
« Il faut que nous expliquions ce dossier [est de la RDC] combien de fois pour que le monde comprenne, voire vous-même qui êtes dans cette salle. Ce M23 qui combattent aujourd’hui, ne sont pas venu du Rwanda. »
En date du 09 Janvier 2025, le Président du Rwanda Paul Kagame a tenu une conférence de presse (https://www.youtube.com/live/w8FQKRF1jq4) avec les médias nationaux et étrangers. Paul Kagame s’est exprimé sur plusieurs sujets d’actualités mais aussi à la crise à l’Est de la République Démocratique du Congo (RDC). Il a été documenté que le Rwanda soutient les rebelles du M23 qui combat les forces armées de la RDC (FARDC).
Ici-bas est l’opinion d’un analyste qui a interprété le message transmis par le Président Paul Kagame pendant la conférence de presse.
I. Contexte
La conférence de presse est tenue après les affrontements dans le territoire de Masisi, surtout la prise de Masisi Centre. Par la suite, les États Unis ont condamné la présence de l’Armée rwandaise en RDC et la cessation des hostilités par le M23. Union Européenne a appelé le M23 de se retirer dans le Masisi centre alors que la France, et le Bureau de l’envoyé Spécial des Nations Unies en RDC, ont aussi condamné la recrudescence d’affrontements au Nord-Kivu.
Le Royaume Uni a condamné la prise de Masisi Centre par M23 et a rappelé que cela constitue une violation du cessez-le-feu. Le Royaume Uni a appelé la RDC et le Rwanda à revenir sur la table de négociation, le processus de Luanda. Au même moment, l’Angola qui joue le rôle de facilitateur, a également condamné la prise de Masisi centre comme violation grave d’engagements autour de ce processus de la paix.
De toutes ces condamnations, le Rwanda s’est vu pointer du doigt et, le Président Kagame devrait rassurer qu’il ait resté imperturbable. Après ces différentes condamnations et la publication du récent rapport des Experts des nations Unies, Kagame devrait s’exprimer pour balancer ces condamnations.
II. La Crise entre la RDC & le Rwanda
A la question pose par Vincent Gasana de Kigali Today sur la crise entre la RDC et le Rwanda, le Président Kagame s’est répété comme il a toujours dit. Sur cette crise, dans sa réponse le Président Kagame a insisté sur le fait que le problème à l’Est de la RDC est un problème entre Congolais. Pour la première fois, le président a évoqué un aspect nouveau par rapport à établissement des communautés communément appelés “Rwandophones”. Pour la première fois, le président Kagame a évoqué le fait que un grand nombre de ces communautés vivaient leurs terres avant les tracées de frontières de ce qu’est devenue la RDC actuel.
Pendant longtemps et dans d’autres précédentes conférences de presse, le Président avait toujours affirmé que la question est que ces communautés sont originaires du Rwanda. Pour la première fois, le Président Kagame a mis en doute la notion de la « Rwandophonie » pour affirmer que ces communautés ne sont pas originaires du Rwanda actuel. La question qu’il est important de se poser est pourquoi, il le dit aujourd’hui ? Et c’est peut-être par ce que ce prétexte de la Rwandophonie ne tient plus debout, que la géopolitique et géostratégique régionales évoluent très vite ?
II.1. Les Occidentaux, donneurs de leçons.
Sur cette même question qui a pris autour de 40 minutes (pour une conférence qui a durée 2 et demie y-compris les pauses), le président Kagame a également précisé que la question de l’Est du Congo sont de problèmes qui tirent leur source lointaine (root causes) dans l’histoire coloniale. Dans ce propos, le Président Kagame est revenu sur la problématique des frontières fabriquées par les colons, qui au même moment se font des donneurs des leçons tout en couvrant (coverup) ceux qui ont fait le génocide au Rwanda en 1994. Paul Kagame, ici ne manche pas ses mots et dit que faiseurs des frontières jouent le double-jeu au lieu d’assumer leur responsabilité, mais ils viennent aujourd’hui en donneurs de leçons. Pour Kagame, ces « donneurs de leçons » se contredisent et oublient la présence du fameux FDRL qui sont actuellement incorporés dans les FARDC. Selon le Président Kagame, ces FDLR doivent être démantelés par le gouvernement congolais.
II.2. Uganda doit être citer
Dans le même ordre d’idée, le Président Paul Kagame, dans sa réponse semble orienté sa réponse à ces pays puissants qui condamnent le Rwanda de vouloir soutenir M23 mais oublie le rôle de l’Uganda, peut-on lire. Le Président Kagame a précisé que ceux qui combattent aujourd’hui en RD Congo ne sont pas venus du Rwanda. « Il faut que je vous fasse cette précision, ils [M23] sont congolais, mais le groupe qui a commencé cette guerre n’est pas venu du Rwanda, c’est connu que ces combattants sont venus de l’Uganda. » Les officiels Rwandais ont cité à maintes reprises que les combattants du M23 sont venus de l’Uganda et ceux qui étaient au Rwanda ont été désarmés.
Si ma mémoire est bonne, c’est la première fois que le Président Kagame a pris assez de temps pour expliquer la question du M23 mais aussi de citer nommément le rôle de l’Uganda. Dans mon entendement, il se peut que le Rwanda et le Président Kagame soient frustrés du fait l’Uganda semble être épargné autour d’accusations de soutien au M23. On peut se demander s’il veut que cette responsabilité (condamnation de ces pays) soit partagée entre les autres pays voisins.
Tout en insistant, le Président Paul Kagame s’est appesanti et a voulu convaincre ceux qui l’écoutait dans la salle :« vous voulez que je vous l’explique combien de fois, vous êtes dans cette salle et le monde comprenne. Ce M23 qui combattent aujourd’hui, ne sont pas venu du Rwanda ».
II.3. Fatigue ou Déception ?
Le Président Kagame insiste que le M23 ont de réclamations et leurs problèmes ne sont rwandais. C’est un dossier Congolo-Congolais. Il a rappelé la problématique de la nationalité Congolaises de ces communautés que le M23 se dit défendre, mais aussi la présence dans la région et au Rwanda des milliers des réfugiés, « que nous avons hébergé depuis une trentaine d’années, ces réfugiés qui doivent retournes chez eux ».
Kagame est-il fatigué mais aussi déçu ? Dans ces propos, le Président Kagame a dit que « ce problème peut être résolu ». “Rwanda was present from Nairobi and Luanda process, to find resolution on Congo issues. I get tired». Pour Kagame, il suffit que le Congo et les pays de la région comprennent cet aspect de cette crise. Ils leur suffisent qu’ils me comprennent et ensemble on peut résoudre ce problème de la RDC.
Dans ces propos, on peut lire que le Président insinue que, partant de confluence sur M23, si lui, devenait « médiateur » ou associé comme acteur régional et non comme un belligèrent, la solution peut être trouvé. On peut être tente de croire que Paul Kagame a la solution à cette crise dans ses mains mais que les « occidentaux » impose leur mode de résolution des conflits.
II.4. Processus de Luanda
A la question posée par un journaliste de Radio France internationale (RFI) de ce que le Président pense par rapport ce qui peut advenir après l’échec de Luanda (Luanda talks). Y’aura-t-il une continuation de ce processus ou c’est blocage total ?
Dans le discours du Président Kagame, on peut réaliser que pour la première fois ou rarement il se trouve dans une position défensive, essayant de se justifier de son absence à Luanda. Le Président Kagame a voulu prouver que la faute est à imputer à la partie Congolaise qui n’avait pas voulu accepter le contenu de l’accord. Dans la même logique, le Président Kagame a semblé condamné la médiation (Angola) pour avoir donné une face de l’information qui avantage la RDC.
III. Administration Trump aux USA
A la question posée par le journaliste Al Jazeera demanda au président Rwandais, ce qu’il pense par rapport au récent changement dans l’administration américaine et la venue du président Donald Trump à la maison Blanche. Etes-vous satisfait de la façon sont les Américains traitent le dossier de la crise congolaise ?
A cette question, on peut lire facilement que Président Paul Kagame a totalement perdu toute sa confiance vis-à-vis de l’actuel administration américaine. Il précise sans langage des bois qu’il n’y aura pas beaucoup de changement de la façon dont les Américains traitaient ce dossier.
Selon mon analyse qu’est ce qui justifie cette déception vis-à-vis de l’Administration Americaine, et pourquoi, à ce moment précis ? Sa deception s’explique par les derniers accrochages entre le Rwanda et l’administration Américaine. A la suite de l’arrestation illégale d’un résident américain, Paul Rusesabagina et les différentes correspondances du Secrétaire d’Etat américain Antony Blinken que le Président Paul Kagame avait jugé « inappropriées », Kigali a apparemment été humilié alors que le Président Kagame avait forcément affirmé que chez lui « la pression ne passe pas » !
Durant cette crise, Kagame est allé même a affirmé que les Américains sont plus intéressés par les richesses du sous-sol de la RDC. Il semble être déçu de la façon dont les autorités américaines se rangent du côté congolais. Cette situation, et la façon de voir les choses entre ces deux anciens amis, ne s’est pas du tout jusqu’ici améliorée.
IV. Observations (Body language)
Quelques observations personnelles sur le déroulement de la conference de presse du Président Paul Kagame.
IV.1. Body language
La conférence de presse du Président Kagame peut aussi s’interpréter par les signes de son corps (body language). Par exemple, dans introduction la modératrice lui a demandé s’il pouvait commencer par un mot d’ouverture. Le Président a dit NON, pour signifier qu’il n’avait pas un mot à dire. Quand modératrice souhaita au Président les meilleurs vœux, Paul Kagame s’en souviendra qu’il était important de commencer par un mot d’ouverture.
Le Président est apparemment fatigué. Il semblait perdre la mémoire et oublie des questions qu’il avait été posé. Le Président a maintes fois demandé qu’on reprenne la question qui avait été posée. D’un moment à l’autre, il perdait la mémoire, oubliant vite la question qui suivait, le chaque journaliste était obligé de lui rappeler encore, d’autres parties de la question posée.
Dans une heure de la conférence de presse, le modérateur (MC) lui avait déjà proposé la pause car il commençait déjà à manifester les signes de fatigue injustifiés. La modératrice, a semblé avoir un briefing, au point qu’elle semble gérer ses gestes, jusqu’à stopper les questions des journalistes pour que le président prenne un peu de souffle (la pause).
IV.2 Les non-dits
Dans cette analyse, il y a d’aspects qui n’ont pas été dits et ça semble être étrange. Durant toute cette conférence de presse, le Président n’a pas fait mention au Burundi. Le Burundi est un pays voisin dont les frontières terrestres avec le Rwanda ont été fermée, il y a de cela une année. Les forces Burundaises combattent aux côtés des FARDC sur le front au Nord-Kivu mais aussi les tensions entre ces deux pays sont entrées dans une phase compliquée.
Ne pas citer le Burundi est-il une façon de ne pas présenter le Rwanda comme pays ayant des problèmes avec presque tous les voisins ou le Président essayait de caresser les poiles dans le sens qu’il veut pour amadouer son voisin ? Le Président Kagame n’a pas fait référence au dialogue direct entre le M23 et l’Etat Congolais que son ministre des Affaires Etrangères a exigé comme préalable pour la réussite du processus de Luanda.
Mike Manzi
Leave a Reply