont constituées en groupes d’auto-défense en vue de survivre. Les groupes armés et même d’auto-défense reçoivent, moyennant paiement, de munitions auprès de militaires et officiers de l’armée nationale ! Tous ces manquements et complicité de l’armée nationale explique largement la constitution de groupes d’auto-défense mais aussi de la défection de ce colonel ! On craint que ce colonel soit à l’origine d’une rébellion ?

Si cette rébellion existerait (scenario improbable), elle est une conséquence directe de l’attitude de l’armée nationale qui a complétement échoué de protéger les populations civiles. Cette rébellion est improbable car tous ces groupes belligérants préfèrent un contact indirect avec les FARDC ; ce qui perpétue cette confusion et misères. Qu’elle ait lieu ou pas, je rappelle déjà que la défection du Colonel Michel Rukunda Makanika suscite une inquiétude par rapport à la surveillance de ces « ennemies par gènes naturels ». Sur base de l’expérience du passé, il est important d’interpeller les décideurs politiques nationaux et internationaux de prévenir le pire. Ceux qui craignent que l’histoire se répète, je trouve que cette inquiétude est fondée. Les maintes de fois que cela s’est répété, les discours politiques avaient trouvé de justification qu’il s’agit de contenir les rebelles ! Mon blog tient à témoin la communauté internationale et rappelle que personne ne devrait payer un coût d’une « rébellion » qui a été voulu par l’armée ! Cet état de fait imposé ne devrait plus constituer un alibi pour finaliser ce plan qui date de longtemps. « L’homme avertit en vaut deux »

NTANYOMA R. Delphin

PhD Researcher in Conflict Economics

The Institute of Social Studies/

Erasmus University Rotterdam

Twitter: https://twitter.com/Delphino12

Blog: www.easterncongotribune.com

[1]Des détails sur ce carnage, prière consulter Ntanyoma (2019), « Behind the Scenes of ‘Banyamulenge Military’: Momentum, Myth, and Extinction”, Harmattan, Paris. https://www.editions-harmattan.fr/index.asp?navig=catalogue&obj=livre&no=64123

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PhD & Visiting researcher @POLISatLeeds, proud of being a "villageois". My interest: Peace, conflict, Genocide Studies, Minority ethnic groups, DRC, African Great Lakes region. Congolese, blogger & advocate #Justice4All in #DRC.

1 Comment

  1. Bonjour Mr. Le bloguste! C’est horrible de voir une armée nation qui donne la naissance à la rebellion. Ma question reste celle-ci:

    La rebellion que vous est celle de l’autodefense civile contre l’armée nationale qui a trahie sa population?

    Pourquoi ne dites pas qu’il y a une rebellion déjas en place qui date d’années dans cette contrée et apparement qui est supportée par cette dite FARDC contre une seule communauté “BANYAMULENGE”, la quelle s’est à son tour organisée à l’autodefense pour sa survie?

    Il faut égaliment signaller que même le gouvernement central de la RDC ne veut pas qu’il y ait la paix pour la communauté BANYAMULENGE; si s’était le contraire, on devait assister à sa réaction directe contre ce plan criminel et injuste.

    Merci Beaucoup!

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  1. Guerre de Minembwe : Etat-Major Général FARDC en Phase d’Etouffer les « Voix Discordantes » ? – Eastern Congo Tribune

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