Ituri: Incohérences du Rapport des Experts

Gen Luboya Nkashama, Gouverneur Militaire de l'Ituri (credit: Beninipashe)

En date du 27 décembre 2024 (S/2024/969), le deuxième rapport semestriel d’experts des Nations sur la République Démocratique du Congo (RDC) pour l’année 2024 est sorti. Il a été constaté que ces genres des rapports dits d’experts sont considérés comme « imperfectibles » alors qu’ils peuvent, quelques fois, contenir d’incohérences qui deviennent au fil de temps de faussetés. Toutefois, du fait qu’ils sont produits par des experts des Nations Unies, ils sont pris pour intégralement vrais et repris par un grand nombre de médias internationaux. En quelque mots voici les éléments qui nécessitent une réflexion sur la situation sécuritaire en Ituri (en quelques points succincts)

  1. Thomas Lubanga & Yves Kahwa

Le rapport de cite Thomas Lubanga et Yves Kahwa Panga Mandro comme de « masterminds » du groupe Zaïre. Dans sa partie introductive, le rapport dit qu’

En Ituri, le groupe armé Zaïre, allié de la coalition AFC-M23, s’est concentré sur l’établissement d’un nouveau front contre les FARDC. Thomas Lubanga Dyilo et Yves Khawa Pango Mandro, qui font l’objet de sanctions, ont joué un rôle essentiel dans la mobilisation du groupe Zaïre et le renforcement de la collaboration avec la coalition AFC-M23. Le groupe Zaïre a intensifié son recrutement, formant des milliers de combattants en vue d’une offensive de grande envergure en Ituri.

Une de ces incohérences est liée au fait que ces rapports partagent des informations de façons disjointes. Par exemple, Thomas Lubanga n’est cité que dans le rapport de décembre 2022 lors de sa libération par le groupe armé CODECO (voir le rapport S/2022/479, page : 21). Par la suite, ces rapports (juin et décembre 2023 et juin 2024) ne citent pas son nom (si ma mémoire est bonne). Les experts ne donnent pas d’information sur quand Thomas Lubanga a fui vers l’Uganda ni moins le contexte dans lequel il a fui vers l’Uganda.

Yves Khawa Panga Mandro est cité dans le rapport de décembre 2022 (voir S/2022/967, page : 19). En decembre 2022, ce rapport stipule que Yves Khawa cherchait « à prendre la tête du groupe Zaïre » et travaillait en étroite collaboration avec le chef militaire du groupe, Zawadi Vajeru. Depuis decembre 2022, les experts presque rien dits sur Yves Khawa jusqu’à ce que on parle d’un très sophistiqué groupe Zaïre qui a des speedboats….

Ces rapports font abstraction au fait que Thomas Lubanga et Yves Kahwa aurait quitté l’Ituri à cause des menaces proféraient par le gouverneur militaire, le Lt. Gen Luboya Nkashama. Ce dernier ne voulait pas des voix qui s’opposent à ses perspectives de résoudre les conflits en Ituri. Il est fort probable que Thomas Lubanga a été accusé par les services de sécurité de la RDC avant qu’il soit cité par les experts. Le fait que Thomas Lubanga et Yves Khawa ont divergé avec le Gen Luboya Nkashama, les experts devraient en tenir compte. Il est difficile de réaliser quand les experts ont été en contact avec Thomas Lubanga et Yves Khawa pour avoir leurs points de vue. Il est aussi inopportun de tout affirmer sur la crise en Ituri sans tenir compte du contexte socio-sécuritaire qui a prévalu en Ituri depuis 2017.

2. Le Groupe « Zaïre”

Le rapport de décembre 2024 fait croire que le groupe Zaïre

s’est doté de matériel militaire et de camionnettes et bateaux militarisés, augmentant ainsi ses moyens d’intervention sur le lac Albert. Il a mis en place une capacité de surveillance aérienne en déployant de petits drones commerciaux.

Pour comprendre le groupe Zaïre, il est important de repartir de l’origine des récentes violences en Ituri depuis 2017. Ces violences ont largement ciblé les membres de la communauté Hema. Alors que les violences ont commencé vers avril 2017, le premier rapport du groupe d’experts qui a cité le groupe Zaïre est celui décembre 2020. Le rapport a bien fait mention de « Zaïre » comme groupe moins structuré et orienté pour l’auto-défende de la communauté Hema. Pendant les quatre premières année (2017-2020) de ce cycle des violences, des milliers de Hema ont été fauchées dans les camps de déplacés et devant la présence des forces de sécurité de la RDC. L’incapacité de la MONUSCO de mettre fin à ces exactions a été si notoire.

Il a été remarqué dans les rapports qui ont suivi celui de décembre 2020, Zaïre était resté comme groupe moins organisé et d’ailleurs cet état de fait qui avait soulevé des questions au sein des membres de la communauté Hema. Partant de ce contexte, il est difficile de croire que d’un coup, le groupe armée Zaïre a acquis des speedboats militaires, des pickup land cruisers mais aussi des drones très sophistiqués etc. il y a ceux qui croient que c’est totalement infondé et que zaïre ne peut pas avoir cette capacité organisationnelle. Deuxièmement, il est aussi important de voir que l’incapacité ―complicité de FARDC et l’inaction de la force des maintiens de paix de l’ONU (MONUSCO) ont largement contribué à cet état de fait. Il aurait été impensable que devant ces atrocités, les jeunes qui ont forme Zaïre devaient attendre d’être égorgés.

3. CODECO

Les experts semblent être à l’aise quand ils parviennent à trouver une « explication » qui prouve que les violences commises sont simplement communautaires. Alors que des exactions commises par la Coopérative pour le développement du Congo (CODECO) sont inimaginables et à qualifier de génocidaires, depuis 2021, les experts ont opté une perspective qui met sur la balance les actions commises par différents groupes en Ituri. Les motivations derrière les actions et les violences filtrent moins dans ces genres de rapports. Et d’ailleurs, ce récent rapport ne pointe pas du doigt et ne parle nulle part des exactions commises par le groupe armé CODECO. La CODECO a commis d’atrocités entre juin et décembre 2024 qui ne méritent une attention particulière du fait qu’elles s’inscrivent dans cette perspective d’en finir avec les « étrangers ».

Alors que cette option est improbable compte tenu du contexte régional et la position actuelle de l’Uganda, on dirait que les experts chercheraient à prévenir que l’Ituri ne soit prise par l’Alliance Fleuve Congo-M23 et que la protection des civiles en Ituri et la prévention d’atrocités à caractère génocidaire sont largués au second plan. Autant que les experts s’engagent à comprendre les enjeux régionaux, les dynamiques autour de violences au niveau local en Ituri, autant ils doivent s’intéresser sur les causes profondes de la crise mais aussi de l’implication des unités (individus) qui gèrent les institutions étatiques.

Equipe Eastern Congo Tribune

 

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PhD & Visiting researcher @POLISatLeeds, proud of being a "villageois". My interest: Peace, conflict, Genocide Studies, Minority ethnic groups, DRC, African Great Lakes region. Congolese, blogger & advocate #Justice4All in #DRC.

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