Génocide contre le Banyamulenge : Burundi dans le collimateur

Credit: Great Lakes Eye (https://thegreatlakeseye.com/post?s=DRC%3A--Burundian--army--joined--FDLR--in--killing--civilians--%E2%80%93--report_1259)

Il y a quelque temps, le Burundi et surtout les Force de Défense Nationale du Burundi (FDNB) sont accusés de mener des attaques à caractère génocidaire contre le Banyamulenge au Sud-Kivu et surtout dans les Hauts Plateaux d’Uvira, Fizi et Itombwe (Hauts Plateaux par la suite). Alors que cette intention d’éliminer le Banyamulenge reste invraisemblable (jusqu’à preuve de contraire), les FDNB pourront répondre de complicité de génocide.

La présence et mission principale des FDNB dans les Hauts Plateaux sont d’ordre sécuritaire : combattre les rebelles Burundais et contenir l’influence de Forces de Défense Rwandaises (RDF). Les rebelles Burundais au Sud-Kivu inclus principalement le Red-Tabara qui a activement contribué à commettre d’atrocités contre les populations civiles Banyamulenge. Depuis 2016, le RED-Tabara et FOREBU ont reçu un soutien logistique et militaire de RDF que cette dernière continue de nier.

Les FDNB sont-elles entrain de finir le sale boulot commencé par leurs rebelles dont elles prétendent venir combattre ? Le choix de ne pas opérer dans la neutralité et d’une manière indépendante dans ce contexte polarisé, les FDNB ont pour alliés les Forces Armées de la République Démocratique du Congo (FARDC) et paradoxalement, les milices locales MaiMai/Biloze-Bishambuke dont leur idéologie est d’éliminer le Banyamulenge. Comment comprendre ce paradoxe ?

  1. FDNB à Bibokoboko, Bijombo & Rurambo.

Depuis 2022, des centaines de milliers de militaires Burundais, FDNB se sont déployés progressivement dans les Hauts Plateaux du sud Sud-Kivu. Autour des localités habitées par le Banyamulenge, les FDNB sont à Bibokoboko ou Bibogobogo (moyen Plateau au-dessus de Baraka en territoire de Fizi), en groupement Bijombo (territoire d’Uvira) ainsi que dans la Cité d’Uvira. Selon les informations vérifiables, les FDNB recherchent la cohabitation des communautés dans ces zones citées (Bibokoboko, Bijombo et Uvira centre). Dans la mesure du possible, elles tolèrent moins des attaques commises par les milices et les unités FARDC qui visent certaines communautés, dont le Banyamulenge.

A titre illustratif, les FDNB se sont opposées farouchement aux attaques menées par les « Wazalendo », MaiMai/Biloze-Bishambuke à Bibokoboko. Vers fin Septembre 2025, des unités basées à Bibokoboko ont dû poursuivre et ramener les vaches qui avaient été razziées par les « Wazalendo ». Cet engagement en faveur de victimes de la barbarie « Wazalendo » n’était pas le premier. Au courant de cette semaine, les FDNB ont facilité l’acheminement vers Bujumbura (en passant par le Lac Tanganyika) d’une douzaine des personnes malades venues de Bibokoboko (sources sures indiquent).

De populations civiles vivant à Bijombo, élèves, enseignants et surtout ceux membres de la communauté Banyamulenge ne peuvent que faire mouvement vers Uvira s’ils sont escortés par les FDNB. En partie nord de Bijombo, des populations Banyamulenge vivant dans les localités dites Rurambo n’ont pas de problèmes particuliers avec les FDNB.

  1. FDNB à Minembwe & Mikenge (Mikenke).

De 2018 à mi-2022, les FDNB ont opéré militairement et « discrètement » dans les Hauts Plateaux d’Uvira pour traquer les rebelles Burundais, notamment les RED-Tabara, Forces Nationales de Libération (FNL) et les Forces Républicaines Burundaises (FOREBU). Les attaques contre les rebelles se faisaient avec complicité des groupes armés locaux.

C’est vers mi-2022 que la République Démocratique du Congo (RDC) a officialisé l’envoi des unités FDNB au Sud-Kivu. Dans une forme de coopération bilatérale entre la RDC et le Burundi, des unités FDNB ont même été déployé jusqu’à Minembwe et Mikenge (entre 2023-2024). Le déploiement de FDNB à Minembwe est survenu pendant une période compliquée de confrontation entre les FARDC – MaiMai et Twirwaneho. La présence et le comportement de ces unités FDNB à Minembwe avaient été appréciés par les populations locales. En Novembre-Décembre 2024, les FDNB ont intervenu pour prévenir un carnage dans le camp de déplacés Banyamulenge de Mikenge. Entre 2018 jusqu’en fin 2024 et d’ailleurs le début 2025, nous n’avions pas entendu des attaques menées par les FDNB aux villages Banyamulenge, ni celles dirigées contre Twirwaneho.

  1. FDNB en Confrontation avec le MRDP

Devant une menace existentielle et faisant face aux attaques qui visaient à les exterminer, le Banyamulenge ont réactivé ces mécanismes d’auto-défense, Twirwaneho (defendons-nous). Depuis 2017 jusqu’à nos jours, une coalition des miliciens locaux MaiMai/Biloze-Bishambuke, les rebelles Burundais (Red-Tabara) et de FARDC ont commis d’atrocités inimaginables contre les civiles Banyamulenge.

La légitimité de Twirwaneho chez le Banyamulenge est incontestable. N’eut été les efforts de ces hommes et femmes de se défendre, aucun d’eux ne serait sur le territoire de la RDC et surtout dans les Hauts Plateaux. Twirwaneho qui était dirigé par Michel Rukunda Makanika n’était que cet esprit collectif de s’opposer aux forces et à l’idéologie génocidaires. Par leur courage, ils ont combattu et défié (entre 2017 jusqu’en début 2025) cette coalition des milices locales, les FARDC ainsi que les groupes armés étrangers et leurs commanditaires.

Un grand tournant s’effectue en début 2025. Les villes de Goma et Bukavu sont « occupées ou libérées » par l’Alliance Fleuve Congo (AFC/M23) soutenue par le Rwanda. En février 2025, Michel Rukunda Makanika est tué dans des circonstances floues mais qui ont largement lien à ces développements dans la région. Sa mort mystérieuse et la suite des événements qui s’en ont suivi ouvrent une voie de confrontation entre Twirwaneho et les FDNB.

  1. Hauts Plateaux : Dernier Verrou pour Protéger Gitega-Bujumbura

Twirwaneho devient le Mouvement Républicain pour la Dignité du Peuple (MRDP) et rejoint officiellement l’Alliance Fleuve Congo (AFC/M23). L’alliance entre le MRDP et l’AFC/M23 connait des zones d’ombre qui laissent de doutes sérieux sur son avenir. Le soutien promis par l’AFC/M23 au MRDP semble trainer et cela crée de frictions mais aussi de frustrations au sein de la hiérarchie MRDP. Dans un premier temps, des observateurs non-avisés croyez que l’AFC/M23 et le Rwanda vont déployer leurs forces pour sauver le Banyamulenge. Dans toute impuissance, nous avons assisté à la détérioration des conditions humanitaires et sécuritaires dans les Hauts Plateaux : un blocus est imposé surtout au Banyamulenge sous prétexte qu’ils soutiennent l’AFC/M23.

Le fait que le MRDP ait rejoint une alliance qui implique (in)directement Kigali inquiète Gitega (Bujumbura) et les FNDB. Les FDNB et le Burundi prend au sérieux ce qui est vu comme une menace du MRDP sous commande de l’AFC/M23 & du Rwanda. Sur toutes les lignes de front, les FDNB renforcent leurs unités. Les Hauts Plateaux deviennent un verrou et une zone stratégique pour les forces belligérantes. Depuis février 2025, deux convois des forces dites de l’AFC/M23 ont franchi les lignes de front en passant par la danse forêt d’Itombwe en direction de Minembwe. Alors que la majorité de ces militaires et recrus sont de Banyamulenge, le premier convoi incluait une unité du M23 dirigé par le Colonel Gakufi (cette unité est rentrée à Kalehe, il y a quelques temps mois).

Positions militaires FDNB qui se rapporchent de Twirwaneho (rouge: FDNB & Vert: Twirwaneho)

Pour les FDNB, les Hauts Plateaux, par sa position stratégique en termes de calcul militaire, n’est plus la RDC mais plutôt le dernier verrou pour faire sauter Bujumbura. Les FDNB déploient progressivement ses unités pour presque contrôler tous les Hauts Plateaux, y-compris autour de Minembwe et Mikenge qui sont les lieux stratégiques pour la survie du MRDP mais aussi les verrous pour protéger les civiles Banyamulenge contre les attaques MaiMai-FARDC.

  1. FDNB & Alliance FARDC-Wazalendo

En août 2022, le FDNB commencent les opérations militaires contre le Red-Tabara dans le cadre des accords bilatéraux. Le FDNB ayant pour partenaire le FARDC, ils coopèrent aussi avec les MaiMai/Biloze-Bishambuke. Entre avril 2017, ces rebelles Burundais avaient conclus une alliance avec les miliciens locaux, MaiMai/Biloze-Bishambuke. Jusqu’en mi-2024, certains de ces groupes armés locaux MaiMai/Biloze Bishambuke coopéraient avec les Red-Tabara. Les organisations de la société civile d’Uvira se sont prises aux FNDB toutes les fois qu’elles traversaient pour attaquer ces rebelles. Ceci implique combien ce contexte socio-culturel est envenimé.

Paradoxalement, pour combattre les FDNB trouvent ces mêmes miliciens (alliées de Red-Tabara…) comme des nouveaux alliés. Tactiquement, s’allier aux miliciens locaux ne posait pas de problèmes. Le danger est l’idéologie de ces miliciens qui considère collectivement le Banyamulenge comme des « envahisseurs » à éliminer. Il y a d’énormes exemples qui indiquent que ces miliciens ont sélectivement attaqué le Banyamulenge car simplement Banyamulenge. Des discours récents et attaques contre le Banyamulenge lors de la contestation du General Olivier Gasita en sont un exemple frappant. Des preuves indiquent que unités FARDC déployées dans la région ont collaboré et collaborent avec les MaiMai/Biloze-Bishambuke dans ces attaques ciblées.

Conclusion

Le déploiement de FDNB dans les Hauts Plateaux est justifié par plusieurs raisons, y-compris sécuritaires et économiques. Les réseaux sociaux se réclamant de l’AFC/M23- Rwanda ne cessent de clamer que leur objectif ne pas seulement Uvira mais aussi Bujumbura. Les tensions diplomatiques et accusations mutuelles entre le Burundi et le Rwanda indiquent que rien n’est à prendre à la légère.

Twirwaneho qui, hier a combattu les Red-Tabara et par ricochet le Rwanda, se trouve aujourd’hui obliger de s’opposer aux FDNB.  Dans une certaine mesure et au travers les communications de l’AFC/M23 et celles des fanatiques du MRDP, on croire que Kigali/AFC-M23 chercheraient à renforcer ce front militaire dans les Hauts Plateaux, non pour l’intérêt de Banyamulenge mais pour prendre de la hauteur vis-à-vis de leurs ennemis. Il faut opposer ouvertement les MRDP-Twirwaneho aux FDNB. C’est aussi la façon de rétrécir (contrôler) toutes manœuvres politiques de ce que peut devenir le MRDP dans ce contexte très dynamique et imprévisible.

L’alliance des FDNB avec les FARDC, mais spécifiquement avec les MaiMai était un danger à prendre au sérieux pour l’avenir et la sécurité de civiles Banyamulenge et celle de la région de pays de Grands Lacs d’Afrique. Alors que le nombre élevé des militaires FDNB ne signifie pas l’intention de commettre un génocide contre le Banyamulenge, l’idéologie d’en finir avec les « envahisseurs » doit interpeller le Burundi et ses autorités militaires et politiques. La population Banyamulenge doit être compris comme une population civile comme tant d’autres, recherchant sa survie face à cette idéologie d’éliminer les « étrangers’.

La compétition et confrontations entre le Rwanda et le Burundi dans les Hauts Plateaux pourront éclipser les responsabilités des uns et des autres. Le processus de déterminer les responsabilités des acteurs et pays impliqués dans les atrocités de 2017 est en cours. La protection de civiles et surtout de Banyamulenge comme groupe spécifiquement ciblé doivent constituer un impératif, loin de toute forme de récupération et politisation. Les FDNB doivent comprendre cette nécessite. En laissant de côté les compétitions et crises sécuritaires entre le Rwanda et le Burundi (pour le Sud-Kivu) pourra compromettre les efforts de processus de Washington et de Doha.

Rédaction : The Eastern Congo Tribune

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PhD & Visiting researcher @POLISatLeeds, proud of being a "villageois". My interest: Peace, conflict, Genocide Studies, Minority ethnic groups, DRC, African Great Lakes region. Congolese, blogger & advocate #Justice4All in #DRC.

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