Proche de Laurent Nkunda, Tombeur du M23 & des ADF : Qui est le Colonel Sematama Charles ?

Ne serait-il pas que ce qui nous surprenne l’est parce que nous n’y avons pas fait attention alors que pour les comploteurs tout a été fait pour qu’on arrive à cette surprise?

La désertion/défection du Colonel Charles Sematama, il y a deux semaines, est tombée comme une surprise pour tous ceux qui suivent la situation sécuritaire de l’Est de la République du Congo (RDC). Juste avant qu’il déserte, le Col Sematama Charles était le Commandant Régiment 3411e opérant dans le territoire de Masisi, Kitshanga au Nord-Kivu. Pour comprendre les raisons de sa désertion (défection), cet article retrace son parcours en vue d’établir une corrélation entre celui-ci et les motivations de désertion.

  1. De l’enfance au Service Militaire

Sematama Charles est né dans le village Karumyo autour de localités de Kamombo vers mi-1970. Il a fait son école primaire et secondaire dans les Hauts Plateaux de Fizi, Kamombo, Mirimba et Bibogobogo. Dans ces conditions politiques caractérisées par de tensions socio-culturelles et de troubles dans la région des Grands Lacs d’Afrique, il rejoint l’Armée Patriotique Rwandaise (APR) en début 1995. Comme d’autres jeunes de sa communauté, les années 1995-1996 furent caractérisées par un recrutement de jeunes qui finiront par rejoindre l’Alliance des Forces Démocratiques pour la Libération du Congo/Zaïre (AFDL).

Dans ses vingtaines d’âge, Sematama Charles fait partie de premières colonnes de l’AFDL qui marchèrent de la Plaine de Ruzizi vers Lubumbashi. Tout au début de l’AFDL (Octobre-Novembre 1996), Sematama est parmi les proches, le cercle rapproché du Commandant Nicolas Kibinda jusqu’à la mort de ce dernier. De la mort de Nicolas Kibinda, Charles devrait rejoindre d’autres unités qui avancèrent vers Lubumbashi. A la prise de la ville cuprifère, il est déployé au Camp Militaire Vangu en commandant une petite unité en charge de protection des autorités provinciales. C’est enfin le régime Mobutu qui tombe et la venue de la famille Mzee Laurent Désiré Kabila. Mi-1998, il est déployé vers Butembo, précisément à Mangurujipa dans les opérations militaires contre les groupes armés dans la région dite du « Grand Nord ». Par son courage et détermination (selon nos infos), il est nommé commandant compagnie jusqu’à l’éclatement des nouvelles rébellions 1998.

Alors qu’il est encore jeune commandant d’une compagnie, la rébellion du Rassemblement Congolais pour la Démocratie (RCD) éclate dans un climat flou. A Mangurujipa, il va recevoir un groupe de militaires qui avaient fui Kisangani à la suite de ces événements malheureux de 1998. Une nouvelle ère d’incertitude s’ouvre pour ce jeune militaire qui n’attendait que le pays de Lumumba et de ses ancêtres se stabilise. Le RCD se disloque en parties et il se voit dans l’obligation de rejoindre le RCD/KML en 1999. Charles Sematama est cité parmi les trois commandants militaires autour de Mbusa Nyamwisi pour organiser la branche armée du RCD/KML, l’Armée Populaire du Congo (APC). Le jeune militaire s’adapte facilement et monte les échelons militaires pour diriger un Bataillon au sein de l’APC. Il est admiré par sa hiérarchie et surtout pendant les opérations dans le Ruwenzori lors des affrontements contre les Lord Resistance Army de Joseph Kony. C’est en appui de l’Armée Ougandaise (UPDF) qui, d’une manière avait une main derrière le RDC/KML mais aussi le MLC que l’APC avait continué d’opérer contre les miliciesn de Lord Resistance Army. On lui reconnait sa bravoure et engagement dans les combats pour sauver les victimes d’enlèvements de LRA vers 1999-2001.

  1. Des Accord de Sun City à l’Entrée au CNDP de Laurent Nkunda

Les accords de Sun City ouvrent une autre ère conduisant à la formation d’une nouvelle armée dite nationale, les Forces Armées de la République Démocratique du Congo (FARDC). Après les accords de Sun City, Sematama Charles est nommé Commandant Bataillon et devait intégrer les FARDC. Le processus d’intégration des unités se fait organiser vers Bunia et autour du Colonel Lenge Eric venu de Kinshasa. Dans une situation confuse et dont Sematama ne se sentait pas en sécurité, l’ordre est venu invitant les unités du RCD/KML de rejoindre Beni pour entamer en nouveau ce processus d’intégration. Vers 2004, Sematama Charles est nommé commandant Bataillon au sein de la Brigade intégré commandé par le Colonel Kasikila. Cette Brigade finira par être déployée dans le territoire de Rutshuru pour combattre le CNDP de Laurent Nkunda. Au sein de la Brigade qui combattait le CNDP, Sematama Charles, ancien rebelle du RCD/KML, est aussi trahi pour de fins liées à ses traits physiques. Il n’est pas bien digéré au sein de la brigade de She Kasikila; le dernier est bien connu pour ses positions allant dans ce sens. Se serait-il opposé à certains traitements et suspicions qui amalgamaient les civils en rapport avec le groupe de Laurent Nkunda ? Il se serait, selon certaines indiscrétions, opposé à l’acharnement contre l’Administrateur du territoire (AT) de Rutshuru dont les unités commandaient par le Col Kasikila voulaient à tout prix s’en débarrasser de l’AT ? Il va finira par rejoindre le CNDP en forme de désertion (défection). Toutefois, il est aussi probable de lire que la défection comme étant une forme de « sauve qui peut ».

  1. Du Mixage au Front contre le M23

Bien que Charles Sematama ait rejoint le CNDP dans les circonstances moins claires, les officiers de son groupe communautaire avaient dans la majorité opposé cette nième insurrection dont on croyait être soutenu par le Rwanda. Pour la plupart d’officiers militaires de sa communauté, le CNDP n’était pas un projet qu’il fallait épouser si facilement. Toutefois, Sematama ait parvenu à s’intégrer et surtout qu’il avait eu d’indications de s’être opposé à l’acharnement qui visait l’AT de Rutshuru, un familier de Laurent Nkunda. Il parvient à avoir la confiance de la hiérarchie militaire du CNDP au point de devenir le commandant de l’unité qui était commis à la protection du Gen Laurent Nkunda. Son engagement et discipline lui aurait valu cette confiance dont l’origine serait sa frustration d’amalgamer les civils dans les confrontations militaires.

Sematama Charles proche de Laurent, a vécu cette surprise revirement de Kigali et rapprochement enre Kigali et Kinshasa. Le rapprochement conduisit à l’arrestation de Laurent Nkunda et la nomination de Bosco Ntaganda à la tête du CNDP. Dans la foulée, le CNDP entre dans le processus de mixage sous Bosco Ntaganda. Alors qu’il avait commandé ce Bataillon de l’unité autour de Laurent Nkunda, Sematama restera pour quelques années sans fonction militaire lors du processus de mixage. Il est nommé commandant Bataillon vers Vitshumbi en 2011, quelques mois avant la défection du M23. A la défection de Bosco Ntaganda, l’unité de Sematama Charles est appelée au secours par la Région Militaire de Goma pour bouter dehors les insurgés qui sont ses anciens camarades du CNDP. Il est à la ligne de front jusqu’à récupérer la cite de Bunagana et ses environs en début 2012. La hiérarchie militaire FARDC reconnait en lui un commandant brave, apprécié et recompassé par l’Etat-Major Général, dont le Gen Didier Etumba.

En Juillet 2012, Bunagana et ses environs sont encore une fois occupés par le M23 ouvrant une avancée pour occuper la ville de Goma.  Dans la foulée de ces défaites contre le M23, certains commandants opérant en zone Est sont conviés à Kinshasa. Toutefois, Charles Sematama reste sur le front au Nord-Kivu comme commandant Bataillon. Il est cité parmi les commandants d’unités autour du Colonel Mamadou Ndala dans la bataille contre le M23 jusqu’à la dernière défaite de ce mouvement. A la défaite du M23, Sematama est promu Commandant Régiment Adjoint en guise de reconnaissance de sa bravoure. Dans la suite, l’ensemble d’unités qui opéraient dans le Rutshuru/Nyiragongo sont redéployées vers Beni.

Sematama Charles est dans un premier temps déployé comme commandant ville de Beni. Au même moment, Charles Sematama doit mener des opérations militaires à Beni contre les ADF. Autour du feu Gen Lucien Bahuma, ses prestations sont appréciées au point d’être promu Commandant Régiment jusqu’à son déploiement vers le Sud-Kivu en Décembre 2018.

  1. Au front contre le Rebelles Burundais au Sud Kivu vers la Défection

Déployé au Sud-Kivu, le Col Sematama a pour mission de traquer les rebelles Burundais basés dans les Hauts Plateaux d’Uvira. Rejoindre le Sud-Kivu, sa province natale pour y opérer comme officier militaire ne lui arrive qu’après 22 ans de parcours. Depuis 1996, Sematama n’a jamais opéré dans le Sud-Kivu. En bref, Sematama Charles n’est pas parmi ces militaires qui ont longtemps œuvré dans leurs provinces d’origine. Il avait toujours suivi de loin ces situations qu’a connu les Hauts Plateaux d’Uvira-Fizi depuis les années 1996.  Cela lui aurait valu cette confiance comme critère de son choix pour aller traquer les rebelles Burundais, Red-Tabara, FNL et FOREBU.

La mission de traquer les rebelles Burundais semble posé le jalon de sa défection d’aujourd’hui. Ils sont moins nombreux qui douteraient de l’implication de certains officiers FARDC dans l’installation et établissement de ces rebelles Burundais et Rwandais dans les Hauts Plateaux d’Uvira/Fizi. Personnellement, je suis de l’avis qu’il s’agissait d’un plan bien conçu et dont aujourd’hui on ne fait que payer son lourd tribut aux communautés locales. Dans le plan de stabiliser cette région, l’opération militaire devrait traquer les rebelles Burundais alors que les groupes locaux avaient une option de se rendre pour rejoindre le processus de démobilisation ou réintégrer les FARDC. Il faut souligner qu’il ne restait que les Burundais car les Rwandais (Rwanda National Congres) avaient été piégés pour se retrouver à Kigali.

Les attaques (opérations militaires) sont menées avec succès et sont concentrées vers la partie Rurambo. Les Red Tabara, Forebu, FNL se retirent dans la partie Itombwe forêt, Mwite, Kangovu, Lubumba, une occasion pour s’engager derrière les MaiMai dans les attaques contre les villages de Kamombo, Itombwe et Minembwe. Les unités du Régiment Sematama sont ordonnées d’intervenir vers Kamombo et Itombwe.  L’armée et les politiques définissent (par manigence) la nouvelle vague de violence dans les Hauts Plateaux et autour de Minembwe comme une crise entre les communautés. Sur base des accusations qui ressemblent à un complot visant à écarter certains de ses commandants sur base de leur appartenance communautaire, on doit retirer des officiers natifs de la région et on ne finit que retirer ceux qui sont identifiables. En plein periode d’affrontements et de destruction massive contre villages et bétails, Sematama en personne est invité vers Uvira et il est enfin interdit de ne pas rejoindre ses unités. La raison n’est pas si fondée ; mais, l’ordre est militaire. C’est juste une façon de laisser la situation se détériorer à l’insu de ces officiers ? Cela arrive à plusieurs officiers appartenant à une seule communauté.

Un cas précis est celui du commandant Bataillon Adjoint qui opérait dans l’Itombwe (basé à Mikenke) dont on a forcé son chef Bataillon de quitter la région alors que le second est resté pendant plusieurs mois en opération jusqu’à ce que leurs unités soient redéployées en Province Tanganyika. Cette forme déguisée de discriminer un seul groupe communautaire persiste jusque vers début 2020. Un seul officier est redéployé juste pour cette raison. Le FARDC savait bien ce qu’elle faisait. Cette discrimination basée sur le faciès est soutenue d’une manière implicite par la Monusco qui croit que la question sera résolue si une fois les natifs sont exclus. Dans ce complot ourdi qui décima tout le Haut Plateau, Sematama est enfin déployé vers Masisi, Kitshanga. Le rapport des Experts de Nations Unies le nomme (colle) ensuite la question qui existait depuis des années de collaboration entre FARDC et NDC-Rénové (voir S/2020/1283). Sa hiérarchie militaire semble trouvé une occasion pour l’exclure car témoin gênant de ce qui s’est passé dans les Hauts Plateaux ? Ces allégations de collaboration entre NDC-Rénové et FARDC sont-elles « cousues de fil blanc » pour l’étouffer ? C’est dans ce contexte que le Colonel Charles Sematama a décidé de rejoindre les Hauts Plateaux détruits dans sa totalité et dont sa communauté est largement abandonnée par l’armée que lui-même servait.

NTANYOMA R. Delphin

PhD Researcher in Conflict Economics

The Institute of Social Studies/

Erasmus University Rotterdam

Twitter: https://twitter.com/Delphino12

About admin 430 Articles
PhD & Visiting researcher @POLISatLeeds. Interest: Microeconomic Analysis of Violent Conflict, Genocide Studies and violence targeting minority groups. Congolese, blogger advocating for Equitable Redistribution of Ressources & national wealth as well as & #Justice4All #DRC. On top of that, I'm proud of being a "villageois"

4 Comments

  1. Tel père, tel fils. Juste pr vous informe que COL Sematama Charles dont le nom de l’enfance est Sebanyana, il est fils de Rwambika Sematama Abraham , un ancien guerier/umugiriye qui a lutté contre les maimai Mulelistes jusqu’à ce que ils ont échoués a mettre en pratique leur plan d’éliminer, Tuer et assassiner la communauté banyamulenge dans les années 1965-1970.Merci pour votre article si riche @Delphin Ntayoma mon ami et compagnon de lutte

  2. It is a good thing for this comrade to partake and to sue the role of protecting the hometown of which he has been for so long indeed of its peace. Colonel for whatever circumstances that made him to dissert. It on my side positively and attractive to stabilize the place. This will one increase the effort to those on field in self defense and two it will force him to determine and express his experience so it will double the way to freedom. Perhaps those in rebel groups will one fear his arrival and will force them to realize that we are also coming to tell you the truth. This time back home campaign is real we are interested in agenda building perspective

    • That is true, Banyamulenge community have right to defend themselves while their government keept quite on their matter and genocide that is going on

  3. That is true, Banyamulenge community have right to defend themselves while their government keept quite on their matter and genocide that is going on

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