
Si l’histoire a été tronquée ; elle ouvre de fenêtres pour sa « falsification » ou sa « reconstruction ».
La région ou actuellement les territoires d’Uvira et Fizi connait d’immenses confrontations et contestations autour de l’autochtonie et premiers occupants. La référence de cette contestation est la littérature ainsi que les archives coloniales. D’une manière particulière, la reproduction et la retransmission a rendu cette partie de l’histoire un épicentre de tous les débats autour de qui est Congolais et qui ne l’est pas au Sud-Kivu. Ces débats de premiers occupants sont souvent sources de mobilisation pour l’usage de la force en vue de protéger chaque ses terres ou terres de ses ancêtres. Depuis plusieurs années, il s’agit d’une question qui reste d’actualité dans les territoires de Fizi-Uvira et en Itombwe (Mwenga).
Ce premier article-blog est le fruit d’une visite de plus de deux semaines passées au sein du Musée de Tervuren et archives coloniales se trouvant dans les enceintes du Ministère des Affaires Etrangères Belge à Bruxelles. Ma Première impression―conviction est que ces ‘dynasties fortes’ ont existé à la suite de l’influence coloniale. Devant la menace de l’expansion Allemande provenant à l’Est de l’Etat Indépendant du Congo, la frustration que causait des organisations politiques dites ‘Hamites’ ainsi que les mécanismes pratiques pour gérer ces populations dont les Belges maitrisaient moins ne donnait qu’à l’administration coloniale ne fut ce qu’une seule option : les constituer en groupements plus ou moins maniables. L’organisation en regroupements politiques façonnés aux normes qui répondaient aux attentes de l’administration coloniale paraitrait comme l’origine de ces dynasties. Mon premier témoin est Réné Loons dans son document intitulé « Etude sur le Territoire des Bafulero. Par AT R. Loons, le 3 Mars 1933).
- Ils sont tous de descendants de Kihanga ?
Ma première surprise est que les regroupements dits ‘ethniques’ aujourd’hui vivant dans Uvira auraient eu un ancêtre commun, le grand façonneur qui est Kihanga (Gihanga). Kihanga engendra son fils dit Muntu. Muntu engandra 100 filles et 100 fils dont Sekamuntu. Sekamuntu, fils de Muntu engendra 100 filles et 100 fils dont Kamuntu. Kamuntu fils Sekamuntu engandra 100 filles et 100 fils et l’histoire continue. Probablement, tout le monde devait se retrouver dans ce mythe généalogique de 100 filles et 100 fils.
Selon Loons, la première formation de ‘dynasties’ que nous connaissons actuellement se situe vers la région de la Lwindi. Les fondateurs du royaume dit Banyintu sont les Baluzi (Baluzi a une même connotation que Batutsi) et les Batwa qui accompagnaient ces premiers. Dans cette formation de la Lwindi provient le nommé Na Muka de la légende dite ‘Kangere’alias Na Lwindi. De Na Muka est sorti les dynasties et les chefs de Banyintu, Bahavu, Barundi, Bafulero, Nya Kaziba, et Na Luhinjwa. Exactement, on dirait l’ensemble de communautés ethniques de la région se regroupent autour de Na Muka. Pour confirmer que toutes ces communautés ethniques de cette région du Kivu ont de liens de parenté communs, Loons explique:
“Les Banyintu, les Bafulero et les Basi Mukindje, ont une origine commune, ainsi que les Basimwenda (de Kalenga-terrioire des warega) les Barundi, les Bahande (du Buhavu) les Banyambala (de Nya Kaziba) les Luindja (des Banya Bongo) les Bafunda (de Moganga) les Banya-Nyiginya-clan dominant du Ruanda- les Banya Njoka (du Buhavu) les Balindja (des Banya Bongo) et les Na Bashi (Kabare et Ngweshe) établie par la généalogie schématique[1] suivante” :
Ils sont tous de frères et sœurs venus d’un ancêtre commun.

- Bafulero Territoire ou Groupe Ethnique ?
En plus de cela, il faut de fois être curieux pour comprendre et apprendre. L’aspect très intéressant et surprenant dans Loons est la composition et l’occupation du Territoire de Bufulero. Premièrement, il est important de comprendre que par Bafuliro on cite un territoire (et non un groupe ethnique). Il s’agit d’un territoire regroupant les Bahamba, Barungu, Bazige et Banya-Ruanda. Ma lecture semble diverger de celui de Muchukiwa (2006 :127)[2]. Comme quoi il y avait d’autres clans. Ces sont ces 4 regroupements « politiques’ qui s’appelleraient de groupes ethniques comme on le conçoit aujourd’hui. Ces quatre regroupement, stipule Loons, étaient organisés en chefferies. Le regroupement Bahamba est celui lié au « fondateur du royaume actuel de Bafulero ». Son fondateur est Kahambalingishi (selon Loons). Les Bahamba se serait établi vers le XVIe Siècle dans l’actuel territoire de Bafulero. Son successeur est Namboko Lwame. Celui-ci serait celui qui accueillant les Bavira et les Banya-Ruanda.
Entre Kahambalingishi et Nyamogira (qui entrant en contact avec les colons), il n’y a qu’un seul chef cité dans les archives : il s’agit de Namboko Lwame (selon Loons). Kingwengwe-Mupe[3] lui apporte une autre version comme quoi Namboko Lwame est le prédécesseur de Kahambalingishi. La lecture devient compliquée car on ne sait plus qui a précédé qui ?
Peu importe les deux versions, la question que tout lecteur peut se poser est de savoir comment se fait-il que Kahambalingishi ou Namboko Lwame ait dirigé son royaume pendant deux ou trois siècles (XVI-XVIIIe siècle) ? La deuxieme est : si Kingwenge-Mupe a la vraie version, le Bavira et Banya-Ruanda (groupe Kaila ou Kayira) ont précédé la formation de la chefferie de Bahamba ? En troisieme lieu, on se poserait la question de savoir comment se fait-il que la Chefferie Bavira s’est vue renforcer au détriment de Banya-Ruanda alors qu’ils avaient été accueillis au même moment que le groupe dit Kayira ? D’éclaircissements et pistes de réflexions vous seront présentés dans les articles à venir.
NTANYOMA R. Delphin
PhD Researcher in Conflict Economics
The Institute of Social Studies/
Erasmus University Rotterdam
Twitter: https://twitter.com/Delphino12
Blog: www.easterncongotribune.com
[1] La généalogie schématique indique qu’à partir de Na Muka Mubondwe il y a eu 5 « générations » qui conduisirent aux subdivisions de Barundi, BAnyintu, Bafulero, Bahande (Bahavu), Banyambala (Nyakaziba) et Naluhinjwa.
[2] Voir la note de bas de page 273 dans Muchukiwa, B. (2006) Territoires ethniques et territoires étatiques. Pouvoirs locaux et conflits interethniques au Sud Kivu. Paris: L’Harmattan. Dans le document de Loons, on parle de chefferies et non de clans.
[3]Kingwengwe-Mupe (1982) “Immigration et intégration des Barundi et des Banyarwandas dans les Collectivités des Bafuliro et des Bavira (1850-1980) ”, Institut Supérieur Pédagogique de Bukavu, Mémoire présenté en vue de l’obtention du diplôme de Licencié, Bukavu/Zaïre (non publié)
C’est une importante contribution à la compréhension de l’histoire des peuples et des migrations dans cette zone. Manifestement, chaque groupe ethnique a son histoire et c’est de la confrontation de toutes ces histoires que devrait jaillir une vérité commune pouvant apporter la paix. Et une des sources importantes reste la source coloniale, non qu’elle reflète nécessairement la vérité,mais parcequ’elle a pu figer cette vérité dans le temps, grâce à l’écriture